Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2201404 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, M. B... A..., représenté par la SELARL d'avocats MCMB, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 9 mars 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est méconnu ;
- l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est méconnu.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant haïtien né en 1995, après être arrivé sur le territoire français, selon ses déclarations au mois de novembre 2015, y a demandé l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 juillet 2016 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 février 2017. M. A... ayant le 19 mai 2017 demandé un titre de séjour en se prévalant de son état de santé, une carte de séjour temporaire, valable du 23 octobre 2018 au 22 octobre 2019, lui a été délivrée à ce titre. Cette carte de séjour temporaire a été renouvelée jusqu'au 29 décembre 2021 et, le 3 décembre 2021, M. A... en avait demandé un nouveau renouvellement. Par un arrêté du 9 mars 2022, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à cette demande et assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 433-1 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il peut solliciter la communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui avait été délivrée à M. A... en considération de son état de santé, le préfet de la Marne s'est prononcé au vu d'un avis d'un collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 février 2022 selon lequel l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.
6. Ni le certificat médical d'un médecin rémois du 1er avril 2022, ni celui de ce même médecin du 14 novembre 2022, qui se bornent à rappeler que l'état de santé du requérant, qui se caractérise par une hypertension artérielle ancienne ainsi qu'une tuméfaction faciale qui a été prise en charge à Cayenne puis à Reims et justifie un suivi médical, ne permettent d'estimer que le défaut de prise en charge médicale de l'état de santé de M. A... risquerait d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, il ne ressort pas des pièces qu'en estimant que le défaut de prise en charge médicale de M. A... ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que par suite il n'était pas en droit de prétendre au renouvellement de sa carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne se serait livré à une inexacte application de cet article.
7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
8. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.
9. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Le législateur n'a ainsi pas entendu imposer à l'administration d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ni, le cas échéant, de consulter d'office la commission du titre de séjour quand l'intéressé est susceptible de justifier d'une présence habituelle en France depuis plus de dix ans. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
10. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... avait demandé le renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivrée en considération de son état de santé, sous la forme de la délivrance d'un titre de séjour de même nature sur le même fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'en ressort pas en revanche, qu'il aurait sollicité le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Marne, qui n'en avait pas l'obligation, n'a pas examiné d'office s'il y avait lieu d'ainsi admettre exceptionnellement M. A... au séjour. Il en résulte que ce dernier ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ce texte à l'encontre de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Pour les mêmes raisons, ce moyen est, de même, inopérant à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bricout.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
2
N° 23NC02542