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26/03/2019 | FRANCE | N°17NC00082

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 mars 2019, 17NC00082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402418 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 juin 2018, M. et

Mme C...D..., représentés par Me B...puis par MeA..., demandent à la cour dans le dernier état de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1402418 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 juin 2018, M. et Mme C...D..., représentés par Me B...puis par MeA..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 avril 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges auraient dû surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal saisi de la contestation sur la validité des attestations utilisées par l'administration pour fonder les rectifications en litige ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse à la demande de sursis à statuer ;

- l'imposition a été établie à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration n'a pas respecté le principe de la loyauté des débats et de la preuve ;

- en refusant de communiquer le courrier adressé à EDF dans le cadre de son droit de communication, l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges n'ont pas respecté le principe de dévolution de la charge de la preuve en l'imposant exclusivement au contribuable ;

- en l'espèce, le fait générateur de la réduction d'impôt ne pouvait être regardé comme conditionné par la délivrance de l'attestation Consuel ;

- ils pouvaient prétendre au bénéfice de la réduction d'impôts dès lors qu'ils ont déposé une demande de raccordement complète auprès d'EDF en 2010 et que la société Sun Hedios était en mesure de raccorder les installations en 2010.

Par des mémoires, enregistrés le 23 mai 2017 et le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeD..., associés d'une société en participation, la société Sun Hedios, ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés dans l'île de La Réunion par ladite société, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. L'administration fiscale a remis en cause cette réduction d'impôt opérée au titre de l'année 2010, au motif que les investissements réalisés n'étaient pas éligibles au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, en l'absence de raccordement des centrales photovoltaïques au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010. M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. et Mme D...avaient demandé au tribunal administratif de surseoir à statuer sur leur demande, dans l'attente du jugement pénal à intervenir sur la plainte pour faux et usage de faux déposée en 2014 par la société Hedios Patrimoine aux fins de faire reconnaître le caractère factice de plusieurs documents, dont l'attestation délivrée par EDF au vu de laquelle l'administration se serait fondée pour justifier les redressements litigieux.

3. S'ils reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à cette demande, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait en l'espèce au juge de l'impôt de surseoir à statuer dans l'attente de la procédure pénale initiée par la société Hedios Patrimoine. Notamment, si les dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer au juge de l'impôt de surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement pénal statuant sur la validité de documents utilisés par l'administration fiscale pour fonder une procédure d'imposition. Par ailleurs, dans la mesure notamment où, ainsi qu'il sera précisé aux points 12 à 14, la solution du litige ne dépend pas de la pièce arguée de faux par les requérants, les premiers juges n'étaient pas tenus de faire droit à la demande de sursis à statuer et ont pu rejeter la demande de sursis des intéressés sans entacher d'irrégularité leur jugement.

4. De plus et en tout état de cause, les requérants n'établissent pas qu'en refusant de faire droit à la demande de sursis à statuer les premiers juges auraient méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils n'apportent, au demeurant, pas d'éléments sur les suites données par le juge pénal à la plainte qui a été déposée et dont ils se prévalent.

5. Enfin, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de motiver les raisons pour lesquelles ils ne sursoyaient pas à statuer, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.

6. En second lieu, une erreur des premiers juges sur la dévolution de la charge de la preuve est sans incidence sur la régularité du jugement et serait uniquement susceptible d'en affecter le bien-fondé.

Sur la régularité de la procédure :

7. En application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable, dont elle envisage soit de rehausser soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation s'impose à l'administration pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

8. La proposition de rectification du 13 mai 2013 adressée aux requérants mentionne que l'exercice du droit de communication auprès de la société Electricité de France (EDF) a permis d'établir que les centrales photovoltaïques acquises par la société Sun Hedios 121 dans laquelle les requérants avaient investi, n'étaient pas reliées au réseau le 31 décembre 2010, que le dossier de demande de raccordement n'avait pas été déposé à cette même date et que la certification par le comité national de la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) de l'achèvement et de l'état de fonctionnement des installations n'était pas satisfaite. Pour ces motifs l'administration a indiqué remettre en cause la réduction d'impôt demandée par M. et MmeD.... L'administration a annexé les documents obtenus auprès d'EDF à la proposition de rectification.

9. Il résulte de ces mentions que l'administration a informé les requérants de la teneur et de l'origine des informations obtenues grâce au droit de communication exercé auprès d'EDF. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté des débats et des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Notamment, si M. et Mme D...indiquent que l'administration ne leur a pas communiqué le document qu'elle avait envoyé à EDF pour exercer son droit de communication, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales impose uniquement à l'administration d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers utilisés pour fonder les impositions et n'obligeait ainsi pas l'administration à communiquer aux requérants ledit document.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements. Productifs (...) /. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au même code prévoit que : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " et l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus et, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date.

12. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, si un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

13. En l'espèce, à supposer même que des demandes de raccordement complètes aient été adressées à la société EDF dès le mois de novembre 2010, il est constant qu'à la date du 31 décembre 2010, les installations en litige, dont il n'est pas contesté que la production d'électricité avait vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi pas débuter. Au surplus, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que les requérants n'étaient pas titulaires de l'attestation Consuel nécessaire pour le raccordement au réseau. Par suite, les investissements en cause n'étaient pas éligibles au titre de l'année 2010 à la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC00082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00082
Date de la décision : 26/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : BAUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-26;17nc00082 ?
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