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05/03/2019 | FRANCE | N°17NC01047

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17NC01047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme A...D...épouseB..., M. F...B...et M. E... B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser, respectivement, les sommes de 510 717,42 euros, 24 378,20 euros, 7 557,43 euros et 9 041,60 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge défectueuse de M. C... B...par l'hôpital d'instruction des armées Legouest au cours du mois de juin 2011.

Par un jugement n° 1305600 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a li

mité le montant des indemnités mises à la charge de l'Etat aux sommes de 56 06...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B..., Mme A...D...épouseB..., M. F...B...et M. E... B...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser, respectivement, les sommes de 510 717,42 euros, 24 378,20 euros, 7 557,43 euros et 9 041,60 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge défectueuse de M. C... B...par l'hôpital d'instruction des armées Legouest au cours du mois de juin 2011.

Par un jugement n° 1305600 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant des indemnités mises à la charge de l'Etat aux sommes de 56 062,72 euros pour M. C...B..., 7 500 euros pour Mme A...B...et 1 000 euros pour chacun de leurs deux fils.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 8 janvier 2018, M. C... B..., Mme A... D...épouseB..., M. F...B...et M. E... B..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mars 2017 en ce qu'il a limité le montant des réparations allouées aux sommes, respectivement, de 56 062,72 euros, 7 500 euros, 1 000 euros et 1 000 euros ;

2°) de porter le montant des réparations mises à la charge de l'Etat aux sommes de 590 619,18 euros pour M. C...B..., 24 378,20 euros pour Mme A...B..., 7 557,43 euros pour M. F...B...et 9 041,60 euros pour M. E...B..., ces sommes étant assorties des intérêts ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun aux caisses d'assurance maladie ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le défaut d'information sur le risque d'infection nosocomiale présente un caractère fautif et justifie la réparation du préjudice d'impréparation subi par M. B...pour un montant de 10 000 euros ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement du deuxième alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que M. B...a été victime d'une infection nosocomiale lors de sa prise en charge par l'hôpital d'instruction des armées Legouest au cours du mois de juin 2011 ;

- cette infection est à l'origine d'un arrêt de travail d'une durée de six mois et dix-sept jours pendant laquelle il a subi des pertes de revenus pour un montant total de 7 041,05 euros ;

- M. B...a eu besoin d'une assistance par une tierce personne pendant 231 jours, jusqu'à sa consolidation intervenue le 27 avril 2012, qui doit être évaluée sur la base d'un coût horaire de 20 euros à raison de deux heures par jour en intégrant les congés payés ;

- le coût de cette assistance s'établit à 10 455,12 euros ;

- M. B...justifie de frais de déplacement en lien avec son infection, pour un montant de 1 375,55 euros ;

- la location d'un téléviseur lors des périodes d'hospitalisation et les frais d'impression du dossier médical justifient l'allocation d'une indemnité d'un montant total de 356,54 euros ;

- le handicap dont M. B...reste atteint à la suite de son infection a une incidence professionnelle qui doit évaluée à la somme de 50 000 euros ;

- les frais d'aménagement du domicile s'établissent à la somme de 10 197,47 euros ;

- l'intéressé nécessite l'assistance d'une tierce personne de façon permanente dans les tâches quotidiennes et afin d'assurer son transport entre le domicile et le lieu de travail, qui justifie l'allocation d'une indemnité d'un montant de 389 238,95 euros ;

- il a subi un déficit fonctionnel temporaire qui doit être évalué à 4 954,50 euros ;

- les souffrances endurées à raison de l'infection et de ses suites doivent être réparées par l'allocation d'une indemnité de 15 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire et le préjudice sexuel temporaire s'établissent, respectivement, à 3 000 euros et à 5 000 euros ;

- les séquelles physiques et psychologiques dont M. B...reste atteint justifient la fixation de son déficit fonctionnel permanent à 20 % et le versement d'une indemnité d'un montant de 40 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel permanent subis par l'intéressé doivent être évalués, respectivement, à 4 000 euros, 30 000 euros et 10 000 euros ;

- les frais de déplacement engagés par Mme B...s'établissent à 4 378,20 euros ;

