Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance dont il fait l'objet.
Par un jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 30 août 2024.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour de sursoir à l'exécution du jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la disproportion du renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) au regard de l'objectif poursuivi alors que la menace actuelle terroriste se maintient à un niveau élevé et se trouve sensiblement accrue par le risque d'importation sur le territoire national du conflit israélo-palestinien à la suite de l'attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2024 et de ses conséquences ; au regard des éléments contenus dans une note des services de renseignement, les conditions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieur sont toujours remplies dès lors que d'une part le comportement de M. A... continue de constituer une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public et d'autre part qu'il entretient toujours des relations de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant facilitant ou participant à des actes de terrorisme et soutient, diffuse et adhère à des thèses incitant à la commission d'actes terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ; contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, l'arrêté n'est pas disproportionné dans le temps dès lors qu'il ne vise pas uniquement à prévenir la menace terroriste pendant le marché de Noël à Strasbourg du 27 novembre au 24 décembre 2024 mais s'inscrit dans un contexte géopolitique tendu lié notamment aux événements du Proche-Orient ; il n'est pas plus disproportionné dans l'espace dès lors qu'il n'empêche pas M. A... d'exercer son activité professionnelle alors qu'il dispose au surplus de la possibilité de demander des sauf-conduits ; un seul sauf-conduit a été demandé par M. A... pour se rendre sur un lieu de vacances, qui lui a été refusé en raison de l'éloignement trop important de ce dernier ; la circonstance que le juge pénal, dans le cadre du contrôle judiciaire de M. A..., a fixé des contraintes moins restrictives est sans incidence sur la légalité de la mesure en litige ; ce moyen est sérieux et de nature à justifier outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions de la demande.
Vu :
- la procédure qui a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense ;
- la requête n° 24NC02624 enregistrée au greffe de la cour, le 21 octobre 2024, par laquelle le ministre de l'intérieur demande l'annulation du jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de sécurité intérieur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à l'encontre de M. A... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Par un arrêté du 30 août 2024, le ministre de l'intérieur, prolongeant les effets de cette mesure pour une durée de trois mois à compter du 13 septembre 2024, lui a interdit de se déplacer en dehors du territoire du Bas-Rhin sous réserve de l'obtention d'un sauf-conduit, lui a fait obligation de se rendre tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et les jours fériés ou chômés, à 19 heures au commissariat de police de Strasbourg, lui a fait obligation de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de celui-ci et lui a interdit de se trouver en relation avec M. C... A.... Par la même décision, pour la période du 27 novembre 2024 à 00h00 au 12 décembre 2024 à 23h59, il lui est interdit de paraître dans le périmètre des marchés de Noël ainsi que sur la place des corbeaux et dans les rues qu'elle liste. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté. Le tribunal a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur du 30 août 2024 au motif de sa disproportion. Le ministre de l'intérieur demande à la cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code prévoit que " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; /2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. (...) ".
5. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
6. En l'espèce, il ressort de la motivation de l'arrêté du 30 août 2024 que le renouvellement de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance a été prise au regard d'une part, du comportement de M. A... qui a conduit le ministre de l'intérieur a considéré qu'il constitue toujours une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et de ses relations avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ainsi que de son soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes et d'autre part, de la menace terroriste existante sur le territoire, sensiblement accrue par le risque d'importation du conflit israélo-palestinien à la suite de l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et de ses conséquences au Liban et en Iran ainsi que de la tenue du marché de Noël à Strasbourg, événement qui rassemble un grand nombre de personnes, particulièrement exposé. Il ressort de cette motivation que la menace terroriste pesant sur le marché de Noël ne constitue pas l'unique motivation de la mesure en litige qui contient des restrictions plus importantes pendant la tenue de cet événement. Si ces dernières restrictions n'ont pas été prononcées pendant toute la durée du marché, c'est que le renouvellement de la mesure en litige ne peut, en application des textes précités au point 4 du présent arrêt, avoir une durée supérieure à trois mois. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté, qui limite les déplacements de M. A... dans le département du Bas-Rhin, ferait obstacle à la poursuite de son activité professionnelle. Dans ces conditions, au regard de la durée limitée de la mesure et de la possibilité d'obtenir un sauf-conduit, notamment pour raison professionnelle sur demande motivée et circonstanciée, et compte tenu, d'autre part, des faits reprochés à M.A... non contestés, qui caractérisent, dans le contexte de menace terroriste élevée liée notamment aux événements du Proche-Orient et à l'organisation du marché de Noël à Strasbourg, une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public, le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur tiré de ce que les mesures de l'arrêté contesté ne présentent pas un caractère disproportionné paraît, en l'état de l'instruction, en l'absence de mémoire en défense, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
7. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel du ministre de l'intérieur formé contre le jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2024.
La présidente de la 4ème chambre,
La greffière,Signé : V. Ghisu-DeparisSigné : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 24NC02628