La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2019 | FRANCE | N°17NC02101

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17NC02101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601860 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémo

ires, respectivement enregistrés les 18 août 2017, 9 mai 2018 et 15 juin 2018, M. et MmeB..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601860 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés les 18 août 2017, 9 mai 2018 et 15 juin 2018, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601860 du tribunal administratif de Nancy du 20 juin 2017 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise sur la question de savoir si la somme de 552 589 euros a été payée avant d'être affectée à la prime de conversion ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- si les intérêts courus, échus et capitalisés sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers lorsqu'ils sont payés sous forme de prime de remboursement, tel n'est pas le cas lorsqu'ils ont été imputés sur la prime de conversion, faute de versement, ce qui est le cas en l'espèce, conformément au paragraphe 5.1.4 des termes et conditions des obligations convertibles émises par IPS Management le 31 mai 2010 ; ces intérêts relèvent du régime des plus-values et c'est la raison pour laquelle le paragraphe 210 du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20 du 31 octobre 2012 énonce que le régime de sursis d'imposition s'applique aux opérations de conversion ou d'échange d'obligations en actions prévues au contrat d'émission des obligations convertibles ou échangeables réalisées conformément aux articles L. 228-91 et suivants du code de commerce ; aucune irrégularité comptable n'a été commise par la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) IHS Project ; ainsi, M. B...n'a pas eu la disposition de la somme de 552 589 euros affectée au paiement de la prime de conversion ;

- le paragraphe 5.1.3 des termes et conditions des obligations convertibles émises par IPS Management le 31 mai 2010 dispose que chaque droit de conversion donne le droit de souscrire à une nouvelle action nouvelle, de telle sorte qu'en cas de conversion, la SASU IHS Project contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne qui est, par conséquent, éteinte ; dans cette hypothèse, la dette obligataire, contractée par la SASU IHS Project s'éteint par la novation ;

- en tout état de cause, les intérêts capitalisés n'étaient exigibles qu'à compter du 31 mai 2018, en application du paragraphe 4.1.1 des termes et conditions des obligations convertibles émises par IPS Management le 31 mai 2010 ;

- la mauvaise foi de M. B...n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dhers,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeB....soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 mai 2010, M.B..., associé et dirigeant de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) IPS Management devenue IHS Project, a apporté à cette société 9 682 00 actions qu'il détenait dans le capital de la société par actions simplifiée (SAS) IPS. En contrepartie de cet apport, il a reçu 6 826 723 obligations convertibles en actions, portant intérêts capitalisables, et 9 193 889 actions de la SASU IHS Project. Le 8 janvier 2013, M. B...a converti en actions de la SASU IHS Project les 5 424 359 obligations convertibles qu'il détenait encore à cette date. Les intérêts courus, échus et capitalisés, qui s'élevaient à 552 589 euros, ont été directement imputés, dans la comptabilité de la SASU IHS Project, au crédit du compte 1044 " primes de conversion d'obligations en actions ". Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, effectué en application de la procédure contradictoire, l'administration a estimé que M. et Mme B...avaient eu la disposition de cette somme et a procédé à des rappels d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de l'année 2013. M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy la décharge de ces rappels. Par un jugement rendu le 20 juin 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 118 du même code : " Sont considérés comme revenus au sens des présentes dispositions : 1° Les intérêts, arrérages et tous autres produits des obligations, titres participatifs, effets publics et tous autres titres d'emprunt négociables émis par (...) les sociétés, compagnies et entreprises quelconques, financières, industrielles, commerciales ou civiles françaises (...) ". Les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 212-1-A du code monétaire et financier : " Les titres de capital émis par les sociétés par actions comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital (...) ". Aux termes de l'article L. 228-91 du code de commerce : " Les sociétés par actions peuvent émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital (...) ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 3.3.1 du document intitulé " Termes et conditions des obligations convertibles émises par IPS Management le 31 mai 2010 ", rédigé par la SASU IHS Project, que les obligations convertibles en action portaient intérêts avec capitalisation dans les conditions alors prévues par l'article 1154 du code civil. Ce document définissait les modalités de conversion ou de remboursement des obligations. Le 8 janvier 2013, date à laquelle M. B...a converti en actions les 5 424 359 obligations convertibles qu'il détenait, les intérêts courus, échus et capitalisés générés par ces obligations, qui s'élevaient à un montant total de 552 589 euros, ont été débités des comptes 161 " emprunts obligataires convertibles " et 661 " charges d'intérêts " pour être directement crédités au compte 1044 " primes de conversion d'obligations en actions " pour paiement de la prime de conversion due par M.B..., conformément aux prescriptions de l'article 5.1.4 du document précité.