- le préjudice moral et le préjudice sexuel subis par l'intéressée doivent être évalués chacun à la somme de 10 000 euros ;

- les deux fils de M. B...justifient de frais de déplacement évalués à 2 557,43 euros pour l'aîné et à 4 041,60 euros pour le cadet ;

- leur préjudice moral doit être réparé par l'allocation à chacun d'une indemnité de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2017, le ministre des armées conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle et la caisse de sécurité sociale allemande Allegemeine Ortskrankenkasse (AOK) Saarland, auxquelles les pièces de la procédure ont été communiquées, n'ont pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...B..., né le 6 octobre 1962, a présenté en 1999 une leucémie aiguë lymphoblastique qui a rendu nécessaire un traitement lourd associant une corticothérapie et un immunosuppresseur. Ce traitement a eu pour effet secondaire une ostéonécrose aseptique diffuse de l'ensemble du squelette et, en particulier, des membres inférieurs. M. B...a été pris en charge par l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Legouest, situé à Metz, où il a fait l'objet, le 2 juin 2011, d'une intervention chirurgicale pour la mise en place d'une prothèse totale du genou droit. Dans les suites de cette opération, l'intéressé a présenté une infection par le staphylocoque aureus metis, pour le traitement de laquelle il a bénéficié d'un traitement antibiothérapeutique et a fait l'objet de plusieurs interventions chirurgicales à l'HIA Legouest et au centre chirurgical Emile Gallé de Nancy. Estimant avoir fait l'objet d'une prise en charge défectueuse, M. B...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Lorraine le 4 avril 2012. Au vu du rapport d'expertise déposé le 27 novembre 2012, cette commission a rejeté la demande de l'intéressé par un avis du 11 février 2013, au motif que son taux d'incapacité était inférieur à 24 %. M.B..., son épouse et ses deux fils ont alors recherché la responsabilité de l'Etat dont dépend l'HIA Legouest, dépourvu de la personnalité morale, devant le tribunal administratif de Strasbourg, en sollicitant la réparation de leurs préjudices pour un montant total de 551 694,65 euros. Par un jugement du 9 mars 2017 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif a limité le montant des réparations aux sommes de 56 062,72 euros pour M.B..., 7 500 euros pour son épouse et 1 000 euros pour chacun de ses deux fils.

Sur la déclaration de jugement commun :

2. Seuls peuvent se voir déclarer communs une décision rendue par une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, en outre, ledit jugement pourrait préjudicier dans les conditions ouvrant droit de former tierce opposition à cette décision. La juridiction serait compétente pour connaître du litige opposant, d'une part, l'Etat et, d'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle et la caisse de sécurité sociale allemande Allegemeine Ortskrankenkasse (AOK) Saarland. En outre, le présent arrêt pourrait préjudicier aux droits de ces deux caisses dans des conditions leur ouvrant droit à former tierce opposition. Par suite, les conclusions par lesquelles M. et Mme B...et leurs deux fils demandent que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun aux deux caisses précitées sont recevables et doivent être accueillies.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la réparation des conséquences dommageables de l'infection subie par M.B... :

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la CRCI de Lorraine, que M. B...a subi une infection au cours de sa prise en charge par l'HIA Legouest qui n'était ni présente, ni en incubation au début de son hospitalisation le 2 juin 2011. En l'absence de cause étrangère à cette infection, celle-ci présente un caractère nosocomial et ouvre droit à la réparation des préjudices en résultant, ce que le ministre des armées ne conteste pas.

S'agissant des préjudices patrimoniaux subis par la victime :

