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02/07/2019 | FRANCE | N°18NC02512

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18NC02512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1800804 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3

juin 2019, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 18008...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1800804 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 juin 2019, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800804 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité en ne faisant pas droit à sa demande de communication de l'avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 17 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2019 à 12h00.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas produit de mémoire.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant géorgien né le 10 janvier 1996, est entré en France, selon ses déclarations, le 19 juillet 2016 afin d'y solliciter l'asile. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par décision du 30 décembre 2016, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 7 juillet 2017, le préfet de la Marne a pris à son encontre, le 27 juillet 2017, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. Par un jugement du 22 septembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressé ayant entretemps informé le préfet de la Marne, le 21 septembre 2017, de ce que son état de santé faisait obstacle à son éloignement, sur le fondement du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a, par un nouvel arrêté du 5 décembre 2017, refusé de lui délivrer un titre de séjour et réitéré l'obligation de quitter le territoire français décidée dans son arrêté du 27 juillet 2017. M. A...relève appel du jugement du 9 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 décembre 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, accompagnant le premier mémoire en défense du préfet de la Marne, a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 26 juin 2018. Alors que l'existence même de cet avis était contestée par le requérant et quand bien même ce mémoire a été enregistré après la clôture de l'instruction, il appartenait au tribunal de le communiquer ainsi que les pièces qui l'accompagnaient. En s'abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Il y a lieu d'annuler ce jugement et par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2017 en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M.A... :

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a pas présenté une demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais une demande de protection contre l'éloignement à raison de son état de santé sur le fondement des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2017 en tant qu'il oblige M. A...à quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

8. Pour estimer que l'intéressé n'entrait pas dans le champ des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration du 4 décembre 2017 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale et si le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, bénéficier d'un traitement approprié et selon lequel enfin, au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.

9. Si M.A..., qui souffre d'une hépatite virale chronique de type C, associée à un syndrome dépressif majeur, soutient ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie, il n'apporte aucun élément précis de nature à l'établir. En particulier, les certificats médicaux qu'il produit à l'appui de ses allégations, relatifs à sa santé psychique, sont rédigés en termes généraux et reposent nécessairement sur ses propres récits des évènements traumatisants tels qu'il a indiqué les avoir subis en Géorgie, alors que la réalité de ces évènements ou leur lien avec sa pathologie ne ressortent d'aucune pièce du dossier. Enfin, en se bornant à produire soit des documents relatifs à l'état général du système de santé en Géorgie, soit une liste des médicaments qui y étaient disponibles en 2007, soit plus de dix ans avant la décision en litige, M. A...n'établit pas que son traitement n'y était pas disponible à la date de cette décision. Dans ces conditions, les éléments produits par M. A... ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet quant à la possibilité pour lui de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevé en première instance par M.A..., est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de refus de titre de séjour ou une décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas, par elle-même, éloignement vers le pays d'origine.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800804 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les conclusions de M. A...présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC02512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02512
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-02;18nc02512 ?
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