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28/01/2025 | FRANCE | N°23NC02973

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 23NC02973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2300550 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa deman

de.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 22 septembre 2023, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2300550 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut et dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de titre méconnait les articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil et est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'authenticité des documents justifiant de son état civil ;

- elle est entachée d'une absence d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnait l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 et 17 novembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Martin, avocate de M. A...

Des pièces complémentaires enregistrées le 7 janvier 2025 ont été présentées par M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., se disant ressortissant sierra-léonais né le 16 juillet 2003 à Koidu Town, est entré en France selon ses déclarations en octobre 2018. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle par jugement du 12 décembre 2018. Le 25 juin 2021, Il a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 28 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué est signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie par le préfet de Meurthe-et-Moselle par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, à l'effet notamment de signer un arrêté de la nature de celui du 28 novembre 2022. Le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

4. La délivrance de la carte de séjour temporaire prévue par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect des conditions qu'il prévoit, en particulier que l'étranger ait été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans. Il appartient à l'administration de vérifier cette condition au vu notamment des documents d'état civil le cas échéant présentés par l'étranger.

5. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Selon l'article 47 du code civil auquel il est ainsi renvoyé : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ".

7. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, présentée le 25 juin 2021, et pour établir son identité, son état civil et sa nationalité, le requérant a produit, d'une part, un document se présentant comme un original de son acte de naissance, dressé le 10 juillet 2016, assorti d'un document se présentant comme un certificat d'authenticité établi par un officier du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale sierra léonais, en poste à Freetown, daté à la main du 7 juillet 2020, documents selon lesquels le requérant est né le 16 juillet 2003 et, d'autre part, un passeport sierra-léonais délivré le 2 octobre 2020.

9. S'agissant de l'acte de naissance produit, le rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières de Meurthe-et-Moselle du 26 août 2022 l'estime non pourvu de force probante en ce que l'impression de l'acte d'état civil a été réalisée en jet d'encre au lieu de l'offset à ton direct, que les techniques d'impression de ce document ne sont pas conformes au modèle authentique et que la numérotation est également imprimée avec une technique qui n'est pas conforme. Pour contester ces analyses, le requérant se borne à soutenir que le préfet ne précise pas les dispositions sur lesquelles il s'appuie pour prétendre que l'acte de naissance produit devrait présenter de telles caractéristiques, mais s'abstient de fournir toutes précisions sur la teneur de la législation sierraléonaise régissant le contenu et la forme des actes de naissance, alors qu'elle est la loi personnelle du pays dont il soutient être le ressortissant, ni n'apporte aucune explication à la circonstance que, selon le document présenté, mentionnant qu'il est différé (" delayed BC/2017 "), l'acte de naissance a été dressé, en 2016 et non 2017, plus de treize ans après l'évènement dont il fait état. En outre, il ne conteste pas la circonstance que les motifs et emblèmes apposés sur le document ne sont pas conformes et qu'il comporte un cachet de légalisation de la signature qui est imprimé au jet d'encre mais ne constitue pas un cachet humide.

10. S'agissant du document se présentant comme un certificat d'authenticité établi par un officier du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale sierra léonais, en poste à Freetown, daté à la main du 7 septembre 2020, le même rapport le juge non pourvu de force probante en ce qu'il est intégralement imprimé en jet d'encre, et notamment le cachet de légalisation de la signature, ce qui ressort clairement du document lui-même, mais ne constitue pas un cachet humide.

11. Les diverses anomalies dont il est fait état ci-dessus, et qui ne sont pas sérieusement remises en cause par M. A..., sont de nature à priver les différents documents ainsi présentés de valeur probante.

12. Postérieurement à l'arrêté du 28 novembre 2022, le requérant a, pendant l'instance d'appel et après communication des écritures en défense présentée par la préfète de Meurthe-et-Moselle, produit, le 12 novembre 2023, un premier document se présentant comme une copie certifiée conforme de son acte de naissance assortie d'un document se présentant comme un certificat d'authenticité établi par un officier du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale sierraléonais, en poste à Freetown, daté à la main du 20 septembre 2023 et par un officier de l'ambassade de la République de Sierra Léone, en poste à Bruxelles, daté à la main du 27 octobre 2023 et un second document se présentant comme une copie d'attestation de nationalité sierra léonaise, qui se veut être également une carte consulaire, délivrée le 27 octobre 2023.

13. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le document présenté comme constituant une copie certifiée conforme de l'acte de naissance comporte un numéro d'acte de naissance différent de celui de l'acte de naissance initialement présenté et fait état d'un acte de naissance dressé le 10 janvier 2017, et non plus le 10 août 2016. Il ne contient pas non plus les mêmes mentions quant aux références du registre des naissances dans lequel figure l'acte et à la page de ce registre, alors que cet acte de naissance ne saurait figurer dans deux registres différents. Il ressort également du rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières de Meurthe-et-Moselle du 15 novembre 2023, que le document présenté comme une copie certifiée conforme de l'acte de naissance de l'intéressé présente des similitudes calligraphiques avec l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de titre de séjour. En outre, le document présenté comme un certificat d'authenticité établi par un officier du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale sierraléonais, en poste à Freetown, daté à la main du 20 septembre 2023 et par un officier de l'ambassade de la République de Sierra Léone, en poste à Bruxelles, daté à la main du 27 octobre 2023 présente une tabulation et un formalisme anormal et non conforme au regard de la technique de dactylographie à la machine. De plus, le document se présentant comme une copie d'attestation de nationalité sierra léonaise, qui se veut être également une carte consulaire, révèle des erreurs de rédaction, de frappes et de saisie, notamment en ce qui concerne l'orthographe du nom du requérant et du lieu allégué de sa naissance. Si ce document mentionne qu'il sert de carte consulaire, une telle carte ne constitue pas un acte d'état civil et n'est pas de nature à justifier de l'état civil du requérant. Ces divers éléments, non contestés par M. A..., sont de nature à priver les différents documents présentés de valeur probante.

14. Si, le 7 novembre 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nevers avait ordonné le placement provisoire du requérant au service de l'aide sociale à l'enfance, une telle ordonnance est dépourvue de l'autorité de la chose jugée. Cette ordonnance fait état de ce que la minorité de l'intéressé a été établie par l'évaluation réalisée par le conseil départemental de la Nièvre. Toutefois, cette évaluation n'est pas produite devant le juge administratif. En outre, l'application de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée à la condition, non que l'étranger ait été mineur lors du placement au service de l'aide sociale à l'enfance, mais à celle qu'il lui ait été confié au plus tard le jour de ses seize ans.

15. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la préfète de Meurthe et Moselle a pu légalement écarter comme non probants les documents présentés par M. A... et estimer, en conséquence, qu'il ne justifie pas de son état civil. En conséquence, il n'est pas établi que, comme le prévoit l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il aurait été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

17. Le préfet a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A... au seul motif que ni l'identité, ni l'état civil de l'intéressé n'était établi. Dès lors, et ainsi qu'il a été dit aux points 9 à 14 du présent arrêt, que le requérant ne justifie pas avoir été confié au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, le préfet a pu, sur ce seul motif, refuser le titre de séjour sollicité. Si M. A... se prévaut de son investissement dans ses études, de l'obtention de deux certificats d'aptitude professionnelle et d'une absence de lien avec sa famille résidant dans son pays d'origine, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de ce refus. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 423-22 précité doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

19. Il ne ressort pas de la demande de titre de séjour présentée par M. A... qu'il aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code. Il ne ressort pas davantage des termes de la décision litigieuse que le préfet aurait examiné d'office si l'intéressé était susceptible de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte doit être écarté comme étant inopérant.

20. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le doit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.

21. M. A... se prévaut de sa durée de présence en France, de son investissement scolaire, notamment de l'obtention de deux certificats d'aptitude professionnelle et de son absence de lien avec sa famille résidant dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... était présent en France depuis quatre ans à la date de la décision attaquée, la durée de son séjour n'est pas particulièrement ancienne, il est célibataire et n'a personne à sa charge et il est entré irrégulièrement sur le territoire français. Il n'établit pas avoir tissé sur le territoire français des liens d'une particulière intensité alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et ses sœurs. Il ne justifie pas en quoi il ne pourrait poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont il indique être le ressortissant. Si l'intéressé se prévaut de son investissement dans ses études, lui ayant permis d'obtenir deux certificats d'aptitude professionnelle, ces circonstances, malgré sa volonté d'intégration, ne suffisent pas à considérer que la décision attaquée aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée au regard du pouvoir de régularisation du préfet.

22. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...).

23. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 21, M. A... ne justifie pas de l'existence de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de ces dispositions, de sorte que le moyen tiré de leur méconnaissance doit également être écarté.

24. En septième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté.

25. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète doivent être écartés.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Dès lors, il ne peut être fait droit aux conclusions à fin d'injonction qu'il présente.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Martin et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.

Le président,

Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N°23NC02973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02973
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nc02973 ?
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