Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pendant une durée d'un an à compter de la notification de cette décision.
Par un jugement n° 1800461 du 20 mars 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2018, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de ce réexamen et de retirer le signalement aux fins de non admission dans le système Schengen dont il a fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet de la Moselle n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général de droit de l'Union européenne ;
- le préfet de la Moselle a estimé à tort qu'il était en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet de la Moselle n'a pas tenu compte de l'ensemble des critères posés par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Moselle a estimé à tort qu'il était en situation de compétence liée ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la précédente décision ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant serbe né le 17 janvier 1987, a déclaré être entré pour la dernière fois en France en février 2015. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 septembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 février 2016. Il a été interpellé par les services de police le 14 février 2018. Par un arrêté du 14 février 2018, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire français pendant une durée d'un an à compter de la notification de cette décision. Le requérant relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...avant de prendre à son encontre la décision attaquée.
4. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
5. La décision contestée a été prise après le prononcé de la décision du 15 février 2016 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a refusé d'octroyer la qualité de réfugié à M.A.... Ainsi, le requérant a pu faire valoir devant cette instance, les raisons pour lesquelles il sollicitait l'asile et il lui appartenait de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite du rejet de leur demande d'asile, tout élément utile relatif à sa situation. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision contestée, M. A...a été entendu par les services de police qui l'ont invité à formuler des observations dans l'hypothèse où le préfet de la Moselle déciderait d'une mesure d'éloignement à son encontre, notamment vers son pays d'origine. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru tenu d'édicter la décision contestée.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. M. A...soutient qu'il vit avec une ressortissante de nationalité française, qui serait enceinte et que son frère réside sur le territoire français. Toutefois, le requérant, qui au demeurant a déclaré lors de son audition par les services de police le 14 février 2018 que sa concubine vivrait à Bar-le-Duc et qui verse au dossier une attestation du 21 février 2018 indiquant qu'il est hébergé depuis le 31 janvier 2017 au sein du foyer de l'association pour l'Accompagnement, le Mieux-être et le Logement des Isolés de Metz, ne produit aucun document pour attester de la réalité de la communauté de vie alléguée, ni de l'état de grossesse de la personne qu'il présente comme étant sa concubine. Par ailleurs, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, puisqu'il a déclaré, lors de son audition, que ses parents y vivaient. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A...doit être écarté.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.
10. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification (...) Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) " ;
11. La décision en litige a été prise en considération de la durée de la présence de M. A... sur le territoire français, de ses attaches privées et familiales en France et des circonstances qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2014 et qu'il a été condamné par le tribunal de grande instance de Metz le 5 février 2016 pour menaces de mort réitérées et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de la Moselle en ne tenant pas compte de l'ensemble de ces critères ne peut qu'être écarté.
17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru tenu d'édicter la décision contestée.
18. En quatrième lieu, pour les motifs exposés aux points 2 à 8, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français doit être écarté.
19. En cinquième lieu, pour les motifs exposés au point 8, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Aucune circonstance humanitaire ne s'opposait à ce qu'il fasse l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
2
N° 18NC02809