Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'issue de ce délai, ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2303979 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Hamza-Sanchez, demande à la cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2023 ;
3°) de faire droit à sa demande de première instance ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande de titre de séjour ;
- l'arrêté du 9 mai 2023 méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 mai 2023 méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 mai 2023 méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 mai 2023 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., se disant ressortissant guinéen né en 2004, est entré sur le territoire français, au mois de février 2020 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance et, au mois de juillet 2022, a sollicité du préfet de la Moselle la délivrance d'un titre de séjour en vue de poursuivre un contrat d'apprentissage ainsi que de travailler et demeurer en France. Par le jugement du 21 juillet 2023 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi qu'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
2. M. B... ayant été, postérieurement à l'enregistrement de la requête, admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. L'obligation pour l'administration de procéder à un examen particulier des circonstances de l'affaire avant de prendre une décision, même discrétionnaire, ne se rapporte pas à la compétence de l'auteur de cette décision, à la forme de cette dernière ou à la régularité de la procédure à l'issue de laquelle elle est prise, mais n'en intéresse que le bien-fondé.
4. Il ressort des points 4 et 8 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle se serait abstenu d'examiner la situation particulière de M. B... comme d'examiner sa demande de titre de séjour au regard des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa lettre du 20 mai 2022 formant demande de titre de séjour, M. B..., qui était alors en cours d'exécution d'un contrat d'apprentissage, faisait état de son souhait de poursuivre ce contrat d'apprentissage et d'obtenir à long terme un contrat dans le domaine de la boulangerie. Cette demande, ni ne spécifiait un titre de séjour d'une nature particulière, ni ne se prévalait d'un fondement particulier parmi les dispositions légales prévoyant la délivrance de titres de séjour. Eu égard à la situation particulière de M. B..., telle qu'elle ressortait de cette lettre comme des pièces produites à son soutien, le préfet de la Moselle a pu valablement s'estimer saisi d'une demande tendant au bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concerne le cas de l'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans, cas de M. B....
6. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de l'arrêté du 9 mai 2023, que le préfet de la Moselle a, sans méconnaître l'étendue de la compétence d'appréciation dont il est investi en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, procédé à un examen de la situation particulière de M. B... avant de prendre cet arrêté. Il en résulte que le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
8. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans, jusqu'à sa majorité, le 12 mai 2022. Au titre de l'année scolaire 2021/2022, il a été inscrit en première année de préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle de boulanger auprès du centre de formation d'apprentis de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle. Au titre de l'année 2022/2023, il était inscrit en deuxième année de cette préparation. A la date de l'arrêté du 9 mai 2023, il justifiait ainsi avoir suivi depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Toutefois, il ressort également du dossier que sa scolarité au cours de l'année 2021/2022 s'est caractérisée par de nombreuses absences injustifiées et des résultats insuffisants et, au cours de l'année 2022/2023, par de très nombreuses absences injustifiées, totalisant 115 h 30 mn au titre du seul premier trimestre, ainsi que des résultats très insuffisants en raison de ces absences et d'un manque de travail personnel. En outre, le contrat d'apprentissage qui avait été signé avec une entreprise individuelle de boulangerie à Metz le 16 septembre 2021, couvrant la période du 4 octobre 2021 au 31 août 2023, a été rompu le 25 janvier 2023, le formulaire de constatation de cette rupture faisant état de ce que l'apprenti ne poursuit pas sa formation en centre de formation d'apprentis après ladite rupture. Dès lors, à la date de l'arrêté du 9 mai 2023, M. B... ne suivait plus effectivement une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Compte tenu de ces éléments de fait, c'est valablement que le préfet de la Moselle a estimé que M. B... ne suit pas une telle formation de manière réelle et sérieuse. En outre, M. B..., qui ne justifie pas d'attaches personnelles, notamment familiales, particulières en France, conserve des liens avec sa famille en Guinée. Il ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, postérieure au 9 mai 2023, selon laquelle il aurait, le 24 mai 2023, signé un contrat de travail à durée déterminée, du 24 mai au 30 juin 2023, pour exercer des fonctions d'employé dans un établissement de restauration à Metz. Dès lors, dans son appréciation globale de la situation de l'intéressé, le préfet, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation qu'il tient de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par ce texte.
10. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de cet article L. 435-1 alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Moselle, qui n'en avait pas l'obligation, n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de cet article et le moyen tiré de sa méconnaissance doit être écarté comme inopérant.
12. Le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'étranger ayant demandé la délivrance d'un titre de séjour peut prétendre à une telle délivrance sur le fondement d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituant pas un fondement de sa demande, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., dont le séjour en France est récent, qui est célibataire et n'a personne à charge, aurait demandé la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'en spécifie pas la délivrance de plein droit. Le préfet de la Moselle, qui n'en avait pas l'obligation, n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de cet article et le moyen tiré de sa méconnaissance doit être écarté comme inopérant.
14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que le séjour de M. B... en France, remontant à une date indéterminée, selon sa lettre du 20 mai 2022 au mois de février 2021 et selon la requête au mois de février 2020, n'est pas ancien. Il est célibataire, n'a personne à charge et ne justifie pas de liens personnels, de nature privée ou familiale, importants sur le territoire français, alors que sa proche famille demeure en Guinée. Il peut poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont il est le ressortissant. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. B... en France, comme des effets d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Moselle, en refusant d'admettre M. B... au séjour et en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet de la Moselle n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels ont été prises ces décisions, qui, en conséquence, ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination et celle lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an sont illégales en raison de l'illégalité de cette obligation.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Hamza-Sanchez.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02681