Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.
Par un jugement n° 2404240 du 28 juin 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêté du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 10 juin 2024 et l'article 8 de cet arrêté en tant qu'il prévoit une durée d'application allant au-delà de la fin des jeux paralympiques.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de sursoir à l'exécution du jugement n° 2404240 du 28 juin 2024 du tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du caractère disproportionné de certaines mesures de l'arrêté du 10 juin 2024 ;
- les autres moyens soulevés en première instance n'étaient pas fondés.
Un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2024, a été présenté pour M. A..., représenté par Me Morant, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros, soit mise à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le moyen tiré du caractère disproportionné des mesures de l'arrêté du 10 juin 2024 ;
- les autres moyens soulevés en première instance justifient l'annulation de l'arrêté contesté.
Vu :
- la requête n° 24NC01825 enregistrée au greffe de la cour, le 10 juillet 2024, par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande l'annulation du même jugement ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de sécurité intérieur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président,
- et les observations de Me Morant, conseil de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à l'encontre de M. A... une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure lui interdisant, pour une durée de trois mois, de se déplacer en dehors du territoire de la commune de Strasbourg, sauf autorisation, lui faisant obligation, pour une même durée, de se présenter une fois par jour au commissariat de police de Strasbourg, lui interdisant de se déplacer en dehors d'un périmètre géographique prédéfini, lui faisant obligation de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de celui-ci, lui interdisant de paraître les 26 juin et 25 août 2024 sur le passage des flammes olympique et paralympique et lui interdisant toute relation avec M. E... A.... Saisi du litige, le tribunal administratif de Strasbourg a par un jugement du 28 juin 2024 annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêté et l'article 8 de cet arrêté en tant qu'il prévoit une durée d'application allant au-delà de la fin des jeux paralympiques. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de sursoir à l'exécution du jugement.
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ". Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".
3. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". L'article L. 228-2 du même code prévoit que " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; /2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; /3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. /Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande./ La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, à compter de la notification de la décision ou à compter de la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ".
4. Il résulte de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été mis en examen le 29 novembre 2019 des chefs d'association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes, financement d'une entreprise terroriste, escroquerie en relation avec une entreprise terroriste à titre connexe et placé en détention provisoire pendant plusieurs mois. Par ailleurs, il ressort également de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2020, que M. A... a été condamné le 7 janvier 2019 par les autorités allemandes pour le transport délibéré d'une arme prohibée. La procédure pénale engagée par l'autorité judicaire est encore en cours et M. A... fait actuellement l'objet dans le cadre de cette procédure d'un contrôle judiciaire. Par ailleurs, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2020, que le frère du requérant, M. E... A..., a participé à une prise d'otages en Géorgie en août 2012, qu'il fait partie de la mouvance islamiste radicale, qu'il fait l'objet d'une procédure pénale en cours en raison de ses activités radicales et qu'il est actuellement en fuite. Le requérant a été en relation avec son frère entre 2012 et 2018, lui a rendu visite en Turquie à deux reprises, lui a apporté un soutien financier et fourni des moyens de communication au cours de ces années. Ainsi, sur la base de ces éléments, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a estimé que le requérant entretenait des relations habituelles avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme et prescrit les obligations précitées dans son arrêté du 10 juin 2024.
6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... est dirigeant d'une société qui exerce une activité dans le secteur électrique, qui emploie sept salariés et qui, en 2023, a engendré un chiffre d'affaires de 750 000 euros et que l'entreprise exerce son activité dans différentes communes des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, il n'est aucunement établi que M. A... ne pourrait pas exercer ses fonctions de direction à partir de son siège social situé à Strasbourg, ainsi qu'il ressort des nombreuses pièces versées au dossier, ni déléguer les visites et réunions de chantiers programmées à l'un de ses salariés qualifiés en travaux électriques ou à son chef de chantier. Eu égard à la durée des mesures résultant de l'arrêté contesté, à leurs autres modalités, concernant notamment leur contrôle, le périmètre dans lequel M. A... est astreint à demeurer, et la possibilité d'obtenir un sauf-conduit, notamment pour raison professionnelle sur demande motivée, et compte tenu, d'autre part, des faits énoncés au point 5, qui caractérisent, dans le contexte de menace terroriste élevée liée notamment aux événements du Proche-Orient ainsi qu'à l'ouverture des Jeux olympiques, une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public, le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer tiré de ce que les mesures des articles 1er, 2, 3 et 8 de l'arrêté contesté ne présentent pas un caractère disproportionné paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
7. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2024.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel du ministre de l'intérieur et des outre-mer formé contre le jugement n° 2404240 du 28 juin 2024 du tribunal administratif de Strasbourg, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B....
Le président de la 1ère chambre, La greffière,
Signé : M. C... : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 24NC01856