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29/02/2024 | FRANCE | N°23NC03050

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC03050


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois années.



Par un jugement n° 2305605 du 9 août 2023, le magistrat désign

par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois années.

Par un jugement n° 2305605 du 9 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2023, M. C..., représenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 9 août 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 août 2023 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mehl, avocat de M. C..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le jugement est irrégulier en tant qu'il procède de manière irrégulière à la substitution de base légale des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à celles du 5° du même article ; d'une part, le tribunal a procédé à cette substitution sans que ce ne soit demandé par le préfet du Doubs ; d'autre part, cette substitution qui a été effectuée en cours d'instance en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'a privé d'une garantie ;

S'agissant des moyens dirigés contre l'ensemble des décisions contestées :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de fait sur l'existence d'attaches privées et familiales en France ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a commis une erreur de fait sur l'existence d'attaches privées et familiales en France ;

- en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa durée de présence en France, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, il n'a pas pu être entendu sur le fait qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- son comportement de constitue pas une menace à l'ordre public ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation de la durée de l'interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 4 septembre 1978, de nationalité marocaine, est entré en France en 1981, au bénéfice du regroupement familial. Il a obtenu des titres de séjour depuis sa majorité jusqu'en 2015. Par un arrêté en date du 8 novembre 2017, M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le 30 novembre 2020, M. C... a sollicité son admission au séjour en faisant valoir sa présence en France depuis plus de dix ans, et ses liens privés et familiaux en France. Par une première demande enregistrée sous le n° 2102151, M. C... a sollicité l'annulation de la décision implicite qu'il estime avoir été opposée à cette demande. Par un arrêté du 22 janvier 2022, le préfet du Doubs a explicitement refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 9 août 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Doubs l'a, ensuite, obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois années.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

4. Dans le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, qui a estimé que le comportement de M. C..., ne constituait pas une menace pour l'ordre public, a substitué aux dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celles du 2° du même article. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet du Doubs a mentionné la circonstance que M. C... " n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour depuis le 19 novembre 2015, date de fin de validité de sa carte de résident ". Par suite, en substituant les dispositions du 2° à celles du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné n'a pas procédé à une substitution de motif mais à une substitution de base légale qui relève de l'office du juge et qui peut être effectuée sans demande des parties. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le magistrat désigné ne pouvait, sans demande du préfet du Doubs, procéder à une telle substitution.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ". Aux termes de l'article R. 776-25 du même code, applicable aux obligations de quitter le territoire français lorsque l'étranger est placé en rétention administrative : " L'information des parties prévue aux articles R. 611-7 et R. 612-1 peut être accomplie au cours de l'audience ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est prononcé sur la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

4 août 2023 dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 776-14 et suivants du code de justice administrative, applicables aux obligations de quitter le territoire français lorsque l'étranger est placé en rétention administrative. A la date du jugement attaqué, M. C... était placé en rétention administrative. Par suite, sans que M. C... ne soit privé d'une garantie, le magistrat désigné pouvait, en application des dispositions précitées et ainsi qu'il ressort des visas du jugement attaqué, informer à l'audience les parties de ce qu'il entendait procéder à une substitution de base légale. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :

8. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des décisions contestées que le préfet du Doubs n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

9. En second lieu, il ressort expressément des termes des décisions contestées que le préfet du Doubs a mentionné la présence de frères et sœurs de M. C... résidant en France et que l'intéressé a déclaré ne plus avoir de famille au Maroc. Ainsi que l'a précisé le préfet du Doubs dans son arrêté, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des attestations des membres de la famille de M. C... qui relatent uniquement des relations ponctuelles avec l'intéressé, que M. C... justifierait de l'existence de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, intenses et stables. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur de fait relative aux attaches familiales et privées de M. C... doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

11. Si M. C... est entré sur le territoire français à l'âge de trois ans et a bénéficié de cartes de résident au titre de la période de 1996 à 2015, l'intéressé n'établit, par la production d'aucune pièce, avoir résidé habituellement en France au titre des années 2015 à 2019. A cet égard, les attestations rédigées par des membres de la famille indiquant avoir rencontré ou hébergé de manière ponctuelle M. C... ne sauraient, à elles seules, établir l'existence d'une résidence habituelle en France depuis l'année 2015. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, en méconnaissance des dispositions précitées, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt C 383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du

10 septembre 2013, les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

13. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts C 166/13 Sophie Mukarubega du 5 novembre 2014 et C-249/13 Khaled Boudjlida du 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

14. Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 10 septembre 2013 que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

15. En l'espèce, si M. C... soutient qu'il a été privé du droit d'être entendu, il ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. C... a été invité, au cours de son audition par les services de police, antérieurement à l'intervention de l'arrêté en litige, à présenter ses observations sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement et sur sa situation personnelle et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, en conséquence, être écarté.

16. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C..., né le 4 septembre 1978, entré en France à l'âge de 3 ans dans le cadre d'un regroupement familial, a été scolarisé en France et a bénéficié de deux cartes de résident, au titre de la période de 1996 à 2015. Toutefois, M. C..., célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucun lien intense et stable avec les membres de sa famille, de nationalité française ou résidant régulièrement en France, dans la mesure où les attestations dont se prévaut le requérant ne font état que de rencontres ou d'hébergement ponctuels. Il n'établit pas davantage avoir noué des liens privés particuliers en France. En outre, M. C... n'établit pas avoir résidé habituellement en France entre 2015 et 2019. Enfin, M. C..., qui a fait l'objet de six condamnations par une juridiction correctionnelle les 14 octobre 2002, 24 février 2003, 29 avril 2003, 25 juin 2004, 16 février 2012 et 25 juin 2018, ne justifie pas d'une intégration particulière, notamment professionnelle, dans la société française. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. C....

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite,

M. C... n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

18. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)/ 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

19. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé, le préfet du Doubs ne s'est pas fondé sur la seule existence d'une menace à l'ordre public que constituerait le comportement de l'intéressé, mais également sur la circonstance que M. C... qui a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, ne présentait pas, par ailleurs, de garanties de représentation suffisantes. M. C... ne conteste pas ce motif tiré de l'absence de garanties suffisantes de représentation. Par suite, la circonstance, à la supposer même établie, que le comportement de M. C... ne constituerait pas une menace à l'ordre public, est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision refusant fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

21. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le Maroc comme pays de destination aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 16 du présent arrêt, qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français.

23. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

24. Il ressort des pièces du dossier que, en dépit d'une présence régulière sur le territoire français jusqu'en 2014, M. C..., ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas de liens privés et familiaux intenses sur le territoire français. En outre, M. C..., qui a fait l'objet de six condamnations différentes par une juridiction correctionnelle, a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, en 2017 et 2022, qui n'ont pas été exécutées. Par un jugement du

25 janvier 2018, le tribunal correctionnel de Montbéliard a prononcé, en plus d'une peine d'emprisonnement de six mois, une interdiction de séjour pendant trois ans. Ainsi, le préfet du Doubs pouvait, en raison de l'absence de liens intenses établis avec la France et de l'existence de précédentes mesures d'éloignement non exécutées, interdire à M. C..., dont le comportement constituait une menace pour l'ordre public, de retourner sur le territoire français pour une durée de trois années. Par suite, contrairement à ce que soutient M. C..., en fixant à trois années, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Doubs n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C..., à Me Mehl et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

N° 23NC03050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03050
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc03050 ?
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