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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC02007

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC02007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803323 du 3 juillet 2018, le magistrat dé

signé par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803323 du 3 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que la décision notifiée ainsi que la minute ne sont pas signées par le président de la formation de jugement et le rapporteur, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le signataire de l'arrêté contesté est incompétent ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il établit la communauté de vie qu'il forme avec sa compagne ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.F..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1979, est entré irrégulièrement en France le 15 février 2015 afin d'y solliciter l'asile. Après le rejet de sa demande d'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 septembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 24 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 2 mai 2018, refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. F...relève appel du jugement du 3 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci, rendu par un magistrat statuant seul, comporte la signature de ce dernier et celle du greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.741-7 du code de justice administrative présente, par suite, un caractère inopérant. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée à M. F... dans les conditions prévues aux articles R.751-1 à R.751-3 du code de justice administrative, ne comporte pas ces signatures est également sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

3. Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 2 mai 2018, le premier juge s'est fondé, au point 2 du jugement attaqué, sur les dispositions de l'arrêté de délégation de signature du 18 octobre 2017 produit en défense par le préfet du Bas-Rhin. M. F...reprend textuellement en appel ce moyen sans produire aucun élément de fait ou de droit nouveau. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

5. En premier lieu, il est constant que M. F...s'est vu refuser le statut de réfugié, en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile qui, à la date de l'arrêté attaqué était devenue définitive. Il ne conteste pas qu'il ne pouvait donc se voir délivrer une carte de résident en qualité de réfugié sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour le même motif, il se trouvait dans l'un des cas où, en application des dispositions du 6° précité du I de l'article L. 511-1 du même code, il pouvait faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. F... se prévaut de la naissance en France de sa fille, la jeune B...C..., née d'une précédente relation avec MmeC..., une compatriote, ainsi que de la relation amoureuse qu'il entretient désormais avec Mme A...E..., ressortissante de République du Congo qui vit régulièrement sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré en France en 2015, à l'âge de 36 ans, après avoir passé la majeure partie de sa vie en République démocratique du Congo, où résident, selon les propres indications de l'intéressé lors du dépôt de sa demande d'asile en 2015, ses trois premiers enfants, nés entre 2000 et 2004. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise.

8. En troisième lieu, si le requérant qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardé, en se prévalant néanmoins de ces dispositions, comme soutenant qu'il se trouve dans le cas de délivrance de plein droit d'une carte de séjour et ne peut ainsi faire légalement l'objet d'une mesure d'éloignement, il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus, que sa situation personnelle et familiale ne répond pas aux conditions énoncées par ces dispositions.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Si M. F... soutient qu'en raison de lésions anales, il entrerait dans le champ de ces dispositions, il ne produit à cet effet que des documents médicaux établis en 2015 ou des documents plus récents rédigés en des termes généraux et reposant sur les éléments décrits par l'intéressé. Dès lors, ces éléments ne suffisent pas à établir que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo.

10. En dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles évoquées aux points 7 à 9, M. F... n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Il ressort des pièces du dossier que M. F...était, à la date de la décision contestée, déjà séparé de la jeuneB..., dont la mère, avec laquelle celle-ci vivait, avait formé une demande de titre de séjour en cours d'instruction. En outre, il n'établit pas contribuer à son entretien et à son éducation ni même entretenir avec elle des contacts réguliers. Dès lors, cette décision n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En second lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Elles ne peuvent donc utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision fixant le pays de destination.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC02007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC02007
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BURKATZKI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc02007 ?
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