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25/06/2019 | FRANCE | N°17NC01529

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17NC01529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 août 2015 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire, ainsi que la décision du 15 avril 2016 par laquelle la ministre a maintenu cette sanction malgré l'avis de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat du 24 mars 2016 recommandant l'adoption d'une sanction moins sévère

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Par un jugement n° 1601743 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Na...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 6 août 2015 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa mise à la retraite d'office à titre disciplinaire, ainsi que la décision du 15 avril 2016 par laquelle la ministre a maintenu cette sanction malgré l'avis de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat du 24 mars 2016 recommandant l'adoption d'une sanction moins sévère.

Par un jugement n° 1601743 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2017, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mai 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 août 2015 et la décision du 15 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder à sa réintégration ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 6 août 2015 a été pris au vu d'un avis du conseil de discipline qui n'est pas motivé ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- l'administration ne pouvait pas le sanctionner en se fondant sur les propos qu'il a tenu dans le cadre de la procédure disciplinaire, en dehors de l'exercice de ses fonctions ;

- la sanction de mise à la retraite d'office est disproportionnée au regard de la gravité des faits reprochés.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., professeur agrégé de l'enseignement du second degré, a été affecté à compter de la rentrée 2007 dans l'académie de Nancy-Metz, où il a enseigné les mathématiques aux élèves des classes préparatoires aux grandes écoles du lycée Henri Poincaré de Nancy de 2007 à 2014 puis aux élèves de classes de première et de terminale du lycée Stanislas de Villers-lès-Nancy. Par un arrêté du 6 août 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche lui a infligé la sanction de mise à la retraite d'office. Saisie par M.C..., la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a recommandé, le 24 mars 2016, de substituer à cette sanction une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. Après avoir pris connaissance de cette recommandation, la ministre a, par une décision du 15 avril 2016, maintenu la sanction de mise à la retraite d'office. M. C...relève appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2015 et de la décision du 15 avril 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Il résulte de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat qu'aucune sanction disciplinaire, autre que celles classées dans le premier groupe, ne peut être prononcée sans consultation préalable du conseil de discipline qui se prononce par un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée contre l'agent.

3. M. C...soutient que la commission administrative paritaire académique des professeurs agrégés, siégeant en conseil de discipline le 1er juillet 2015, a rendu un avis insuffisamment motivé en produisant à l'appui de ses allégations le procès-verbal de la séance qui se borne à relater les propos échangés lors de son audition et à indiquer le résultat du vote sur la sanction envisagée. Toutefois, l'administration a produit devant le tribunal administratif l'avis rendu par le conseil de discipline qui mentionne de façon précise, outre les éléments de droit pertinents, les faits retenus à l'encontre de M. C... justifiant la proposition de lui appliquer la sanction de mise à la retraite d'office. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté du 6 août 2015 aurait été pris au vu d'un avis rendu par le conseil de discipline dans des conditions irrégulières.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. En premier lieu, il ressort du rapport d'inspection du 19 janvier 2015 que l'enseignement dispensé par M. C...au sein du lycée Stanislas de Villers-lès-Nancy est insuffisamment préparé, qu'il n'est pas adapté à des élèves de l'enseignement secondaire et à des classes de niveau hétérogène et qu'il ne respecte pas le programme officiel. Selon ce rapport d'inspection, M. C... présente de nombreuses insuffisances, notamment dans la construction, la mise en oeuvre et l'animation des situations d'enseignement et d'apprentissage, la maîtrise de la didactique de la discipline mathématique, la prise en compte de la diversité des élèves et l'évaluation des progrès et des acquis de ces derniers. Les difficultés éprouvées par l'intéressé à entretenir une relation avec sa classe et son absence d'intérêt pour les travaux des élèves ont pour effet de les démobiliser et de les décourager. Si M. C...fait état de ses efforts pour améliorer sa pratique professionnelle, il a déjà fait l'objet de reproches similaires à l'occasion de précédentes inspections le 7 février 2005, alors qu'il exerçait ses fonctions d'enseignant dans l'académie de Créteil, et les 28 mars 2013 et 29 janvier 2014, lorsqu'il enseignait à des classes préparatoires aux grandes écoles à Nancy. Le requérant se prévaut encore de ses notations administratives, établies en 2007, 2012 et 2013, qui comportent des appréciations littérales favorables, et du rapport d'inspection du 27 février 2009, selon lequel son enseignement est " désormais d'assez bonne qualité ". Ces documents ne suffisent cependant pas à contredire les critiques formulées sur sa pratique pédagogique dans le rapport d'inspection du 19 janvier 2015 et qui sont corroborées par les courriers et courriels émanant des parents d'élèves et les rapports établis en 2014 et 2015 par le proviseur du lycée de Villers-lès-Nancy et son adjointe. Les éléments produits par M. C...n'établissent pas davantage que sa manière de servir aurait connu une amélioration à la suite des recommandations et des conseils qui lui ont été prodigués. Enfin, la liberté dont bénéficie un enseignant pour l'organisation de son cours ne saurait justifier la méconnaissance du programme officiel.