4. En premier lieu, l'intervention chirurgicale dont M. B...a fait l'objet le 2 juin 2011 a eu pour conséquence son placement en congé de maladie jusqu'au 2 janvier 2012, puis du 10 avril au 27 avril 2012. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise précité, que la mise en place d'une prothèse totale du genou nécessite un arrêt de travail d'une durée de trois mois, même en l'absence de complication. Les requérants n'apportent à l'instance aucun élément susceptible de démontrer qu'un arrêt de travail d'une durée d'un mois aurait suffi si M. B...n'avait pas subi une infection. Dans ces conditions, seules les pertes de revenus subies par l'intéressé postérieurement au 1er septembre 2011 présentent un lien avec l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 2 juin précédent. Il ressort de l'avis d'imposition de l'année 2011 relatif aux revenus perçus au cours de l'année 2010 que le salaire mensuel moyen de l'intéressé peut être évalué à la somme de 3 106,75 euros. Les revenus que M. B...aurait dû percevoir du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2011 et du 10 avril au 27 avril 2012 peuvent, sur cette base, être évalués à la somme de 14 187,49 euros. Selon l'attestation émanant de la caisse de sécurité sociale allemande Allegemeine Ortskrankenkasse (AOK), l'intéressé a perçu, au titre de la même période, des indemnités journalières pour un montant total de 9 029,69 euros. Par suite, l'indemnité allouée par les premiers juges à M. B...en réparation de ses pertes de revenus doit être portée de la somme de 3 956,33 euros à celle de 5 157,80 euros.

5. En deuxième lieu, lorsque la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante figure au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, et tenant compte des coûts supplémentaires dus aux congés payés et à la rémunération du travail effectué le dimanche et les jours fériés.

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la CRCI de Lorraine que, compte tenu de son état de santé, M. B...a eu besoin d'une tierce personne pour l'assister dans les actes de la vie courante au cours des 231 jours qu'il a passés à son domicile du 9 juillet 2011 au 27 avril 2012, date de sa consolidation, à raison de deux heures par jour. Il convient de calculer le coût horaire de cette assistance sur la base du salaire minimum horaire brut augmenté des cotisations sociales, soit 13 euros. Appliqué sur une durée annuelle de 412 jours afin de tenir compte des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés, ce coût horaire correspond à un montant annuel de 5 356 euros. Ramenée sur 365 jours, cette somme permet de déterminer un coût horaire majoré égal à 14,67 euros. Le montant de l'assistance par une tierce personne doit donc être fixé, à raison de deux heures par jour pendant 231 jours, à 6 777,54 euros. En revanche, il n'est pas établi, eu égard aux conclusions des experts sur ce point, que M. B...aurait nécessité l'assistance d'une tierce personne à son domicile postérieurement à sa consolidation. Il ne produit sur ce point aucun document, notamment de nature médicale, qui justifierait un tel besoin permanent. La demande tendant à l'indemnisation des frais liés cette assistance à domicile ne peut qu'être rejetée.

7. En troisième lieu, il résulte encore des constatations des experts qu'à la date à laquelle ils ont établi leur rapport, soit le 27 novembre 2012, M. B...ne pouvait plus utiliser son véhicule personnel pour effectuer le trajet entre son domicile et son lieu de travail et devait recourir à l'assistance d'un tiers. La circonstance que le coût résultant de cette assistance ne serait pas plus élevé que les frais de transport exposés par l'intéressé avant le dommage ne fait pas obstacle à l'indemnisation de ce chef de préjudice. En revanche, M. B...n'en démontre pas le caractère permanent. Dans ces conditions, il en sera fait une juste appréciation en ne tenant compte que des périodes travaillées du 3 au 31 janvier 2012, du 4 février au 9 avril 2012 et du 28 avril au 31 décembre 2012, correspondant à 240 jours ouvrés. Le montant du préjudice doit donc être évalué, à raison d'une heure par jour pendant 240 jours et sur la base d'un coût horaire de 14,67 euros, à 3 520,80 euros.

8. En quatrième lieu, l'infection nosocomiale dont M. B...a été victime est à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % par les experts désignés par la CRCI de Lorraine. L'intéressé, qui exerçait les fonctions de machiniste dans une société industrielle allemande, a été affecté sur un poste aménagé au terme de son congé de maladie en 2012. Il résulte de l'instruction que le dommage a réduit ses chances de progression professionnelle. Eu égard à l'âge atteint par M. B... lors de sa consolidation, de la nature des fonctions qu'il exerçait avant son infection et de son état de santé antérieur, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait une insuffisante évaluation du préjudice lié à l'incidence professionnelle en lui accordant à ce titre une somme de 10 000 euros.

