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17/06/2021 | FRANCE | N°20NC00291

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20NC00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Foncière Marie Louise Bonn a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019, le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Foncière Marie Louise Bonn a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 26 mars 2019, le jugement de cette affaire a été attribué au tribunal administratif de Nancy.

Par un jugement rendu sous le numéro 1724668 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2020 ainsi qu'un mémoire enregistré le 12 mai 2021, la SARL Foncière Marie Louise Bonn, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en ce que le service ne lui a jamais adressé de réponse à ses observations et l'a privée de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ; la décision de rejet de sa réclamation a été prise par une autorité incompétente ;

- il résulte des propres constatations de l'administration que la facture n° 1 établie au nom du client Krannich Solar Project s'est trouvée payée le 31 décembre 2013 par compensation avec les dettes de même montant dues envers cette société, peu important que ces dettes n'aient pas été constatées dans sa comptabilité, et au demeurant le fait générateur constitué par l'accomplissement des travaux a bien eu lieu au cours de l'année 2013 de sorte que la taxe était exigible en 2013 et non pas au titre de l'année 2014.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Foncière Marie Louise Bonn a pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers ainsi que la réalisation de travaux immobiliers. En exécution d'une convention cadre du 28 avril 2012 en vue de la création d'une ferme photovoltaïque, la SARL Foncière Marie Louise Bonn a conclu deux baux emphytéotiques avec les communes d'Ungersheim et Feldkirch, afin de s'assurer la maîtrise des terrains d'assiette des ouvrages, et s'est engagée, au côté d'autres sociétés, envers la SAS Krannich Solar Projet à obtenir les permis de construire et à réaliser les travaux d'aménagement en vue de l'édification des auvents et bâtiments équipés de panneaux solaires. Les ouvrages ont été raccordés au réseau d'électricité au cours de l'année 2013 et mis à disposition des SAS Parc Solaire Feldkirch et SAS Parc Solaire Ungersheim en vue de leur exploitation. En contrepartie de la réalisation de ces travaux, la SAS Krannich Solar Projet s'est engagée à avancer à la SARL Foncière Marie Louise Bonn les fonds nécessaires, ces avances étant à valoir sur le premier loyer dû par les sociétés exploitantes, ces dernières devant initialement être sous-locataires des terrains d'assiette, le règlement de ce premier loyer intervenant par compensation avec le montant de l'avance. C'est dans ces conditions que la SARL Foncière Marie Louise Bonn a facturé le coût des travaux de réalisation des ouvrages à la SAS Krannich Solar Projet pour la somme de 1 020 923 euros toutes taxes comprises (TTC) par une facture portant le numéro 1 au 31 décembre 2013. Par un avenant au contrat cadre signé le 3 avril 2014 les parties ont finalement convenu de la cession des baux emphytéotiques aux deux sociétés exploitantes tandis que la SAS Krannich Solar Projet leur cédait la créance qu'elle détenait sur la SARL Foncière Marie Louise Bonn afin de leur permettre de s'acquitter du prix d'acquisition des baux. Par une proposition de rectification modèle 2120 SD du 29 septembre 2016, l'administration fiscale, selon la procédure contradictoire de rectification prévue à l'article L. 55 du livre des procédures, a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la SARL Foncière Marie Louise Bonn, figurant sur deux factures du 3 avril 2014, après avoir estimé que l'exigibilité de cette taxe était survenue à cette date par compensation avec les dettes envers la SAS Krannich Solar Projet. Ayant refusé ce rappel et sa réclamation préalable ayant été rejetée le 18 juillet 2017, la SARL Foncière Marie Louise Bonn a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la décharge de ces droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que de la pénalité pour manquement délibéré. La SARL Foncière Marie Louise Bonn relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy, à qui l'affaire a été attribuée par l'ordonnance ci-dessus visée du 26 mars 2019, a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure :

2. L'administration justifie que le pli adressé en recommandé avec accusé de réception contenant la réponse aux observations de la société requérante à la proposition de rectification du 29 septembre 2016 a été présenté à son siège le 12 janvier 2017, mis en instance au bureau de poste et retourné au service portant la mention " pli avisé et non réclamé ". Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas répondu à ses observations en violation des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ni, en tout état de cause, de celles de l'article L. 57 A du même livre. Par ailleurs, cette lettre modèle 3926 de réponse aux observations de la société requérante faisait état de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, la SARL Foncière Marie Louise Bonn n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie prévue à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales.

