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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC01916-18NC001918

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC01916-18NC001918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) de condamner la commune de Supt, ou, subsidiairement, la communauté de communes Champagnole Nozeroy à lui verser la somme de 192 286,63 euros en réparation de ses préjudices.

2°) de condamner sous astreinte la commune de Supt, ou, subsidiairement, la communauté de communes Champagnole Nozeroy à engager les travaux de démolition et de déblaiement de sa maison, ou, à défaut, de les condamner à lui verser la somme de 51 600 euro

s correspondant au coût de ces travaux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Supt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Besançon :

1°) de condamner la commune de Supt, ou, subsidiairement, la communauté de communes Champagnole Nozeroy à lui verser la somme de 192 286,63 euros en réparation de ses préjudices.

2°) de condamner sous astreinte la commune de Supt, ou, subsidiairement, la communauté de communes Champagnole Nozeroy à engager les travaux de démolition et de déblaiement de sa maison, ou, à défaut, de les condamner à lui verser la somme de 51 600 euros correspondant au coût de ces travaux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Supt, ou, subsidiairement, de la communauté de communes Champagnole Nozeroy le versement d'une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement no 1601580 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de Supt à verser à Mme C...une somme totale de 127 985,86 euros en réparation des préjudices subis ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018 sous le numéro 18NC01916, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 mars 2019, la commune de Supt, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 mai 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à son moyen en défense tiré de ce que la faute de la victime était exonératoire de sa responsabilité ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal pour retenir sa responsabilité, il n'appartient pas au maire, au titre de la police des immeubles menaçant ruine, de mettre en oeuvre d'autres mesures que celle consistant à sécuriser l'ouvrage ;

- l'état de ruine de la propriété de Mme C...n'est pas imputable à la carence fautive du maire de Supt, dès lors que la réfection de cet immeuble n'était plus possible dès 2010 ;

- une faute de la victime doit être retenue en ce que MmeC..., qui a la qualité de professionnelle de l'immobilier, a acquis une maison mitoyenne d'un bâtiment en ruine et doit être regardée comme ayant, en toute connaissance de cause, accepté le risque qu'impliquait cette situation ;

- les montants des préjudices retenus par les premiers juges sont erronés et en particulier, le coût des travaux de rénovation entrepris par Mme C...ne tient pas compte du risque qu'elle a accepté, de l'absence de toute mesure permettant de minimiser l'impact des désordres que subissait sa propre maison d'habitation, et de toute recherche de responsabilité des consortsI... ;

- alors que des propositions de relogement ont été faites à MmeC..., le tribunal ne pouvait inverser la charge de la preuve en considérant qu'il appartenait à la commune de démontrer que ces solutions étaient acceptables pour l'intéressée ;

- Mme C...a été hébergée par son compagnon et ne pouvait donc demander à être indemnisée pour son relogement ;

- les frais de démolition retenus par les premiers juges tiennent compte de la démolition de l'ensemble de l'édifice mitoyen, et non de celle de la seule propriété de MmeC... ;

- dès lors qu'il n'appartient pas à la commune de se comporter comme propriétaire du bien, les frais de l'évacuation des déblais ne peuvent être mis à sa charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, MmeC..., représentée par Me E..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la commune de Supt soit condamnée à lui verser une somme totale de 259 198,58 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la décision à intervenir ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Supt le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la date à laquelle elle a fait l'acquisition de sa maison d'habitation, l'immeuble voisin ne présentait aucun signe d'effondrement apparent ;

- elle n'avait elle-même aucune compétence particulière pour déceler une quelconque difficulté sur l'immeuble voisin ;

- la commune de Supt s'était engagée à effectuer les travaux de réfection en cas de défaillance des consortsG... et sa carence, constitutive d'une faute lourde, est à l'origine de l'effondrement de l'immeuble G...sur sa maison ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à entraîner le préjudice dont elle demande réparation ;

