Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2202504 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. A..., représenté par la SCP A. Levi et L. Cyferman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire l'autorisant à travailler, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 23 décembre 1983, entré sur le territoire français le 30 octobre 2018 selon ses déclarations, a demandé, en octobre 2020, au préfet de Meurthe-et-Moselle son admission au séjour pour motifs de santé. Par un arrêté en date du 24 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 10 novembre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu à l'ensemble des moyens contenus dans la requête introduite par le requérant. En particulier, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a motivé sa décision d'une manière suffisante, eu égard aux arguments exposés dans la requête de première instance. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour contestée mentionne les textes dont il est fait application et en particulier l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après s'être approprié les termes de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 janvier 2021, le préfet a indiqué qu'aucun des éléments produits par l'intéressé ne permettait de remettre en cause la teneur de cet avis. Après avoir précisé que M. A... ne démontrait pas qu'il ne pourrait accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé en Tunisie, notamment en raison de ressources financières insuffisantes ou de circonstances exceptionnelles liées aux particularités de sa situation personnelle, le préfet a estimé que ce dernier ne remplissait pas les conditions pour pouvoir bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet a examiné d'office la possibilité de régulariser la situation de l'intéressé au regard de son droit au séjour avant de refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire en relevant que M. A... était célibataire, sans charge de famille en France et qu'il n'était pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie. Par suite, le refus de titre de séjour contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait insuffisamment motivée doit être écarté. Cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé, au vu notamment de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 janvier 2021, que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Tunisie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et qu'il peut voyager à destination de ce pays sans risque. Le requérant a produit, en première instance, plusieurs certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers décrivant les pathologies dont il est atteint, à savoir notamment une insuffisance rénale terminale, et faisant état de la nécessité d'un traitement par hémodialyses à raison de 3 fois par semaine. Toutefois, ces pièces médicales ne permettent pas de contredire utilement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la possibilité, pour M. A..., de bénéficier effectivement en Tunisie d'un traitement approprié dès lors, notamment qu'elles ne concluent pas à l'impossibilité d'y poursuivre son traitement. Si le requérant soutient qu'il ne pourra accéder à un suivi médical spécialisé et approprié dans son pays d'origine puisqu'il ne dispose pas d'une couverture sociale en Tunisie en raison de sa situation médicale invalidante qui ne lui a pas permis de travailler et de cotiser, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors qu'il ressort des documents médicaux qu'il a versés au dossier qu'il a été traité au moyen de dialyses trois fois par semaine en Tunisie entre 2006 et 2018. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... fait valoir qu'il séjourne habituellement en France depuis le 30 octobre 2018 et qu'il a tissé des liens amicaux dans ce pays. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, qu'à la date de la décision en litige, l'intéressé est célibataire, sans charges de famille en France, que ses liens amicaux sont récents et ne sauraient être qualifiés d'approfondis et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité, la Tunisie, où il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de 34 ans et où résident ses parents et l'ensemble de sa fratrie, avec lesquels il maintient des contacts ponctuels. Ainsi, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a, par suite, en prenant cette décision, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. A..., entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la SCP A. Levi et L. Cyferman.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Kohler, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,
Signé : J. Kohler
La greffière,
Signé : A. Heim
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A. Heim
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N° 23NC01690