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28/05/2019 | FRANCE | N°18NC01650

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18NC01650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1706749 du 15 février 2018, le président désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 4 juin 2018, M.B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1706749 du 15 février 2018, le président désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018, M.B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706749 du président désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 15 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la même décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant albanais né le 4 août 1998, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 31 janvier 2017, accompagné de ses parents et de sa soeur mineure, afin d'y solliciter l'asile. Le 11 avril 2017, il a sollicité sur le territoire français la reconnaissance du statut de réfugié. Après le rejet de cette demande d'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2017, confirmée le 21 novembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet du Haut-Rhin, au visa du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le président désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure, qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 14 décembre 2017 à laquelle le préfet du Haut-Rhin a pris à l'encontre de M. B...une décision l'obligeant à quitter le territoire français, sa soeur mineure disposait d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la CNDA statue sur sa demande d'asile. Cette circonstance a d'ailleurs justifié l'annulation, par le tribunal administratif de Strasbourg, des arrêtés pris le même jour par le préfet du Haut-Rhin à l'encontre des parents de M. B... les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Dans les circonstances particulières de l'espèce, alors même que le requérant était majeur à la date de la décision attaquée, la situation de ses parents et de sa soeur, dont le sort a jusqu'alors été associé au sien, faisait obstacle à ce que le préfet du Haut-Rhin prenne à l'encontre de M. B...une mesure d'éloignement avant que la CNDA ait définitivement statué sur la demande d'admission au titre de l'asile de sa soeur. M. B...est ainsi fondé à soutenir, pour la première fois en appel, qu'à la date à laquelle elle a été prise, la décision d'éloignement prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

5. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de justice administrative : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". Eu égard à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M.B..., il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatakakis de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1706749 du président désigné du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 14 décembre 2017 pris par le préfet du Haut-Rhin à l'encontre de M. B...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sabatakakis, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC01650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01650
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-28;18nc01650 ?
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