- ce dernier comprend la perte de valeur vénale de sa maison pour un montant de 90 000 euros, le coût des intérêts de l'emprunt contracté pour l'acquisition de cette dernière, soit la somme de 26 064,98 euros, ses frais de relogement, pour un montant global de 38 583,07 euros, le coût des travaux de rénovation de sa maison exposés en pure perte, soit la somme 15 804,32 euros, les frais de notaire, droits et taxes, pour un montant de 7 866,21 euros, les frais de démolition de sa maison pour un montant de 51 600 euros et enfin un préjudice moral estimé à 30 000 euros ;

- contrairement à ce que soutient la commune, elle n'obtenu de sa part aucune aide pour retrouver un logement.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions de Mme C...tendant à ce que la condamnation de la commune de Supt au titre de la réparation de la valeur vénale de sa maison excède 85 000 euros dès lors qu'elle avait limité sa demande de première instance à ce titre à cette somme, et de l'irrecevabilité des conclusions de Mme C...tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date de l'arrêt à intervenir, des intérêts au taux légal sur la somme que la commune de Supt sera condamnée à verser, lesquelles sont dépourvues d'objet dès lors que tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été présenté pour Mme C...le 18 mars 2019, par lequel cette dernière indique notamment limiter à 133 703,56 euros l'indemnisation du poste de préjudice afférent à la " perte de sa maison ", ramener ainsi le montant total de sa demande à la somme de 253 886,63 euros, partager la position de la cour s'agissant des intérêts et porter enfin à 7 000 euros le montant de sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été présenté pour la commune de Supt le 20 mars 2019.

II- Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018 sous le numéro 18NC01918, et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 juillet 2018, la commune de Supt, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 mai 2018 sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'exécution du jugement risque de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dès lors que le jugement doit être annulé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2018, Mme C...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la commune de Supt sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune de Supt.

Une note en délibéré enregistrée le 29 mai 2019, a été présentée pour la commune de Supt.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir fait constater, par voie d'expertise ordonnée dans le cadre des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, l'état de péril imminent de l'immeuble situé dans la commune de Supt (Jura) au lieu-dit " La Chaux ", cadastré ZB n° 6, et appartenant aux consortsG..., le maire de cette commune a, par un arrêté du 19 octobre 2010, mis ces derniers en demeure de réaliser sans délai les mesures préconisées par l'expert pour mettre fin à cette situation et précisé qu'à défaut d'exécution de ces travaux dans un délai d'un mois, l'administration municipale y procéderait d'office. Ce même arrêté a également enjoint à Mme C..., propriétaire de l'immeuble mitoyen, cadastré ZB n° 4, de procéder à son évacuation à la date du 24 octobre 2010 au plus tard. Les travaux requis n'ont toutefois été réalisés ni par les consorts G...ni par la commune et MmeC..., qui n'a jamais pu réintégrer sa maison, a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande de réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'abstention fautive de la commune de Supt de se substituer aux propriétaires défaillants. Par un jugement n° 1601580 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné la commune de Supt à lui verser à ce titre une somme totale de 127 985,86 euros. La commune de Supt relève appel de ce jugement contre lequel Mme C...forme également un appel incident. Par une requête distincte, la commune de Supt demande en outre à la cour qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le désistement partiel de MmeC... :

3. Mme C...avait, devant le tribunal administratif, chiffré sa demande indemnitaire globale à la somme de 253 886,63 euros incluant les frais de démolition de l'immeuble ainsi que, pour un montant de 85 000 euros, la perte de valeur vénale de la maison. Alors qu'en appel, elle a d'abord porté le montant global de sa demande à une somme de 259 918,59 euros, augmentant notamment le montant de la somme réclamée au titre de la perte de valeur vénale, elle a, dans le dernier état de ses écritures, ramené ses prétentions globales à hauteur de la somme demandée en première instance et doit, en outre, eu égard à la teneur de ses écritures, être regardée comme ayant abandonné ses conclusions tendant à ce que cette condamnation porte intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt. Un tel désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Contrairement à ce que soutient la commune de Supt, le tribunal a examiné, au point 3 du jugement attaqué, son moyen en défense tiré de ce que Mme C...aurait commis des fautes de nature à l'exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité. Ce jugement n'est, par suite, entaché d'aucune omission à statuer à cet égard.

