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23/07/2019 | FRANCE | N°17NC02589

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 17NC02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Macy a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 mai 2015 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du paiement de ces sommes.>
Par un jugement no 1503975 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Macy a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 mai 2015 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du paiement de ces sommes.

Par un jugement no 1503975 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2017, la SARL Macy, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 18 mai 2015 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du paiement de ces sommes ;

3°) subsidiairement de lui accorder une décharge partielle de ces sommes ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le salarié s'était présenté comme étant de nationalité française ; aucune disposition ne lui imposait de vérifier l'authenticité de la carte nationale d'identité de l'intéressé ;

- la motivation du jugement est contradictoire dès lors que les premiers juges ont relevé qu'il n'était pas établi que l'associé ou le gérant aurait eu connaissance du fait que l'employé était en possession d'une fausse carte d'identité française ;

- la décision contestée ne peut être justifiée par le non-respect de la déclaration d'embauche ou le fait que l'associé soit un membre de la famille éloignée de l'associé ;

- l'infraction prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail n'est pas matériellement établie ;

- la sanction financière est disproportionnée et doit donc être réduite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL Macy en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits sont établis ;

- il n'appartient pas au juge administratif de statuer sur l'inconstitutionnalité de la loi ; en outre le contrôle de pleine juridiction n'impose pas un pouvoir de modulation de la sanction ;

- le montant de la sanction est justifié par le cumul d'infractions ;

- l'assujettissement à la contribution forfaitaire n'est pas subordonné au réacheminement effectif de l'étranger ; la circonstance que le salarié a obtenu un titre de séjour est sans incidence sur le bien-fondé de cette contribution forfaitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle de la société Macy, exploitant un restaurant à l'enseigne " Royale pizzas ", les services de police ont constaté la présence d'un ressortissant étranger démuni de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Par une décision du 18 mai 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société Macy, d'une part, la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, celle de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 27 septembre 2017, dont la société Macy fait appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " (...) / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ".

3. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de police, que, le 15 octobre 2014, les services de police ont constaté la présence, au sein du restaurant à l'enseigne " Royale Pizza ", de trois individus préparant des pizzas, parmi lesquels un individu déclarant se nommer " KarimA... ", de nationalité tunisienne puis " WalidA... ", de nationalité irakienne, dépourvu de titre de séjour l'autorisant à travailler. La société Macy, qui ne conteste pas avoir employé cet étranger en situation irrégulière, soutient qu'elle ne peut être tenue responsable dès lors que cette personne, qui parle parfaitement le français, s'est présentée à elle comme étant de nationalité française et l'a justifiée en lui fournissant les copies de sa carte nationale d'identité et de sa carte vitale au nom de Walid Miladi, né le 15 janvier 1991, et qu'aucune disposition ne lui imposait de vérifier l'authenticité de ces documents.

6. Il résulte cependant de l'instruction que lors de son audition par les services de police, l'étranger en situation irrégulière a déclaré se nommer " WalidA... ", de nationalité irakienne, et n'a pas soutenu avoir été recruté en se prévalant de la nationalité française. Le gérant de la société Macy s'est, quant à lui, borné à indiquer qu'il ne connaissait pas la situation administrative de M. B...A...et ne savait pas qu'il était en situation irrégulière. A aucun moment au cours de son audition, il n'a précisé aux services de police que ce dernier aurait soutenu être de nationalité française et en avoir justifié par la production notamment d'une carte nationale d'identité française. S'il est vrai que l'associé de la société Macy a indiqué que M. B...A..., qu'il connait sous l'identité de " Walid Miladi, devait lui apporter sa carte d'identité, sans plus de précision, il n'a pas davantage précisé que celui-ci avait revendiqué la nationalité française, ni d'ailleurs qu'à la date de son embauche il lui avait effectivement remis un document permettant d'établir sa nationalité française. Ainsi, la société Macy n'établit pas que M. B...A...se serait présenté à elle sous l'identité d'une personne ayant la nationalité française et en aurait justifié préalablement à son recrutement. Si la société Macy fait également valoir que l'identité de M. B...A...n'a pas été vérifiée par la police, il n'en demeure pas moins que ce dernier ne saurait être regardé comme ayant l'identité et la nationalité française de la personne désignée dans les documents qu'elle a produits pour les besoins de la cause dans le cadre de la présente instance dès lors que, postérieurement au contrôle de police, celui-ci a obtenu un titre de séjour l'autorisant à travailler. Dans ces conditions, la réalité de l'infraction est établie.

7. En deuxième lieu, si la société Macy se prévaut de l'absence d'élément intentionnel, cette circonstance est, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, sans incidence sur le bien-fondé des contributions qui ont été mises à sa charge.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12./ II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : /1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ;/ 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7./ III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".

9. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale. En revanche, les dispositions précitées ne l'habilitent pas davantage que l'administration elle-même à moduler les taux qu'elles ont fixés.

10. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 6 que l'infraction d'emploi d'un étranger sans autorisation de travail est caractérisée et justifie que soit mise à la charge de la société Macy la contribution spéciale. Par ailleurs, la société Macy n'établit, ni même n'allègue, entrer dans l'un des cas de minoration de la contribution spéciale prévus par les dispositions des articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la société Macy ne serait pas proportionné à la gravité de l'infraction qu'elle a commise et à sa situation financière doit être écarté.

11. En dernier lieu, les dispositions de l'article L. 626-1 précitées ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine qu'elles prévoient, et qui présente le caractère d'une sanction, à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B...A..., bénéficiaire d'un titre de séjour délivré postérieurement au contrôle, ne peut être réacheminé dans son pays d'origine doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Macy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Macy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Macy une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Macy est rejetée.

Article 2 : La société Macy versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Macy et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

N° 17NC02589 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02589
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : GIUSTINATI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;17nc02589 ?
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