Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'attestation du 20 novembre 2013, adressée par le ministère de la justice à l'association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic), en tant que cette attestation mentionne qu'il a été licencié pour abandon de poste.
Par un jugement n° 1504159 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 25 octobre 2018, M. A... Del Popolo, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'attestation du 20 novembre 2013, adressée par le ministère de la justice à l'association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic), en tant que cette attestation mentionne qu'il a été licencié pour abandon de poste ;
3°) d'enjoindre à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg de lui délivrer un certificat de travail et une attestation ne précisant pas le motif de son licenciement dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27 505,96 euros en réparation de son préjudice moral et de son préjudice financier ;
5°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.
Il soutient que :
- sa demande était recevable ;
- l'attestation destinée à l'Assedic peut mentionner le motif de la rupture du lien de travail, soit le licenciement, mais ne doit pas faire état de la cause de ce licenciement ;
- la mention litigieuse, qui a fait obstacle au versement des allocations dues au titre de l'assurance-chômage pendant une durée de deux ans, se trouve à l'origine d'un préjudice évalué à 27 505,96 euros.
La requête a été communiquée à la ministre de la justice qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'annulation, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 juin 2018, de l'arrêté du 8 août 2013 prononçant le licenciement de M. Del Popolo pour abandon de poste emporte l'annulation par voie de conséquence de la décision lui délivrant l'attestation destinée à Pôle Emploi en tant qu'elle mentionne un abandon de poste comme motif de licenciement.
Les parties ont également été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un second moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires présentées par M. Del Popolo sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
M. Del Popolo a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 23 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. Del Popolo, secrétaire administratif affecté à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, a été licencié pour abandon de poste par un arrêté de la ministre de la justice du 8 août 2013. L'intéressé a saisi la direction interrégionale le 9 février 2015 en vue d'obtenir l'attestation prévue par l'article R. 1234-9 du code du travail permettant de bénéficier des prestations d'assurance-chômage. L'administration lui a adressé en réponse une attestation datée du 23 novembre 2013, mentionnant qu'il a été licencié pour abandon de poste. M. Del Popolo a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette attestation en tant qu'elle mentionne le motif de son licenciement. Le requérant relève appel du jugement du 28 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation et demande en outre à la cour de condamner l'Etat à réparer ses préjudices.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel tendant à la condamnation de l'Etat :
2. Les conclusions tendant à ce que la cour condamne l'Etat à réparer les préjudices allégués par M. Del Popolo sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la légalité de la mention, portée dans l'attestation du 23 novembre 2013, se rapportant au motif du licenciement :
3. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " (...) les travailleurs involontairement privés d'emploi (...), aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Selon l'article L. 5421-2 du même code : " Le revenu de remplacement prend, selon le cas, la forme : 1° D'une allocation d'assurance, prévue au chapitre II ; 2° Des allocations de solidarité, prévues au chapitre III ; 3° D'allocations et d'indemnités régies par les régimes particuliers, prévus au chapitre IV ". Aux termes de l'article L. 5424-1 de ce code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires (...) ". Enfin, l'article R. 1234-9 du code du travail dispose que : " L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations " à l'organisme chargé de l'assurance-chômage. L'article R. 1234-10 précise que : " Un modèle d'attestation est établi par l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, à la suite du licenciement pour abandon de poste prononcé à l'encontre de M. Del Popolo par un arrêté ministériel du 8 août 2013, la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a établi l'attestation prévue par les dispositions précitées de l'article R. 1234-9 du code du travail en mentionnant le motif retenu pour licencier l'intéressé, soit un abandon de poste. Du fait de cette situation d'abandon de poste mentionnée dans l'attestation litigieuse, M. Del Popolo ne peut être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi et ne peut prétendre, par conséquent, à l'un des revenus de remplacement prévus par l'article L. 5421-2 du code du travail.
5. Toutefois, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
6. La décision prise par l'administration de mentionner, dans l'attestation destinée à l'organisme de gestion de l'assurance-chômage, le motif pour lequel M. Del Popolo a été licencié n'aurait pu être prise en l'absence de l'arrêté du 8 août 2013 prononçant le licenciement de l'intéressé. Par suite, l'annulation de cet arrêté, par un arrêt de la présente cour du 5 juin 2018, emporte l'annulation de la décision contestée.
En ce qui concerne les conclusions à fins d'injonction :
7. Eu égard au motif retenu pour annuler la décision contestée, le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg de délivrer, dans un délai d'un mois, une attestation à M. Del Popolo en vue de faire valoir ses droits éventuels à l'assurance-chômage sans porter dans cette attestation le motif qui avait été retenu pour le licencier, soit un abandon de poste.
8. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. Del Popolo ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1504159 du 28 juillet 2016 et la décision du 23 novembre 2013 par laquelle la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a mentionné, dans l'attestation destinée à l'organisme de gestion de l'assurance-chômage, le motif pour lequel M. Del Popolo a été licencié sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg de délivrer, dans un délai d'un mois, une attestation à M. Del Popolo en vue de faire valoir ses droits éventuels à l'assurance-chômage sans porter dans cette attestation le motif qui avait été retenu pour le licencier, soit un abandon de poste.
Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Del Popolo et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.
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N° 16NC02078