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23/07/2019 | FRANCE | N°19NC00331

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 19NC00331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804291 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2019, Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1804291 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2019, Mme A...B..., représentée par Me Rudloff, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le médecin instructeur l'a convoquée à un examen complémentaire sans procéder à cet examen dans les conditions prévues par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le collège de médecins, qui ne disposait que du rapport du médecin instructeur, n'a pas disposé d'éléments suffisants pour se prononcer sur sa situation ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a besoin de soins médicaux ;

- son fils présente un état de santé nécessitant des soins dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'enfant ne peut bénéficier d'une prise en charge adaptée dans le pays d'origine de la famille ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'annulation des décisions de refus de séjour et d'éloignement a pour conséquence l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 24 février 1977, déclare être entrée en France le 16 mars 2015 pour y demander le bénéfice du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 mai 2016. Par un courrier du 24 février 2016, Mme B...a sollicité son admission au séjour pour raison médicale, ainsi qu'en qualité d'accompagnante de son enfant malade. Par un arrêté du 28 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Mme B...relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à MmeB..., le préfet du Haut-Rhin s'est fondé sur l'avis rendu le 30 août 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont il s'est approprié le sens. Dans cet avis, le collège de médecins a estimé, au vu du rapport établi le 21 août 2017 par le médecin de l'OFII, que l'état de santé de l'intéressée ne nécessitait aucune prise en charge médicale. Dans ce rapport, le médecin de l'OFII fait état du comportement de Mme B...lors de l'examen auquel elle a été convoquée, marqué notamment par des effusions verbales et une gestuelle hyper-expressive associées à une rétention d'information concernant l'emploi qu'elle occupait dans son pays d'origine et les circonstances de son départ sans être accompagnée de son époux. Si le médecin de l'OFII déduit de ces éléments une volonté de simulation et l'absence de troubles psychiatriques, la requérante produit à l'instance plusieurs certificats de son médecin psychiatre des 10 février 2016, 6 juin 2017 et 11 décembre 2017 dont il ressort que Mme B...présente un état dépressif majeur d'intensité sévère associé à des éléments phobiques, des troubles du sommeil, une inhibition psychomotrice et des troubles du caractère et de l'attention, pour lesquels elle fait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis le 12 juin 2015 et bénéficie d'un traitement à base de médicaments anxiolytiques, hypnotiques et neuroleptiques. Dans ces conditions, la requérante établit que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Haut-Rhin. Le préfet du Haut-Rhin se borne à soutenir que la requérante peut bénéficier d'un traitement approprié en République démocratique du Congo, sans pour autant solliciter de substitution de motifs. Mme B...est donc fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est dès lors également fondée à soutenir que la décision de refus de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocate peut donc se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rudloff, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rudloff de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1804291 du 6 novembre 2018 et l'arrêté du 28 avril 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Me Rudloff, avocate de Mme B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rudloff renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 19NC00331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19NC00331
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;19nc00331 ?
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