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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC02514

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC02514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1800574 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3

juin 2019, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1800574 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 juin 2019, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800574 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé d'un avis émis par le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- il n'est pas établi que les trois médecins formant le collège de médecins aient été désignés par le directeur de l'OFII ;

- l'avis produit ne comporte pas les éléments de procédure obligatoires permettant de s'assurer que la procédure a bien été respectée par le collège des médecins ;

- la preuve du caractère collégial de la procédure n'est pas rapportée ;

- le préfet ne rapporte pas la preuve que le médecin ayant établi le rapport n'avait pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante géorgienne née le 17 août 1955, est entrée en France, selon ses déclarations, le 19 juillet 2016 afin d'y solliciter l'asile. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par décision du 30 décembre 2016, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 7 juillet 2017, le préfet de la Marne a pris à son encontre, le 27 juillet 2017 un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Par un jugement du 22 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressée ayant, entretemps, informé le préfet de la Marne, le 21 septembre 2017, de ce que son état de santé faisait obstacle à son éloignement, sur le fondement du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a, par un nouvel arrêté du 5 décembre 2017, refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et réitéré l'obligation de quitter le territoire français décidée dans son arrêté du 27 juillet 2017. Cette dernière relève appel du jugement du 9 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 décembre 2017.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. "

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'OFII, émis le 17 octobre 2017, produit en défense, comporte la mention lisible du nom des trois médecins qui en sont les auteurs, ainsi que leurs signatures. Ils ont été régulièrement désignés pour siéger au collège de médecins de l'OFII à compétence nationale, en vertu d'une décision du directeur général de l'office du 2 octobre 2017, régulièrement publiée sur le site internet de l'office. Dès lors, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait intervenue en méconnaissance de la procédure prévue par les dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

5. Mme B...fait valoir qu'aucune des cases prévues sur le modèle d'avis du collège des médecins de l'OFII figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016 pour rendre compte des éléments de procédure, n'a été cochée. Toutefois, dès lors qu'elle n'établit ni même ne soutient que des actes de procédure correspondant à ces cases auraient effectivement été accomplis, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que cette omission l'a privée, en l'espèce, d'une garantie ou a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.

6. En troisième lieu, si Mme B...conteste la réalité du caractère collégial de l'avis rendu par le collège des médecins, elle n'apporte aucun élément de nature à faire douter qu'en raison de circonstances particulières, les membres du collège de médecins auraient été empêchés de confronter leur point de vue avant de rendre leur avis, même si les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. Dans ces conditions, faute d'établir le contraire, l'avis, qui comporte la mention selon laquelle il a été rendu après délibéré ainsi que la signature des intéressés, doit être regardé comme régulier sur ce point.

7. En quatrième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, dès lors que Mme B... avait présenté une demande de protection contre l'éloignement, sur le fondement des seules dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis a été rendu par le collège des médecins sur le fondement des dispositions de l'article R. 511-1 du même code, lesquelles exigent que celui-ci se prononce au vu d'un certificat du médecin traitant de l'étranger, et non, comme dans le cadre des dispositions de l'article R. 313-23, d'un rapport d'un médecin rapporteur de l'OFII. Dans ces conditions, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ce que la composition du collège de médecins pourrait être irrégulière au regard de la présence éventuelle d'un médecin rapporteur.

8. En dernier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

9. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 5 décembre 2017 que le préfet de la Marne, a examiné si l'intéressée était protégée par les dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais a également estimé que la demande de titre de séjour formulée par Mme B...devait être rejetée. Pour refuser à l'intéressée la délivrance du titre de séjour ainsi sollicité, le préfet de la Marne s'est fondé sur un avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration du 17 octobre 2017. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, bénéficier d'un traitement approprié. Enfin, selon ce même avis et au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressée lui permettait, à cette date, de voyager sans risque vers son pays d'origine.

10. Si MmeB..., qui souffre d'une cardiopathie ischémique, d'une pathologie thyroïdienne et d'un état psychique inquiétant, l'ensemble des documents médicaux qu'elle produit n'est pas de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie. En particulier, en se bornant à produire soit des documents relatifs à l'état général du système de santé en Géorgie, soit une liste des médicaments qui y étaient disponibles en 2007, soit plus de dix ans avant la décision en litige, Mme B...n'établit pas que son traitement n'y était pas disponible à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, les éléments produits par Mme B... ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet quant à la possibilité que Mme B...puisse bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'encontre de la décision refusant de lui accordant un titre de séjour, et du 10° de l'article L. 511-4 du même code à l'encontre de la décision réitérant l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC02514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02514
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc02514 ?
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