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09/05/2019 | FRANCE | N°17NC02859

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 17NC02859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1500309 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, M. E...représenté par Me C... à la

suite du dépôt de mandat de MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500309 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1500309 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2017, M. E...représenté par Me C... à la suite du dépôt de mandat de MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500309 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de vérification de comptabilité de la société civile (SC) Orny est irrégulière et, par conséquent, les renseignements obtenus lors de ce contrôle ne pouvaient être utilisés par l'administration pour fonder les rappels en litige ;

- s'agissant de l'imposition de la somme de 228 131 euros effectuée au titre de 2011, la proposition de rectification du 19 décembre 2013 n'indique pas la procédure mise en oeuvre pour obtenir les renseignements ayant servi à fonder le rappel en cause et la nature du document, c'est à dire le support de l'information, alors que ces indications sont prévues par les énonciations du paragraphe 280 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RSA-BASE-BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 ;

- la somme de 128 131 euros correspond, en réalité, à celle de 130 000 euros que la SC Orny lui a virée en 2008 pour rembourser partiellement un prêt qu'il lui avait consenti pour un montant de 190 561 euros ; ce remboursement n'a été comptabilisé qu'en 2011 ; le rappel est prescrit et le remboursement d'un prêt ne saurait être imposable ;

- s'agissant des crédits bancaires inscrits les 22 janvier, 17 février et 25 mai 2010 pour un total de 25 000 euros, ils correspondent à des avances de trésorerie consenties par M. F... qui est son ami et son associé dans plusieurs sociétés ; il a pu établir qu'il a remboursé 20 000 euros à M. F...;

- le virement de 8 000 euros effectué par la société CIR LUX correspond à une avance de trésorerie consentie par cette société ; il a remboursé cette somme le 5 mai 2012 ;

- les virements effectués par M. F...sur son compte bancaire en 2011, pour un total de 8 000 euros, sont des sommes reçues à titre privé et ne sont, par conséquent, pas imposables ;

- le virement de 40 000 euros effectué le 6 décembre 2011 en provenance d'un compte ouvert à l'étranger a été effectué par Mme D...qui était sa concubine ; par conséquent, la présomption de prêt s'applique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à un non lieu à statuer partiel et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public

Considérant ce qui suit :

1. M. E...a fait l'objet en 2013 d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, portant sur les années 2010 et 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration, qui a effectué des rectifications en suivant la procédure contradictoire à l'exception des revenus d'origine indéterminée, a notamment mis en recouvrement le 31 juillet 2014 des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales. M. E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de ces rappels. Par un jugement rendu le 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. M. E...relève appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 19 janvier 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé, au bénéfice de M.E..., des dégrèvements des contributions sociales à concurrence de 3 341 euros au titre de l'année 2010 et de 1 780 euros au titre de l'année 2011. Les conclusions de la requête de M. E...sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

4. En premier lieu, M. E...soutient que la procédure de vérification de comptabilité de la SC Orny est irrégulière et que, par conséquent, les renseignements obtenus lors de ce contrôle ne pouvaient être utilisés par l'administration pour fonder les rappels en litige, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. A supposer même que la vérification de comptabilité de la SC Orny soit, comme le prétend le requérant, irrégulière, ces irrégularités entachant la procédure de contrôle et de rectification dirigée contre cette société, dont il est constant qu'elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés et relevait donc du régime fiscal des sociétés de capitaux, sont, en vertu du principe d'indépendance des procédures d'imposition, sans incidence sur les impositions personnelles établies au nom de M.E.... En outre, lesdites impositions ont pu régulièrement être établies notamment à partir de constatations faites par l'administration au cours de la vérification de comptabilité de cette société dès lors que les dispositions précitées ne s'opposent pas à l'utilisation de ces constatations pour fonder les rappels litigieux. Par suite le moyen soulevé par le requérant doit être écarté comme inopérant.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans le revenu imposable de l'année 2011 de M. E...la somme de 228 131 euros correspondant au solde débiteur de son compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la SC Orny après prise en compte de trois mouvements bancaires qui auraient dû être imputés sur ce compte de tiers. Le requérant soutient que l'administration n'a pas indiqué la procédure que l'administration a mise en oeuvre pour obtenir les renseignements ayant servi à fonder le rappel en cause, ni la nature du document, c'est à dire le support de l'information qu'elle a obtenu. Un tel moyen doit, en tout état de cause, être écarté, dès lors que la proposition de rectification du 19 décembre 2013 indique que le chef de redressement en litige résulte des informations recueillies dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SC Orny, et en particulier de l'examen de ses documents comptables et des relevés de son compte bancaire ouvert à l'agence du Crédit Mutuel de Terville, et qu'il résulte de l'instruction que le requérant a, par ailleurs, communiqué le 17 septembre 2013 à l'administration un document bancaire mentionnant les trois virements ayant servi à reconstituer le solde débiteur de son compte courant d'associé. M. E...ne peut, enfin, se prévaloir des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-RSA-BASE-BOI-CF-PGR-30-10 du 12 septembre 2012 sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales qui ne sont pas applicables en matière de procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels d'impôt :

S'agissant du solde débiteur du compte courant d'associé de M. E...ouvert dans les comptes de la SC Orny :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". En application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts.

