La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2019 | FRANCE | N°18NC02342

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC02342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1804450 du 26 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 26 août 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1804450 du 26 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804454 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juillet 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 16 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a estimé que le préfet ne lui avait pas opposé un refus de séjour et en ce qu'il ne s'est donc pas prononcé, dans une formation collégiale sur la légalité d'une telle décision contre laquelle il avait soulevé des moyens de légalité externe et interne ;

- la décision relative au séjour est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe général de droit de l'Union européenne du droit de la défense et de bonne administration ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a pour motif déterminant la prévention du mariage qu'il devait contracter avec MmeA... ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard du 1° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle doit être annulée par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé eu égard à l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Par ordonnance du 3 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2019 à 12h00.

Le préfet du Haut-Rhin, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., né le 3 octobre 1980, ressortissant du Kosovo et détenteur d'un passeport serbe, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 10 octobre 2011 afin d'y solliciter l'asile. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 25 novembre 2011, confirmée le 21 décembre 2012 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et a assorti cette décision d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, par un arrêté du 15 février 2013 devenu définitif. Sa demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile, ayant été déclarée irrecevable par décision de l'OFPRA du 17 mai 2016, confirmée par la CNDA le 17 octobre 2016, le préfet du Haut-Rhin a, par un arrêté du 16 juillet 2018 pris au visa des 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligé M. B...à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. Par un arrêté du même jour, le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin jusqu'à son éloignement. M. B... relève appel du jugement du 26 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les arrêtés contestés :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet de la part des services de police de son domicile, d'une enquête ordonnée le 29 mai 2018, sur signalement du maire de Colmar, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Colmar et portant sur la sincérité de son projet de mariage avec MmeA..., ressortissante serbe titulaire d'une carte de résident en tant que bénéficiaire de la protection subsidiaire. Mme A...a été entendue le 5 juin 2018 et M.B..., le 16 juillet 2018. Le jour même de cette audition, et sans même attendre l'issue des investigations prescrites par le Parquet, le préfet du Haut-Rhin a fait notifier à l'intéressé un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français et un arrêté l'assignant à résidence au domicile où lui et sa compagne ont déclaré vivre. Or, les seules circonstances que l'intéressé ait tardé à répondre à la convocation des services de police ou qu'il fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2013 et soit en situation irrégulière, ne permettent pas d'établir que son projet de mariage puisse revêtir un caractère frauduleux, lequel ne procède pas davantage d'éventuelles contradictions entre les déclarations faites en mairie par les fiancés. Eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment à la précipitation avec laquelle le préfet qui était informé du projet de mariage de l'intéressé, a agi en lui notifiant le jour de son audition une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, une telle décision doit être regardée comme ayant eu pour motif déterminant de faire obstacle à ce mariage. M. B...est ainsi fondé à soutenir que l'arrêté du 16 juillet 2018 est entaché de détournement de pouvoir. Il en va également ainsi de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est partie perdante à l'instance, le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804450 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg et les arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 16 juillet 2018 portant obligation pour M. B...de quitter le territoire français sans délai et l'assignant à résidence sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président de chambre,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Di Candia, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : O. Di Candia Le président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 18NC02342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02342
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc02342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award