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27/06/2024 | FRANCE | N°23NC02306

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 27 juin 2024, 23NC02306


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2300880 du 11 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Na

ncy a rejeté ce recours.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2300880 du 11 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. B... C..., représenté par Me Lévi-Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée ;

- le signataire de cet arrêté était incompétent ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en n'examinant pas s'il y avait lieu de prolonger le délai de départ volontaire d'un mois ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- compte tenu de sa situation, le préfet ne pouvait se fonder sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer l'obligation de quitter le territoire français en litige ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et la décision portant obligation de quitter le territoire français devra être annulée en conséquence de cette illégalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les observations de Me Levy-Cyferman pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais qui résidait en Ukraine depuis 2013, est entré en France selon ses déclarations le 5 mars 2022. Il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 11 mai 2022. Constatant qu'il n'avait pas déposé de dossier de demande de titre de séjour, et se fondant sur son entrée irrégulière sur le territoire, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 20 mars 2023 lui a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de douze mois. Par un jugement n° 2300880 du 11 mai 2023 dont M. C... interjette appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté le recours de l'intéressé.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, précise les dispositions légales sur lesquelles il s'appuie et rappelle de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de M. C..., notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et sa situation familiale. Par suite le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation individuelle de l'intéressé en prenant notamment en compte sa situation administrative et familiale.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

4. Il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux décisions énonçant une obligation de quitter le territoire français et aux décisions subséquentes. Par suite, M. C... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.

5. En troisième lieu, l'arrêté en litige est signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, délégué sa signature à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière de police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit, dès lors, être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) ".

7. Si M. C... soutient que le préfet de Meurthe-et-Moselle en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire se serait irrégulièrement estimé en situation de compétence lié et n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait légalement, en se fondant sur ces motifs et après avoir procédé à un examen particulier de la situation de l'appelant lui refuser un délai de départ volontaire, sans s'être irrégulièrement estimé en situation de compétence liée.

8. En cinquième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

9. En l'espèce, il ressort du procès-verbal d'audition du 20 mars 2023 que M. C... a été informé par les services de police qu'il pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement. Invité à présenter des observations, M. C... a informé l'administration de son souhait de poursuivre ses études en France et d'obtenir le titre de séjour idoine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants: / 1o L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité; / 2o L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré; (...) ".

11. Pour obliger M. C... à quitter le territoire français, le préfet s'est fondé sur le motif tiré de ce que, en méconnaissance du 1° de l'article L. 611-1 précité, l'appelant était entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Si l'intéressé soutient être régulièrement entré sur le territoire national dans le cadre de l'accueil des ressortissants en provenance d'Ukraine, les pièces qu'il produit à cet effet n'établissent pas le bien-fondé de ces allégations comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts et que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions susmentionnées.

12. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

13. M. C... fait valoir qu'il a été hospitalisé en France et veut poursuivre ses études sur le territoire national et que plusieurs membres de sa famille résident sur le territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'est présent sur le territoire national que depuis à peine un an au jour de la décision, qu'il n'est pas marié et n'a pas d'enfant. S'il soutient que des membres de sa famille résident en France et que certains sont français, il n'établit ni la réalité ni la légalité de leurs séjours. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté du 20 mars 2023 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC02306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02306
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23nc02306 ?
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