3. Le moyen tiré de ce que la décision de rejet de la réclamation préalable serait signée par une autorité incompétente est sans influence sur la régularité ou le bien-fondé de l'imposition en litige. Il doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...)IV. - 1° (...) les travaux immobiliers (...) sont considérés comme des prestations de services ". Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".

5. L'article 1289 du code civil alors en vigueur disposait que : " Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés. ". L'article 1290 du même code disposait que : " La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ".

6. Il résulte de l'instruction, en particulier des constatations effectuées par l'administration dans la comptabilité de la société Krannich Solar Projet, qu'au 3 avril 2014, la SARL Foncière Marie Louise Bonn était redevable envers la SAS Krannich Solar Projet de la somme de 1 391 428,53 euros TTC, inscrite au compte 467300 " créditeurs divers SAS Krannich Solar Projet ", au titre des avances consenties pour la réalisation des travaux, tandis que cette dernière société était redevable envers la société requérante de la somme de 1 330 352, 78 euros TTC. Cette dernière somme était constituée par une facture numéro 2 du 3 avril 2014, annulant et remplaçant la facture numéro 1 ci-dessus analysée, par une facture numéro 3 du 3 avril 2014 et par une facture de cession des deux baux emphytéotiques du 3 avril 2014 à hauteur de 306 05,22 euros TTC, ces factures étant venues mouvementer le compte 411 " client SAS Krannich Solar Projet " dans la comptabilité de la société requérante. Sur la foi de ces éléments, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, qu'était intervenu au 3 avril 2014 le fait générateur ainsi que le paiement des prestations d'honoraires, travaux immobiliers fournis par la SARL Marie Louise Bonn à la SAS Krannich Projet à hauteur de 1 330 352,78 euros TTC par compensation de plein droit avec les sommes dues par la société requérante à cette dernière, rendant exigible la taxe sur la valeur ajoutée.

7. Si la SARL Foncière Marie Louise Bonn soutient que le paiement de la facture numéro 1 du 31 décembre 2013 est intervenu à cette date et non pas en 2014, par compensation des sommes dues à la SAS Krannich Solar Projet, ainsi qu'en attesterait la comptabilité de cette dernière société au travers des comptes 467500 " Foncière Marie Louise Bonn " et 401 " Foncière Marie Louise Bonn ", il est constant que sa propre comptabilité ne fait pas état d'une telle opération ainsi qu'elle le reconnaît. En tout état de cause, une telle circonstance, en l'admettant établie, demeure sans conséquence sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux dès lors qu'il résulte du point ci-dessus que l'administration a retenu le paiement des seules factures 2 et 3 du 3 avril 2014, à la suite de la conclusion de l'avenant au projet initial, et n'a pas rappelé la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture numéro 1. Dès lors que les comptabilités respectives des deux sociétés faisaient état des créances de la société requérante envers la SAS Krannich Solar Projet acquises au cours de l'année 2014 sur le fondement de ces factures du 3 avril 2014 et des dettes détenues par cette dernière à l'encontre de la SARL Foncière Marie Louise Bonn, en particulier le solde créditeur du compte 46730000 au 1er janvier 2014 s'élevant à 1 391 428,53 euros, c'est à juste titre que l'administration et les premiers juges ont retenu que la compensation avait eu lieu à cette date. Par suite, la SARL Foncière Marie Louise Bonn ne remet pas en cause les éléments de preuve réunis par l'administration et analysés au point précédent.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Foncière Marie Louise Bonn n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS FONCIÈRE MARIE LOUISE BONN est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL FONCIÈRE MARIE LOUISE BONN et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N° 20NC00291 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20NC00291
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. le Pdt. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ARBOIX

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-17;20nc00291 ?
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