Sur la responsabilité :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise réalisée le 4 octobre 2010 à la demande du tribunal administratif de Besançon, dans le cadre de la procédure de péril imminent mise en oeuvre par le maire de Supt, que ce dernier ne pouvait, à partir de cette date, ignorer le caractère dangereux de l'immeuble des consorts G...ni l'urgence qui s'attachait à la réalisation des travaux que nécessitait cet état de péril. Il est constant que confronté à la défaillance avérée des propriétaires, le maire s'est, pendant plusieurs années, abstenu de prendre l'ensemble des mesures qu'il avait lui-même édictées dans son arrêté du 19 octobre 2010 afin d'éviter l'effondrement de cet immeuble, en particulier en n'engageant pas ces travaux aux frais des consortsH.... A cet égard et contrairement à ce que soutient la commune, il résulte des termes mêmes de cet arrêté que cet engagement n'était pas limité à la prise en charge des seules mesures visant à sécuriser les lieux.

6. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction, et notamment du contenu du rapport d'expertise du 4 octobre 2010, que l'état des bâtiments mitoyens impliquait que chacune des deux fermes soient d'abord confortées avec des éléments de charpente assurant leur stabilité propre, que leur couverture soit démolie et évacuée, qu'une fouille et une fondation centrale soient réalisées ainsi qu'un mur de refend dans la direction du faîtage et une panne faitière et que ces travaux devaient permettre de désolidariser les deux fermes mitoyennes afin de les transformer en demi-fermes privatives, dont seule devait être démolie et évacuée celle appartenant aux consortsG.... Ces travaux devaient ensuite être complétés par la reprise des déformations hautes des chevrons sur toiture au niveau de la propriété de MmeC..., le repositionnement des tuiles, et la réalisation d'un enduit de façade et d'une zinguerie en faîtage. Il résulte de ce qui précède que si l'état de délabrement de la couverture du bâtiment abritant les deux immeubles était tel qu'il menaçait déjà, à la date de rédaction du rapport d'expertise, la propriété de MmeC..., la réfection de sa maison d'habitation demeurait encore, à cette date, une perspective possible. Dès lors, la commune de Supt n'est pas fondée à soutenir que l'état de la propriété de Mme C...rendait déjà certaine sa démolition à la date à laquelle a été pris l'arrêté du 19 octobre 2010 ni, par suite, que la carence fautive du maire à assurer l'exécution de cet arrêté ne serait pas la cause des dégradations subies ultérieurement par la maison de l'intéressée.

7. En troisième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, la maison d'habitation de Mme C...n'était pas en état de ruine à la date à laquelle le maire a pris l'arrêté de péril imminent du 19 octobre 2010. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date à laquelle Mme C...l'a acquise en 2007, l'immeuble mitoyen appartenant aux consorts G...présentait lui-même des signes extérieurs de délabrement ou, en tout état de cause, que la formation en négociation immobilière, d'ailleurs fort brève, qu'aurait suivie MmeC..., lui avait donné une qualification suffisante pour détecter le risque latent de ruine pesant sur l'immeuble voisin et qui ne s'est avéré que trois ans plus tard. La commune de Supt n'est en conséquence pas fondée à soutenir que Mme C...aurait commis une faute de nature à l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Supt n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon l'a déclarée responsable des préjudices résultant de sa carence fautive.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les travaux de démolition :

