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28/02/2019 | FRANCE | N°18NC01206-18NC01207

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 28 février 2019, 18NC01206-18NC01207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme E...C...néeD... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 novembre 2017 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé le renouvellement de leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1706222 et n° 1706223 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...et Mme E...C...néeD... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 6 novembre 2017 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé le renouvellement de leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1706222 et n° 1706223 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête enregistrée le 15 avril 2018 sous le n° 18NC01206, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et durant cet examen de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- la décision attaquée méconnait les dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 6, 24, 28 et 29 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi :

- ces décisions doivent être annulées en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles méconnaissent les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II.) Par une requête enregistrée le 15 avril 2018 sous le n° 18NC01207, Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et durant cet examen de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Elle se prévaut des mêmes moyens que ceux articulés dans la requête n° 18NC01206.

M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 24 mai 2018.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. et Mme C...visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et MmeC..., ressortissants macédoniens nés respectivement les 17 juillet 1985 et 22 septembre 1987, sont entrés en France le 28 avril 2014 avec leurs deux enfants mineurs pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions du 15 mai 2015. Parallèlement les intéressés avaient sollicité le 12 janvier 2015 la délivrance d'autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé de leurs deux filles en application des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A la suite de l'avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé, M. et Mme C...ont été munis de titres de séjour régulièrement renouvelés. Toutefois, dans ses avis du 10 octobre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que les enfants pouvaient désormais bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans leur pays d'origine. Par arrêtés du 6 novembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour des requérants, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...) ". L'article L. 313-11 du même code dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les deux filles des requérants, âgées de 13 et 9 ans, souffrent toutes deux d'une myasthénie gravis auto-immune, maladie neuromusculaire chronique liée à un défaut de transmission entre le nerf et le muscle, laquelle nécessite un traitement de fond et un suivi médical approfondi. Les requérants indiquent être venus en France dans la mesure où le traitement médicamenteux requis n'était pas disponible en Macédoine, alors qu'un de leurs autres enfants y est décédé des suites de cette même pathologie. Les différents certificats médicaux émanant du service de pédiatrie du groupe hospitalier de Mulhouse dans lequel sont suivies leurs filles indiquent que ces dernières doivent prendre cinq fois par jour le médicament Mestinon sous forme de sirop. Il ressort tant de l'attestation du ministère de la santé de la république de Macédoine que du certificat récent établi par le précédent médecin généraliste des requérants dans leur pays d'origine que ce médicament n'y est pas disponible en sirop qui est la seule forme dans laquelle il peut être administré à un enfant. Ces éléments ne sont pas utilement contredits par le courriel du conseiller santé auprès du ministre de l'Intérieur qui confirme que le médicament Mestinon n'est disponible en Macédoine que sous forme de comprimés, alors que le préfet indiquait lui-même dans sa saisine que ledit médicament ne pouvait être donné aux enfants des requérants sous cette forme. Par ailleurs, il est constant qu'en raison de l'évolution imprévisible de la maladie qui peut s'aggraver ou connaître des poussées, les deux enfants nécessitent la réalisation régulière d'examens médicaux spécialisés, notamment de scanners, pour suivre l'apparition et l'évolution d'éventuelles tumeurs et effectuer un bilan de la myasthénie. Le certificat établi par le médecin généraliste des intéressés en Macédoine indique également que ces investigations ne peuvent être aisément effectuées dans ce pays. Or, les requérants justifient que le scanner réalisé en décembre 2017 pour leur fille cadette a révélé l'apparition d'une adénomégalie, soit une affection des ganglions lymphatiques, nécessitant une surveillance régulière. Compte tenu de ces éléments, et nonobstant les avis émis le 10 octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a considéré que les enfants pouvaient bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, la Macédoine, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués ont méconnu les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils doivent, par suite, être annulés.

5. Il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes en annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer aux intéressés un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1706222 et 1706223 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mars 2018 est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 6 novembre 2017 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé aux époux C...le renouvellement de leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer aux intéressés un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et Mme E...C...née D...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC01206, 18NC01207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01206-18NC01207
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MURE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-28;18nc01206.18nc01207 ?
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