5. En premier lieu, s'il est vrai que cette somme de 552 589 euros n'a pas été décaissée par la SASU IHS Project au profit de M. B...ni temporairement inscrite à un compte de tiers pour matérialiser la dette due par cette société envers le requérant, ce dernier doit cependant être regardé comme en ayant eu la disposition, dès lors qu'il est constant qu'il a, de son propre chef, décidé d'opter pour la conversion des obligations qu'il détenait en actions de la SASU IHS Project et a, ce faisant, affecté la somme litigieuse au paiement de la prime de conversion dont il devenait débiteur envers la SASU IHS Project. Par suite, pour ce seul motif, et sans que M. et Mme B...puissent utilement faire valoir que l'opération s'analyserait en une novation ou que les intérêts capitalisés n'étaient remboursables qu'à compter du 31 mai 2018, en application du paragraphe 4.1.1 du document du 31 mai 2010 qui ne concerne pas les porteurs ayant opté pour la conversion des obligations, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les requérants avaient eu la disposition de la somme litigieuse en 2013 et que celle-ci était imposable au titre de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

6. En second lieu, aux termes de l'article 150-0-A du code général des impôts : " I-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 B du même code : " (...) les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Ces dispositions s'appliquent aux opérations d'échange ou d'apport de titres mentionnées au premier alinéa réalisées en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ainsi qu'aux opérations, autres que les opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, pour lesquelles le dépositaire des titres échangés est établi en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (...) Les échanges avec soulte demeurent ...soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus" ; que le 1 de l'article 150-0 D du même code dispose que : " Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ".

7. Il résulte des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts que le régime du sursis d'imposition qu'elles instituent ne concerne que les gains correspondant aux plus-values réalisées le cas échéant lors de la conversion des obligations en actions. Par conséquent, ce régime ne s'applique pas aux intérêts, y compris ceux qui sont capitalisés, qui sont générés par les obligations convertibles en actions reçues en contrepartie d'un apport d'actions d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et sont des produits de placement à revenu fixe imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers. Par suite, le moyen tiré de ce que les intérêts capitalisés dus par la SASU IHS Project à M. B...bénéficieraient du sursis d'imposition prévu par les dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. M. et Mme B...se prévalent du paragraphe 210 du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20 du 31 octobre 2012 qui énonce que " le régime de sursis d'imposition s'applique aux opérations de conversion ou d'échange d'obligations en actions prévues au contrat d'émission des obligations convertibles ou échangeables réalisées conformément aux articles L. 228-91 et suivants du code de commerce ". Ces énonciations ne comportent pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

10. En faisant valoir que M.B..., en tant qu'apporteur principal de l'opération, associé unique et dirigeant de la SASU IHS Project ainsi qu'investisseur averti, ne pouvait ignorer que les charges financières supportées par cette société constituaient nécessairement un revenu imposable, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant l'intention du requérant d'éluder l'impôt. Par suite, les conclusions de M. et Mme B...tendant à la décharge de la pénalité de 40 % dont ont été assortis les rappels litigieux doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin de décharge ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC02101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02101
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE GEGOUT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-11;17nc02101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award