9. En cinquième lieu, si M. B...est en droit d'obtenir le remboursement des frais de location d'un téléviseur, exposés pendant les périodes d'hospitalisation nécessitées par l'infection nosocomiale, il n'en justifie que pour un montant de 15,20 euros, ainsi que l'ont estimé les premiers juges. Il n'est donc pas fondé à demander une augmentation de son indemnisation sur ce point.

10. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise précité, que les séquelles résultant de l'infection nosocomiale dont M. B...a été victime nécessitent l'utilisation d'une douche et de toilettes adaptées. Le requérant produit sur ce point une étude réalisée, à leur demande, par la maison départementale des personnes handicapées qui prévoit l'installation d'une douche de plain pied pourvue d'un carrelage antidérapant, d'une paroi séparant cette douche des lavabos, d'une chaise murale, d'une barre d'appui et d'un mitigeur thermostatique. Cette étude prévoit encore de munir les toilettes du domicile familial d'un rehausseur et d'accoudoirs. Ces travaux, pour lesquels le requérant a perçu une subvention versée par le département de la Moselle au titre de la prestation de compensation du handicap à domicile, ont été réalisés pour un montant de 8 955,06 euros selon la facture établie le 22 novembre 2013. Il résulte encore des éléments produits à l'instance qu'il a également supporté des frais pour l'installation de nouveaux mobiliers, rendus nécessaires par l'adaptation de la salle de bain et des toilettes, et pour la réalisation de travaux de finition restés à sa charge. Ces frais supplémentaires s'établissent respectivement aux montants de 2 700 euros et de 1 372,25 euros. Par suite, compte tenu de la subvention précitée allouée à M. B...pour un montant de 2 829,84 euros, il sera fait une exacte appréciation des frais engagés pour l'adaptation de son domicile en portant leur montant de la somme de 6 125,22 euros à celle de 10 197,47 euros.

11. M. B...a supporté en outre des frais de déplacement et de reprographie évalués par les premiers juges aux montants non contestés en appel de 1 375,55 euros et de 86,64 euros. Il résulte donc de tout ce qui précède, compte tenu de ces frais de déplacement et de reprographie, que le montant de l'indemnité allouée à l'intéressé pour la réparation de ses préjudices patrimoniaux doit être portée de la somme de 27 564,94 euros à celle de 37 131 euros.

S'agissant des préjudices personnels subis par la victime :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des conclusions des experts précités, qu'en l'absence de complication, M. B...aurait présenté un déficit fonctionnel temporaire d'une durée de trois mois à compter de l'intervention chirurgicale réalisée le 2 juin 2011. Par conséquent, seules les périodes d'incapacité postérieures au 2 septembre 2011 présentent un lien avec l'infection nosocomiale dont il a été victime. Les experts ont évalué ce déficit fonctionnel temporaire imputable à l'infection au taux de 75 % du 7 au 16 septembre 2011, de 100 % du 17 septembre au 10 octobre 2011, de 75 % du 11 octobre au 20 novembre 2011, de 100 % du 21 novembre au 9 décembre 2011 puis de 50 % du 10 décembre 2011 au 3 janvier 2012. S'il y a lieu de retenir en outre une période d'incapacité totale entre le 10 et le 27 avril 2012, pendant laquelle M. B... a subi des soins en lien avec son infection, il n'est pas établi que l'intéressé aurait présenté un déficit fonctionnel du 4 janvier au 9 avril 2012 alors qu'il a été en mesure de reprendre son activité professionnelle pendant cette période. Dans ces conditions, eu égard à la durée des périodes d'incapacité et aux taux précités, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice subi par le requérant en lui allouant la somme de 2 000 euros.

13. En deuxième lieu, M. B...présente, depuis sa consolidation, un déficit fonctionnel permanent évalué au taux de 10 % par les experts. Il ne ressort pas du barème du concours médical produit à l'instance que ce taux prendrait insuffisamment en compte l'incapacité physique dont l'intéressé reste atteint. M. B...ne démontre pas non plus qu'il souffrirait de séquelles psychologiques invalidantes. Dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas procédé à une évaluation insuffisante du déficit fonctionnel permanent du requérant en lui accordant la somme de 10 000 euros.

