Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'arrêté daté du 1er mars 2023 par lequel le préfet du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du 9 mai 2023 par lequel le préfet du Territoire de Belfort l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°s 2300796 - 2300797 du 17 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. A... B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort daté du 1er mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans le mois de la notification de l'arrêt à rendre et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer sans délai et sous la même astreinte une autorisation provisoire de séjour et de procéder, selon les mêmes modalités, à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans l'espace de Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédé d'un examen préalable, réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal en conséquence ;
- son comportement ne menace pas l'ordre public ;
- il présente des garanties de représentation ;
- l'interdiction de retour est illégale en conséquence ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le préfet du territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1987, relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté daté du 1er mars 2023, dont il ressort du dossier qu'il a été pris le 1er mai 2023 mais n'est datée du 1er mars 2023 qu'en raison d'une erreur de plume, par lequel le préfet du Territoire de Belfort lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui fait valoir résider en France depuis 2013, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Dès lors, il se trouve dans le cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le préfet peut obliger l'étranger à quitter le territoire français, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cet étranger aurait adressé des courriers au préfet du Territoire de Belfort en vue de présenter une demande de titre de séjour et se serait présenté aux mêmes fins en préfecture. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que, sans qu'il soit besoin de diligenter une mesure d'instruction, M. B... n'a pas présenté une demande complète de délivrance d'un titre de séjour, conforme aux exigences des articles R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par suite n'a pas, ainsi que le prévoit l'article R. 431-12 de ce code, été admis à souscrire une demande de délivrance d'un titre de séjour et, en conséquence, ne s'est pas vu remettre un récépissé autorisant sa présence sur le territoire français pour la durée qu'il précise, en qualité de demandeur d'un titre de séjour. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour faisant obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français.
4. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... est l'auteur de faits commis en 2015 d'agression sexuelle et de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, pour lesquels il a été condamné en 2015 à une peine d'emprisonnement, de faits commis en 2019 de menaces réitérées de dégradation ou de détérioration dangereuses pour les personnes en répression desquels il a été condamné en 2021 à une peine d'emprisonnement, ainsi que des faits commis en 2019 de menace de crime ou de délits contre les personnes ou à l'encontre d'un chargé de mission de service public, en raison desquels il a été condamné en 2022 à une peine d'amende. Il est également l'auteur de faits de violence avec usage ou menace d'une arme en 2019, de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique en 2020 et de rébellions en 2020 et 2023. Dès lors, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet a estimé que le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public. Il en résulte que cet étranger se trouve également dans le cas prévu au 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lequel le préfet peut lui faire obligation de quitter le territoire français.
5. Il résulte de l'instruction que, pour prendre l'arrêté attaqué, en toutes les décisions qu'il comporte, le préfet du Territoire de Belfort a, sans méconnaître l'étendue de sa compétence d'appréciation ni s'estimer tenue de prendre aucune de ces décisions, examiné la situation particulière de M. B.... Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'établit pas quand il y est entré. Il en ressort aussi qu'il a fait l'objet le 24 juin 2009 d'une mesure de reconduite à la frontière décidée par le préfet du Doubs. Le 4 mai 2013, ont été décidées à son encontre une mesure d'expulsion du territoire italien et une interdiction de retour pendant cinq ans. Le 15 février 2015, le préfet du Rhône a pris une décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai. Une demande d'asile qu'il avait présentée a été rejetée le 7 juillet 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 30 novembre 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Une demande de titre de séjour qu'il avait présentée en 2017 a été rejetée par un arrêté du préfet du Rhône du 11 octobre 2019, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Lyon le 16 juillet 2020 et la cour administrative d'appel de Lyon le 29 novembre 2021. M. B... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français. Il est célibataire et n'a personne à sa charge sur le territoire français. Il n'y justifie pas de liens personnels, notamment familiaux, particulièrement anciens, intenses et stables. Il conserve d'importantes attaches familiales en Tunisie. Il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, qu'il n'a pas respectées. Son comportement constitue une menace pour l'ordre public. S'il fait état de soins de nature psychiatrique, il ne ressort pas du dossier que de tels soins ne pourraient être poursuivis ailleurs qu'en France, en particulier en Tunisie. En outre, s'il fait état de l'exercice d'une activité salariée, il n'est pas autorisé à exercer une telle activité sur le territoire français. Dès lors, en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet du Territoire de Belfort n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision, qui, par suite, ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il ne ressort pas du dossier que le préfet du Territoire de Belfort aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B....
9. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que celle refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.
10. Ainsi qu'il a été dit, le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, c'est sans erreur d'appréciation et par une exacte application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du CESEDA que le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.
11. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire, M. B... n'est pas fondé à soutenir que celle lui faisant interdiction de retour pendant une durée de deux ans est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation et de ce refus.
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
13. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'énumère l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
14. Il résulte des dispositions citées au point 12 de la présente décision que, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, il appartient au préfet d'édicter une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
15. Aucune circonstance humanitaire ne ressort du dossier. En dépit d'un séjour ancien en France, M. B... n'y justifie pas de liens personnels importants et stables. Il a précédemment fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, notamment d'interdiction de retour sur le territoire et, à tout le moins, n'a pas respecté certaines d'entre elles. Il a vécu pendant au moins 26 ans en Tunisie, où résident des membres de sa famille, dont sa mère et sa fratrie. Sa présence sur le territoire représente une menace pour l'ordre public. Dès lors, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Territoire de Belfort ne s'est pas livré à une inexacte application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Il ne ressort pas du dossier qu'en faisant à M. B... interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, le préfet du Territoire de Belfort aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dès lors, cette interdiction, en son principe comme en sa durée, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Morgan Bescou.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien,
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC01941