9. Il résulte de l'instruction que du fait de son exposition pendant plusieurs années, aux intempéries, la maison d'habitation de Mme C...que cette dernière avait été obligée d'évacuer en application de l'arrêté du 19 octobre 2011, était dans un état de délabrement tel qu'elle a elle-même fait l'objet d'un arrêté du 9 mai 2017 du président de la communauté de communes de Champagnole Nozeroy Jura, alors compétent, qui a enjoint à Mme C...de procéder à sa démolition et au déblaiement des gravas. Dans ces conditions, la commune de Supt n'est pas fondée à soutenir que les frais de déblaiement ne trouveraient pas leur cause directe dans la faute commise par le maire en s'abstenant de faire procéder aux travaux prescrits dans son arrêté du 19 octobre 2011 afin d'éviter la ruine progressive de la propriété de MmeC.... En revanche, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du cabinet JP Conseil Expert du 16 mars 2016, mandaté par la commune pour analyser les désordres présentés par le bâtiment, que l'évaluation du coût des travaux de démolition et de déblaiement des gravas portait non seulement sur la partie du bâtiment appartenant à Mme C...mais aussi à celle appartenant aux consortsG.... Dans ces conditions, la commune de Supt est fondée à soutenir que l'indemnité due à ce titre doit être limitée au coût des travaux de démolition et de déblaiement de la seule partie du bâtiment appartenant à MmeC.... Il y a lieu, par suite et selon une juste appréciation de ce préjudice, de réduire de moitié l'indemnité de 51 600 euros allouée à ce titre par les premiers juges pour la ramener à un montant de 25 800 euros.

En ce qui concerne les frais de relogement :

10. Mme C...justifie avoir dû engager des frais pour assurer le relogement de sa famille du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, pour un loyer de 500 euros par mois, puis du 5 juillet 2012 au 22 février 2015, pour un loyer de 663,97 euros par mois, correspondant à un logement plus adapté après la naissance de ses deux premiers enfants, et enfin de février 2015 à mai 2016, pour un loyer de 750 euros par mois, après la naissance de son troisième enfant. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme C..., qui ne conteste pas avoir été hébergée chez M. B...après avoir évacué sa maison, l'était toujours après le 1er juillet 2011 alors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, elle justifie de frais de relogement. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'offre de relogement que la commune soutient, sans autre explication, avoir adressée à Mme C...était adaptée aux besoins de la famille de cette dernière. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que du fait du refus que l'intéressée lui a opposé, elle ne pouvait prétendre à l'indemnisation du préjudice constitué par les frais de logement qu'elle a exposés, à hauteur de 38 583,07 euros.

En ce qui concerne la perte de la valeur vénale de la maison et les frais d'acquisition :

11. La réparation du préjudice causé au bien de Mme C...ne peut excéder en principe la valeur vénale de ce bien à la date du sinistre. Cette règle, applicable à l'ensemble des préjudices dont la réparation peut contribuer à apporter à son propriétaire un enrichissement, concerne notamment les préjudices résultant d'une perte de jouissance et de la reconstruction du bien.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'examen de l'acte notarié du 6 octobre 2007 qu'elle produit, que Mme C...a fait l'acquisition du bien immobilier en litige pour un prix de 52 000 euros. Elle produit également un avis notarié établi le 21 février 2018 et dont il ressort que le bien, si la maison était demeurée en bon état, aurait une valeur de 90 000 euros dont 5 000 euros de terrain. Une telle estimation ne permet toutefois pas de justifier de la valeur vénale du bien à la date du sinistre. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la perte de patrimoine subie par MmeC..., déduction faite de la valeur du terrain dont elle demeure propriétaire, en lui allouant à ce titre une indemnité de 47 000 euros.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du tableau d'amortissement du crédit contracté pour l'acquisition de son bien, que, depuis l'échéance du 25 mai 2008 jusqu'à celle du 25 juin 2019 incluse, Mme C...a dû rembourser à sa banque une somme totale de 27 564,07 euros au titre des intérêts d'emprunt. Selon ce même tableau d'amortissement et compte tenu de la valeur du capital correspondant au terrain nu, dont le prix est, ainsi qu'il a été dit précédemment, estimé à 5 000 euros, le montant des intérêts d'emprunt versés au titre du remboursement d'un montant de capital équivalant à ce seul prix d'acquisition du terrain nu, correspond à ceux versés entre le 25 mai 2008 et le 25 juillet 2012, d'un montant total de 11 695,52 euros. Dès lors, MmeC..., qui reste propriétaire du terrain nu, n'est fondée à demander la condamnation de la commune de Supt qu'au versement d'une somme de 15 868,55 euros, correspondant aux intérêts d'emprunt qu'elle a versés sur l'ensemble de la période, déduction faite des ceux qu'elle a versés pour rembourser le prix d'acquisition du terrain nu.

