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17/06/2021 | FRANCE | N°20NC01319

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20NC01319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéro 1906914 du 17 décembre 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cet ar

rêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement numéro 1906914 du 17 décembre 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2020, M. D..., représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 ;

3°) de faire injonction au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté pris dans son ensemble : est insuffisamment motivé en ce qu'il n'est pas fait mention qu'il vit en concubinage avec une compatriote depuis 2016 ; n'a pas été précédé d'un examen complet de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour : a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été signé par les membres du collège, une image fac simile réduite de leurs signatures et de leurs sceaux ayant été apposé sur le document, procédé qui ne satisfait pas aux règles de la signature électronique au sens de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005, de sorte qu'il est impossible de s'assurer de son authenticité au regard des exigences de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et ne permet pas de s'assurer du caractère collégial de la délibération de l'avis ; méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en ce qu'il n'aura pas accès en Arménie au traitement que son état de santé nécessite ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2006-1516 du 8 décembre 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les observations de M. D... qui a exposé travailler en France depuis huit ans et avoir besoin d'un titre de séjour.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né le 16 décembre 1968, est entré irrégulièrement en France 17 septembre 2013, selon ses déclarations, avec son épouse décédée en octobre 2015. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. A partir du 23 août 2017, M. D... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire pour des considérations liées à son état de santé. Le 27 juin 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 15 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande. M. D... relève appel du jugement du 15 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 juillet 2019 pris dans son ensemble :

2. L'arrêté attaqué mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. D... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées sera écarté.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, se méprenant sur l'étendue de sa propre compétence, se serait refusée à examiner l'ensemble de la situation personnelle de M. D... à l'occasion des diverses décisions prises à son égard. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure ".

5. D'abord, si M. D... soutient que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur lequel se fonde la décision attaquée, est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que les signatures sont authentiques en l'absence de mise en oeuvre d'un référentiel de sécurité, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration qui renvoient au I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avis du collège des médecins serait un faux ou qu'il n'aurait pas été régulièrement délibéré.

6. Ensuite, le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis rendu le 11 mars 2019, que l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il pouvait voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des divers certificats médicaux produits à l'instance que le requérant souffre d'un glaucome sévère avec baisse d'acuité visuelle aux deux yeux, d'une hypothyroïdie et d'une dyslipidémie. La réalité et la gravité de ces pathologies ne sont d'ailleurs pas contestées en défense par l'autorité préfectorale. En revanche, il ne ressort d'aucune des pièces produites par M. D... qu'il ne pourrait pas avoir accès aux soins appropriés à son état de santé en Arménie. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir qu'à l'occasion de la délivrance de son précédent titre de séjour le collège des médecins avait estimé le contraire, le requérant ne peut être regardé comme apportant des éléments susceptibles de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII, reprise par l'autorité préfectorale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Enfin, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. D... fait valoir sa présence en France depuis six ans ainsi que la présence sur le territoire de ses deux fils et de sa compagne, compatriote en situation régulière. Toutefois, la seule attestation produite à l'instance, émanant de la compagne du requérant, ne saurait être regardée comme suffisante pour établir l'ancienneté et la stabilité de la relation que cette dernière entretiendrait avec M. D.... Par ailleurs, l'administration soutient sans être contredite que les deux fils du requérant sont en situation irrégulière sur le territoire et qu'ils ont tous les deux fait l'objet de mesures d'éloignement. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la déclaration sur l'honneur remplie par M. D... auprès des services de la préfecture le 27 juin 2018, que ses deux filles ainsi qu'une de ses soeurs résident en Arménie, où il n'est donc pas dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi que la cellule familiale du requérant ne pourrait pas se reconstituer en Arménie, l'autorité préfectorale n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC01319
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-17;20nc01319 ?
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