6. En deuxième lieu, il ressort des rapports établis par le proviseur du lycée de Villers-lès-Nancy et son adjointe en 2014 et 2015, de plusieurs témoignages émanant d'élèves de cet établissement et de plaintes adressées par certains parents d'élèves au proviseur et aux services du rectorat que M. C...tenait des propos déplacés, dévalorisants et humiliants à l'égard de certains des élèves de la classe de 1ère S dont il avait la responsabilité. Dans son rapport du 7 avril 2015, le proviseur a informé le recteur de l'absence d'évolution du comportement de M. C...à cet égard, et de nouvelles plaintes de parents. Il n'est pas établi que les propos prêtés au requérant auraient été volontairement déformés par les élèves, alors que les témoignages précités en font état dans des termes suffisamment précis et concordants. Il ressort en outre tant du rapport d'inspection du 3 octobre 2003 que du procès-verbal du conseil de discipline que M. C...avait déjà proféré de tels propos vexatoires à l'égard des élèves dont il avait la charge entre 2003 et 2014.

7. En troisième lieu, M.C..., répondant aux reproches de parents d'élèves, a adressé au recteur de l'académie, le 25 avril 2015, un courrier dans lequel il entendait contester, dans des termes irrespectueux, le niveau de compétence de membres de l'équipe pédagogique de son établissement d'affectation et de l'inspecteur pédagogique de l'éducation nationale qui l'a évalué le 19 janvier 2015. Si le requérant soutient que ce courrier interne n'a fait l'objet d'aucune diffusion publique, ni cette circonstance, ni l'exercice des droits de la défense ne saurait justifier le caractère particulièrement désobligeant des termes employés à l'égard du personnel encadrant du lycée de Villers-lès-Nancy et de l'inspecteur pédagogique.

8. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient M.C..., la matérialité des faits qui lui sont reprochés est établie. Ces faits, qui révèlent un manquement du requérant à ses obligations professionnelles, présentent un caractère fautif justifiant qu'une sanction soit prononcée à son encontre.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. C... a bénéficié du soutien de l'administration malgré ses difficultés, notamment avec la mise en place d'un tutorat en 2013 afin d'améliorer sa pratique professionnelle lorsqu'il exerçait ses fonctions en classe préparatoire aux grandes écoles. Le requérant n'a pas modifié son comportement en dépit des recommandations et instructions qui lui ont été données. M. C... a fait l'objet, le 23 avril 2004, d'une précédente mesure disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois pour des faits de même nature se rapportant à ses insuffisances pédagogiques et à son attitude à l'égard des élèves. Par son comportement, qui révèle des manquements graves et réitérés à ses obligations professionnelles, l'intéressé a compromis la réussite scolaire des élèves dont il avait la responsabilité. Dans ces conditions, si M. C... a fait l'objet de quelques appréciations favorables au cours de sa carrière et si la commission de recours, tenant compte notamment de sa volonté de reconversion, s'est prononcée en faveur d'une sanction moins sévère, la sanction de mise à la retraite d'office retenue par l'autorité disciplinaire n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'éducation nationale.

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N° 17NC01529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01529
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : KOPF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-25;17nc01529 ?
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