14. En dernier lieu, Mme C...justifie avoir versé au titre des frais d'acte et d'enregistrement ainsi que des taxes diverses la somme globale de 7 866,21 euros. Compte tenu des frais qu'elle aurait dû exposer pour l'acquisition d'un terrain nu et qui, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, sont en lien avec la faute de la commune, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à ce titre à Mme C...en en fixant le montant à 5 000 euros.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à demander, dans son appel incident, que l'indemnité de 20 000 euros qui lui a été allouée au titre de la perte de valeur vénale et des frais d'acquisition de son bien soit portée à 67 868,55 euros.

En ce qui concerne les travaux de rénovation :

16. D'une part, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 7, le fait que Mme C... ait entrepris des travaux de rénovation sur sa maison entre 2007 et 2008 ne saurait la priver de tout droit à être indemnisée dès lors que contrairement à ce que soutient la commune, elle ne pouvait être regardée comme ayant connaissance du risque que l'état de la propriété voisine faisait peser sur son immeuble. La commune n'est en conséquence pas fondée à contester sa condamnation par les premiers juges à indemniser Mme C...du montant des travaux de rénovation qu'elle a inutilement entrepris.

17. Si, d'autre part, Mme C...soutient, dans son appel incident, que l'indemnité de 12 802,79 euros que lui ont allouée les premiers juges serait insuffisante, les factures et listes manuscrites de fournitures qu'elle produit à concurrence d'une somme de 3 001,53 euros ne suffisent pas à établir la réalité et le lien de ces dépenses avec les travaux de rénovation entrepris au cours de cette période.

En ce qui concerne le préjudice moral :

18. Il résulte de l'instruction que Mme C...a, d'une part, été privée de la jouissance de sa maison d'habitation sans jamais se voir proposer de la commune de Supt une solution d'hébergement satisfaisant au moment où cette dernière devait se substituer aux propriétaires défaillants, d'autre part, a constaté que l'abstention durable du maire de la commune a conduit au délabrement irrémédiable de son bien immobilier au point de rendre nécessaire sa démolition. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en portant l'indemnité de 5000 euros allouée par les premiers juges à la somme de 10 000 euros.

19. Il résulte de tout ce qui précède et notamment des points 9, 10, 15, 17 et 18, que Mme C... est seulement fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Supt soit portée à la somme de 155 054,41 euros.

Sur les conclusions de la requête n° 18NC01918 :

20. Le présent arrêt statue sur les conclusions présentées par la commune de Supt tendant à l'annulation du jugement n° 1601580 du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Besançon. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC01918 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais d'instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Supt demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Supt le versement à Mme C...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions indémnitaires de Mme C...en tant que leur montant excède celui de ses conclusions indemnitaires de première instance et de ses conclusions tendant à ce que les condamnations indemnitaires prononcées portent intérêts à compter de la date du présent arrêt.

Article 2 : La somme de 127 985,86 euros que la commune de Supt a été condamnée à verser à Mme C... par l'article 1er du jugement n°1601580 du tribunal administratif de Besançon est portée à 155 054,41 euros.

Article 3 : Le jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC01918 à fin de sursis à exécution.

Article 5 : La commune de Supt versera une somme de 1 500 euros à Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18NC01916 de la commune de Supt et le surplus des conclusions de Mme C...sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Supt et à Mme F...C....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président de chambre,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Di Candia, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : O. Di Candia Le président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

Nos18NC01916, 18NC01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01916-18NC001918
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Immeubles menaçant ruine - Charge des travaux et responsabilité.

Police - Police générale - Sécurité publique.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Police municipale - Police de la sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SELARL PARAISO MAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc01916.18nc001918 ?
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