14. En troisième lieu, les souffrances endurées par M. B...jusqu'à la date de sa consolidation ont été estimées par les experts à 4 sur une échelle de 0 à 7. Se référant à cette estimation, le tribunal administratif n'a pas sous-évalué le préjudice subi par l'intéressé en lui accordant la somme de 7 000 euros. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à demander un supplément d'indemnisation sur ce point.

15. En quatrième lieu, l'infection nosocomiale subie par M. B...est à l'origine d'un préjudice esthétique temporaire évalué par les experts à 1 sur une échelle de 0 à 7 et d'un préjudice esthétique définitif estimé à 2 sur la même échelle. Les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudice en allouant la somme totale de 2 500 euros au requérant.

16. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'indemnité de 1 000 euros, retenue par les premiers juges pour réparer le préjudice sexuel de M.B..., serait sous-évaluée.

17. En dernier lieu, l'infection nosocomiale dont M. B...a été victime a rendu impossible la poursuite de son activité d'éducateur sportif dans un cadre associatif et ne lui permet plus de faire du cyclisme et du football en compagnie de ses deux fils. Le tribunal administratif n'a pas procédé à une insuffisante appréciation de ce préjudice d'agrément en fixant le montant de la réparation à la somme de 5 000 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander une augmentation de l'indemnité accordée à M. B...en réparation de ses préjudices personnels.

S'agissant des préjudices subis par l'épouse et les enfants de M.B... :

19. En premier lieu, Mme B...et ses deux fils réitèrent en appel leurs demandes tendant à l'indemnisation des frais de déplacement qu'ils indiquent avoir exposé pour rendre visite à leur époux et père lors de ses hospitalisations. Toutefois, ils n'apportent en appel aucun élément nouveau susceptible de contredire les motifs retenus par les premiers juges qui ont alloué une somme de 1 500 euros à Mme B...et rejeté les demandes présentées par ses deux enfants. Par suite, il y a lieu de rejeter leurs demandes tendant à une réformation du jugement attaqué sur ce point, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

20. En deuxième lieu, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice d'affection subi par Mme B...en lui allouant la somme de 5 000 euros. Il n'a pas fait non plus sous-estimé le préjudice d'affection subi par ses deux fils en accordant à chacun d'eux la somme de 1 000 euros.

21. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante du préjudice sexuel de Mme B...en lui accordant la somme de 1 000 euros.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme B...et ses deux fils ne sont pas fondés à solliciter une augmentation de l'indemnité qui leur a été accordée en réparation de l'infection nosocomiale dont leur époux et père a été victime.

En ce qui concerne la réparation des conséquences dommageables du défaut d'information :

23. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

24. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait été informé des risques d'infection auxquels il se trouvait exposé en raison de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 2 juin 2011. Si l'intéressé ne conteste pas l'absence de perte de chance de se soustraire à cette intervention, compte tenu de son état de santé initial, il soutient que le défaut d'information imputable à l'administration est à l'origine d'un préjudice moral résultant pour lui de son impréparation aux dommages résultant de l'infection nosocomiale dont il a été victime. Il sera fait une plus juste appréciation de ce préjudice moral, eu égard à la gravité des conséquences dommageables de l'infection auxquelles M. B... n'a pu se préparer, en portant de 1 000 euros à 5 000 euros la somme allouée en réparation par les premiers juges.

25. Il résulte de tout ce qui précède, notamment de ce qui a été dit aux points 11, 18, 22 et 24, que M. et Mme B... et leurs deux fils sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a limité le montant des réparations à la somme de 56 062,72 euros pour M.B..., qu'il y a lieu de porter à la somme de 69 631 euros.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle et la caisse de sécurité sociale allemande Allegemeine Ortskrankenkasse (AOK) Saarland.

Article 2 : La somme de 56 062,72 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. C... B... par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1305600 du 9 mars 2017 est portée à 69 631 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1305600 du 9 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre des armées, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle et à la caisse de sécurité sociale allemande Allegemeine Ortskrankenkasse (AOK) Saarland.

2

N° 17NC01047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01047
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SELARL COUBRIS-COURTOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-05;17nc01047 ?
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