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09/07/2019 | FRANCE | N°19NC01818

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 09 juillet 2019, 19NC01818


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme A...C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 2 octobre 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé d'une durée de six mois dans un délai de huit jours à compter de la notification de la d

écision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme A...C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 2 octobre 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé d'une durée de six mois dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- s'agissant d'un refus de renouvellement de titre de séjour, la condition tenant à l'urgence est présumée ;

- l'urgence est caractérisée dès lors que l'absence de titre de séjour fait obstacle à l'exercice d'une activité salariée et a conduit à l'interruption du versement des prestations sociales alors qu'elle bénéficie de l'allocation adulte handicapé ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus de carte de résident dès lors que le préfet aurait dû lui demander de compléter son dossier en application des dispositions de l'article 2 L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision de refus de carte de résident est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est estimé à tort tenu de refuser la carte de résident en raison du refus de renouvellement de la carte de séjour temporaire ;

- la décision de refus de carte de résident est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq ans et bénéficie de l'allocation adulte handicapé ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus de renouvellement de la carte de séjour " vie privée et familiale " dès lors que ni le rapport du médecin instructeur ni l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne mentionnent le pays d'origine de la requérante ;

- le préfet ne rapporte pas la preuve de ce que la requérante aurait désormais la possibilité d'accéder effectivement à des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine alors même que le traitement n'a pas été modifié par rapport aux précédents avis qui concluaient tous à l'impossibilité de bénéficier de soins appropriés ;

- le refus de renouvellement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la condition tenant à l'urgence ne saurait être présumée dès lors que le refus de carte de résident porte sur une demande initiale et non sur un renouvellement de titre de séjour ;

- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade dès lors que le rapport du médecin instructeur et l'avis du collège de médecins de l'OFFI ont été émis au regard de la situation dans le pays d'origine de la requérante ;

- il incombe à la requérante de démontrer qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus de carte de résident dès lors que celle-ci est suffisamment motivée, qu'il ne s'est pas cru en situation de compétence liée et a procédé à l'examen de la situation de la requérante ;

- la requérante est sans ressources et ne séjourne pas régulièrement en France depuis cinq ans ;

- la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 juin 2019, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu la décision dont la suspension est demandée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision de la présidente de la cour désignant M. Meslay, président de chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le juge des référés a, au cours de l'audience publique du 4 juillet 2019 à 14 heures, présenté son rapport et entendu les observations de MeB..., pour MmeC..., qui persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), est entrée sur le territoire français le 13 octobre 2011 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugiée. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2012. A compter du 23 octobre 2012, Mme C...a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelé jusqu'au 30 octobre 2018. Le 17 juillet 2017, Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ainsi que la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 octobre 2018, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Par un jugement du 21 mai 2019, dont Mme C...demande l'annulation, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme C...demande au juge des référés la suspension de la décision du 2 octobre 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade et de lui délivrer une carte de résident.

Sur les conclusions à fin de suspension de la décision du 2 octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

En ce qui concerne l'urgence :

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Cette condition d'urgence est en principe satisfaite dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour ou d'un retrait de ce titre. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.

4. Il ressort clairement des pièces du dossier que Mme C...a bénéficié de titres de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à compter du 23 octobre 2012 jusqu'au 30 octobre 2018, soit pendant plus de cinq ans. Il ressort également des pièces du dossier que la requérante a sollicité, le 17 juillet 2017, le renouvellement de son titre de séjour ainsi que la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet du Doubs, la demande présentée par Mme C...ne s'analyse pas comme une première demande de titre de séjour. Il ressort du reste des termes mêmes de la décision contestée du 2 octobre 2018 que le préfet du Doubs a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressée. Par ailleurs, ce refus de renouvellement de titre de séjour prive la requérante du bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés dont elle bénéficiait. Par suite, la condition d'urgence doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme remplie.

En ce qui concerne le moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision :

5. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2, L. 5423-3 et L. 5423-8 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; / 3° D'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 314-10 du même code : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2. ".

6. Pour refuser de délivrer à Mme C...la carte de résident sollicitée sur le fondement de ces dispositions, le préfet s'est borné à indiquer, d'une part, se référant ainsi à la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le directeur de l'OFFI ne lui a pas transmis d'avis motivé faisant état de circonstances humanitaires exceptionnelles et que " pour les mêmes raisons, il ne peut se voir délivrer une carte de résident " et, d'autre part, qu'à la suite du jugement du tribunal administratif de Besançon annulant l'arrêté du 13 avril 2018 et prescrivant le réexamen de la situation de la requérante, " Mme C...n'a fait valoir aucun élément nouveau relatif à sa situation ". Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisante motivation en droit et en fait de la décision de refus de carte de résident et de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la demande de carte de résident à la suite de l'annulation prononcée par le tribunal administratif sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la requérante justifiait, à la date de la décision attaquée, résider en France de manière ininterrompue depuis plus de cinq ans. Si, dans son mémoire en défense, le préfet fait valoir que la requérante est sans ressources, il résulte des pièces du dossier que, par décision du 23 mai 2014, le président de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a accordé à Mme C...l'allocation aux adultes handicapés au taux de 80% du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2018. La requérante bénéficiait donc, à la date de la décision contestée, de l'allocation aux adultes handicapés et remplissait ainsi par équivalence la condition prévue au 2° de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de cet article est également de nature, en l'état de l'instruction et en l'absence d'autre motif, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution de la présente ordonnance qui suspend l'exécution de l'arrêté par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de carte de résident et la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire présentées par Mme C...implique d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme C...un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, jusqu'à ce que la cour ait définitivement statué sur la légalité de la décision du 2 octobre 2018, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de la décision du préfet du Doubs du 2 octobre 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C...est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme C...un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...C..., au préfet du Doubs et au ministre de l'intérieur.

Fait à Nancy, le 9 juillet 2019.

Le juge des référés,

Signé : P. Meslay

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 19NC01818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01818
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre MESLAY
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-09;19nc01818 ?
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