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30/05/2023 | FRANCE | N°20NC03640

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 mai 2023, 20NC03640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et l'EARL de Buret ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de Waville a implicitement refusé de rétablir la circulation et l'accès à partir de la voie départementale D 28 à leur propriété et exploitation situées Ferme de Buret, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Waville de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation pour l'accès à la ferme de Buret et de réaliser tous trava

ux permettant l'exercice de ce droit, dans un délai de quatre mois à compter de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et l'EARL de Buret ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de Waville a implicitement refusé de rétablir la circulation et l'accès à partir de la voie départementale D 28 à leur propriété et exploitation situées Ferme de Buret, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Waville de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation pour l'accès à la ferme de Buret et de réaliser tous travaux permettant l'exercice de ce droit, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et enfin de condamner la commune de Waville à verser à Mme B... et l'EARL de Buret les sommes respectives de 20 000 et de 30 000 euros au titre de la réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1803265 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes et a mis à la charge de Mme B... et l'EARL de Buret, in solidum, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2020 20 avril 2021 et 12 avril 2023, Mme B... et l'EARL de Buret, représentés par Me Tassigny, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 17 novembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune de Waville sur leur demande tendant à rétablir la libre circulation et l'accès à partir de la voie départementale D 28 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Waville de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation pour l'accès à la ferme de Buret et de réaliser tous travaux permettant l'exercice de ce droit, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune de Waville à verser à Mme B... une somme de

20 000 euros et à l'EARL de Buret une somme de 30 000 euros au titre de la réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Waville la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- sauf à méconnaitre les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et le droit d'accès à leur propriété, le maire doit rétablir la libre circulation publique permettant l'accès normal à leur propriété ;

- l'accès normal à la propriété et à l'exploitation ne peut se faire par d'autres voies ;

- la convention du 4 mars 1899, qui n'a pas été publiée conformément à l'article 28 du décret du 4 janvier 1955, n'est pas opposable ;

- elles n'ont pas commis de faute de nature à exonérer la commune de Waville de sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, la commune de Waville, représentée par Me Keyser, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérantes ainsi que leurs prétentions indemnitaires ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Keyser pour la commune de Waville.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'effondrement du pont de Buret, Mme B... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) de Buret ont demandé à la commune de Waville, par un courrier du 1er août 2018, reçu le 7, " de faire le nécessaire dans les meilleurs délais pour rétablir un passage normal entre la voie publique et la ferme de Buret, aussi bien pour des particuliers que pour permettre, comme auparavant, le passage, notamment d'engins agricoles nécessaires à l'exploitation de la ferme ". Mme B... et l'EARL de Buret ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Waville sur ce courrier, d'enjoindre au maire de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de la libre circulation pour l'accès à la ferme de Buret et de réaliser tous travaux permettant l'exercice de ce droit et de condamner la commune de Waville à les indemniser des préjudices qu'elles estiment avoir subis. Par un jugement du 17 novembre 2020, dont Mme B... et l'EARL de Buret, relèvent appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation, d'indemnisation et d'injonction :

2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". L'article

L. 2212-2 du même code dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que la police municipale comprend notamment tout ce qui intéresse la salubrité, la sûreté et la commodité du passage dans les rues et sur les voies, dès lors qu'elles font partie du domaine communal ou que, demeurées propriétés privées, elles ont été, du consentement de leurs propriétaires, ouvertes à l'usage public et à la circulation. Le propriétaire d'une voie privée ouverte à la circulation du public est cependant en droit d'en interdire à tout moment l'usage au public. Le maire ne peut, sans excéder les pouvoirs qu'il tient de l'article

L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, rétablir la libre circulation publique sur une voie privée dont le propriétaire a cessé d'autoriser l'accès et l'usage au public.

4. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement d'une convention du 4 mars 1899 ayant pour objet la construction d'un pont et d'une passerelle métallique sur le Rupt-de-Mad, que le pont reliant la ferme de Buret à la voirie publique est un ouvrage privé, dont la propriété est indivise entre la commune de Waville, le propriétaire de la ferme de Buret et une autre personne privée riveraine. Cette convention prévoit également que l'entretien du chemin accédant au pont reste à la charge de la ferme de Buret. Les appelantes ne sauraient, à cet égard, utilement se prévaloir du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, pour soutenir que la convention serait inopposable aux tiers en l'absence de publication au service chargé de la publicité foncière, dès lors que la convention avait acquis date certaine avant le 1er janvier 1956, de sorte que cette obligation ne lui était pas applicable, conformément à l'article 38 de ce décret. En outre, il ressort sans ambiguïté de la lettre du 21 février 1953 adressée par le propriétaire de la ferme de Buret à un ingénieur des travaux publics de l'Etat que le pont de Buret et le chemin y accédant sont des voies privées sur lesquelles la circulation publique, et notamment celle de poids lourds, est interdite. Il ne résulte pas de l'instruction que, postérieurement à cette lettre, la circulation publique ait été autorisée sur le pont de Buret. Par suite, dans la mesure où la voie reliant, via le pont de Buret qui s'est effondré, la ferme de Buret à la route départementale D28 est une voie privée sur laquelle la circulation publique n'est pas autorisée, le maire de la commune de Waville ne pouvait, en vertu des pouvoirs qu'il détient sur le fondement des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, intervenir pour rétablir la circulation sur le pont de Buret. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, en tout état de cause, être écarté.

5. En second lieu, sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété et, notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. Toutefois, le droit d'accès à la voirie communale n'emporte aucun droit à l'amélioration de cet accès.

6. A supposer même que les appelantes puissent être regardées comme soutenant qu'elles ne disposeraient pas d'un droit d'accès à la voirie publique, un tel moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, en l'absence notamment de tout élément de nature à démontrer que Mme B... et l'EARL de Buret disposent de la qualité de riverain direct de la route départementale D28.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et l'EARL de Buret ne sont pas fondées à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation, d'indemnisation et d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Waville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... et l'EARL de Buret demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de l'EARL de Buret le versement de la somme que la commune de Waville demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et de l'EARL de Buret est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Waville présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'EARL de Buret et à la commune de Waville.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC03640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03640
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET AVOCATLOR

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-30;20nc03640 ?
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