7. Le solde débiteur du compte courant d'associé de M. E...ouvert dans les écritures de la SC Orny était débiteur de 228 131 euros, ainsi qu'il vient d'être dit. Une fraction de ce solde, soit 118 131 euros, a été imposée au titre de l'année 2011 sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts. M. E...soutient que ce montant correspondrait, en réalité, à une somme de 130 000 euros que la SC Orny lui aurait virée en 2008 pour rembourser partiellement un prêt qu'il lui aurait consenti pour un montant de 190 561 euros et que ce remboursement n'a été comptabilisé qu'en 2011. Toutefois, la seule production du grand-livre de la SC Orny, faisant état d'un débit le 1er janvier 2011 du compte 467 " autres comptes débiteurs ou créditeurs " ouvert au nom de M. E...par un crédit d'un même montant au compte 508 " autres valeurs mobilières de placement et autres créances assimilées " pour un montant de 130 000 euros ne saurait à elle seule établir la réalité des allégations du requérant. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme précitée dans le revenu imposable de l'année 2011 de M.E....

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

9. M. E...soutient que l'imposition de la somme de 118 131 euros serait, en tout état de cause, effectuée au-delà du délai de reprise au motif que cette somme s'élèverait, en réalité, à 130 000 euros et qu'elle lui aurait été versée par la SC Orny en 2008. Ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, le solde du compte courant d'associé de M. E...était débiteur de 218 131 euros, ce solde comprend le montant en litige de 118 131 euros imposé au titre de l'année 2011 et les affirmations contraires du requérant ne sont pas établies. Il ressort des pièces du dossier que la proposition de rectification du 19 décembre 2013 lui a été notifiée le lendemain. Dès lors, M. E...n'est pas fondé à soutenir que l'imposition en litige serait prescrite.

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors que la procédure de taxation d'office a été mise en oeuvre, il incombe à M. E...d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 dans le cadre de cette procédure.

11. En premier lieu, M. E...soutient que les trois versements effectués en espèces sur son compte bancaire entre le 22 janvier et le 25 mai 2010, pour un total de 25 000 euros, correspondent à des avances de trésorerie consenties par M. F...qui est son ami et son associé dans plusieurs sociétés et qu'il a pu établir avoir remboursé 20 000 euros à M.F.... Cependant, le requérant, qui supporte la charge de la preuve, ainsi qu'il vient d'être dit, n'apporte aucun justificatif à l'appui de ses allégations. Par suite, c'est à bon droit que la somme de 25 000 euros a été réintégrée dans son revenu imposable de l'année 2010.

12. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir que le virement de 8 000 euros effectué à son profit par la société CIR LUX le 6 avril 2010 correspondrait à une avance de trésorerie consentie par cette société qu'il aurait remboursée le 5 mai 2012, le requérant, qui ne produit aucun justificatif à l'appui de ses affirmations, n'apporte pas la preuve du caractère non imposable de cette somme de 8 000 euros ;

13. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que les virements effectués par M. F... à son profit en 2011, pour un total de 8 000 euros, sont des " sommes d'origine privée ", M. E...n'établit pas que lesdites sommes ne sont pas imposables. Par suite, ce moyen, sur lequel, contrairement à ce que prétend le requérant, le tribunal s'est effectivement prononcé, ne peut qu'être écarté.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " les sommes (...) en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés (...) constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ".

15. Il résulte de l'instruction qu'une somme de 40 000 euros a été créditée sur l'un des comptes bancaires de M. E...le 6 décembre 2011 et qu'elle provenait d'un virement effectué à partir d'un compte bancaire détenu par le requérant au Luxembourg et qui n'avait pas été déclaré à l'administration fiscale. Si M. E...soutient qu'il s'agirait d'un prêt consenti par sa concubine de l'époque qui aurait été cotitulaire du compte ouvert au Luxembourg, il n'apporte aucune justification à l'appui de telles affirmations. Dans ces conditions, le requérant ne parvient pas à faire échec à la présomption de caractère imposable des sommes visées par les dispositions précitées et c'est à bon droit que la somme de 40 000 euros a été intégrée dans son revenu imposable de l'année 2011.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de M. E...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la requête de M. E...à concurrence des dégrèvements susmentionnés prononcés à hauteur de 3 341 euros au titre de l'année 2010 et de 1 780 euros au titre de l'année 2011.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

7

N° 17NC02859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02859
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-09;17nc02859 ?
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