Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2024, Mme E... A..., représentée par Me David demande au juge des référés de la cour, :
1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative de suspendre l'exécution du jugement n° 2406511 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 septembre 2024 et de l'arrêté du 26 août 2024 portant renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros HT en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, si l'aide juridictionnelle provisoire ne devait pas être accordée, sur le fondement du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête ne peut faire l'objet d'une ordonnance de tri ;
- elle est recevable ;
s'agissant de la condition d'urgence :
- faute d'effet suspensif de la requête d'appel, le jugement contesté permet l'exécution de l'arrêté MICAS en violation du droit du travail ;
- la mesure contestée la prive de se déplacer librement afin de mener à bien ses différentes démarches administratives et de rechercher un emploi afin d'échapper à son actuelle situation de précarité étant sous le coup d'une MICAS depuis cinq mois ;
- l'interdiction qui lui est faite d'être en contact avec sa belle-sœur et amie proche est excessivement sévère ;
- il est donc urgent de suspendre l'exécution de la MICAS qui l'empêche de se rendre à des entretiens d'embauche et plus généralement de circuler depuis cinq mois ;
- alors qu'elle n'a pas un comportement menaçant, a un casier judiciaire vierge, n'a fait l'objet d'aucune condamnation, que son projet de partir en zone irako-syrienne est ancien et que sa relation avec sa belle-sœur n'est plus une difficulté depuis que cette dernière a bénéficié de la suspension de la MICAS prise à son encontre, l'urgence est établie ;
s'agissant du moyen sérieux :
- le jugement contesté est dépourvu de toute signature, il sera suspendu ;
- la MICAS a été prise en méconnaissance de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : elle ne constitue pas une menace pour l'ordre et la sécurité publics et ni son époux, qui a été condamné à 9 ans d'emprisonnement pour des faits de terrorisme mais qui depuis sa libération en 2022 n'a commis aucune infraction, ni sa belle-sœur, dont l'exécution de la MICAS a été suspendue, ne sont des " personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme " ; elle n'a par ailleurs aucun lien avec Mme D... dont elle a été la victime ni avec Mme G... ; les liens qu'elle entretiendrait avec d'autres personnes incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme non désignées sont imprécis et en tout état de cause anciens ;
- sa menace actuelle à l'ordre et la sécurité publics n'est pas démontrée alors qu'elle n'a manifesté aucun soutien à l'attaque du Hamas et que le marché de Noël se tiendra plusieurs mois après le prononcé de la mesure ;
- elle ne peut plus rendre visite à sa famille qui réside en Haute-Saône ;
- la mesure révèle donc une erreur manifeste d'appréciation en raison de la disproportion flagrante entre la sévérité de la mesure et son comportement alors qu'aucun fait de terrorisme actuel ou passé ne peut lui être reproché ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée sous le n°24NC02797 par laquelle Mme A... demande l'annulation du jugement n° 2406511 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 septembre 2024 et de l'arrêté du 26 août 2024 portant renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2024, la présidente de la cour a désigné Mme Ghisu-Deparis, présidente de la 4ème chambre, comme juge des référés en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un premier arrêté du 13 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à l'encontre de Mme A... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Par un second arrêté du 26 août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a procédé au renouvellement de cette mesure lui interdisant, pour une durée de trois mois à compter du 14 septembre 2024, de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Schiltigheim, sauf autorisation, lui faisant obligation pour une même durée de se présenter une fois par jour au commissariat de police de Strasbourg, lui interdisant de se déplacer en dehors de ce périmètre géographique prédéfini, lui faisant obligation de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de celui-ci, lui interdisant de paraître, du 27 novembre 2024 au 13 décembre 2024 inclus dans le périmètre des marchés de Noël de Strasbourg se déroulant sur la Grande-Île de Strasbourg ainsi que sur la place du Corbeau et les rues qu'il désigne, et lui interdisant toute relation avec Mme H... F... B... et M. F... C.... Par un jugement n° 2406511 du 12 septembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision. Mme A... demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de ce jugement et de l'arrêté du 26 août 2024.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. En raison de l'urgence, il y a lieu d'admettre provisoirement Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.
Sur les conclusions à fin de suspension :
4. Aux termes d'une part, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes d'autre part, de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". L'article L. 522-3 de ce code dispose enfin : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".
En ce qui concerne les conclusions tendant à la suspension du jugement :
5. La procédure de référé prévue par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative a pour seul objet d'obtenir la suspension d'une décision administrative et non celle d'une décision juridictionnelle. Par suite, les conclusions de la requête qui tendent à la suspension du jugement n° 2406511 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 septembre 2024, qui ne relèvent pas de l'office du juge des référés de la cour administrative d'appel, sont manifestement irrecevables et il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, de les rejeter.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 26 août 2024 :
6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque l'exécution de celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts que celui-ci entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
7. Alors que la présente requête en référé a été enregistrée le 15 novembre 2024, que l'arrêté du 26 août 2024 épuisera ses effets le 13 décembre 2024, soit dans un délai de trois semaines, et que la requérante dispose en tout état de cause de la possibilité d'obtenir un sauf-conduit, ni la nécessité alléguée de se déplacer pour des démarches administratives et la recherche d'un emploi, dont la réalité n'est au demeurant pas établie par les pièces du dossier, ni l'atteinte à la liberté d'aller et venir ni, en tout état de cause, l'illégalité alléguée de la mesure de surveillance ne permettent de caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
8. Ainsi, en l'état de l'instruction, la condition d'urgence n'étant pas remplie, il y a lieu de rejeter en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative précitées, les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la décision en litige sans qu'il soit besoin d'examiner s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté. Les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont, par voie de conséquence également rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : Mme A... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E... A....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Fait à Nancy, le 21 novembre 2024.
Le juge des référés
Signé : Véronique Ghisu-Deparis
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC02798