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28/02/2019 | FRANCE | N°18NC01183-18NC01184

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 28 février 2019, 18NC01183-18NC01184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et Mme C...A...E...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 2 février 2018 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800330 et n° 1800351 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la co

ur :

I.) Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 sous le n° 18NC01183, M.A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...et Mme C...A...E...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 2 février 2018 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800330 et n° 1800351 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 sous le n° 18NC01183, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 2 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, à défaut de réexaminer sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 743-2 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II.) Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 sous le n° 18NC01184, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 2 février 2018;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, à défaut de réexaminer sa situation et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle se prévaut des mêmes moyens que ceux articulés dans la requête n° 18NC01183.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 septembre 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet des requêtes ;

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme A...n'est fondé.

M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 24 mai 2018.

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. et Mme A...visées ci-dessus sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et MmeA..., ressortissants albanais nés respectivement les 21 juin 1984 et 25 juillet 1992, sont entrés en France irrégulièrement le 12 décembre 2016, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2017, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 5 septembre 2017. Par deux premiers arrêtés du 31 octobre 2017, le préfet de la Marne leur a refusé l'admission au séjour et les a obligés à quitter le territoire français. Ces décisions ont été annulées par jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 décembre 2017 en raison d'une demande de réexamen alors pendante des demandes de protection des intéressés. Ces dernières ont été rejetées pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions du 1er décembre 2017. Par arrêtés du 2 février 2018, le préfet de la Marne a à nouveau refusé aux requérants la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées et du défaut d'examen particulier de leur situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 15 mars 2018.

4. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...)". L'article L. 723-11 du même code dispose que : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. ". Selon les termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...). ". Enfin, l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L.743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 5 septembre 2017. S'ils ont dès le 3 octobre suivant, soit antérieurement à l'édiction à leur encontre de mesures d'éloignement, initié des démarches afin de faire réexaminer leurs demandes d'asile, il est constant d'une part, que leur situation rendait prévisible l'intervention de telles mesures, d'autre part que leurs demandes de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 1er décembre 2017 comme irrecevables au motif que les éléments présentés n'étaient pas de nature à augmenter la probabilité qu'ils justifient des conditions requises pour prétendre à une protection internationale au titre de la convention de Genève ou au titre de la protection subsidiaire. En l'espèce, les éléments produits par M. et Mme A...à l'appui de leur demande de réexamen, en l'occurrence des témoignages de proches dont le caractère probant ne peut être tenu pour acquis, ainsi que des éléments relatifs à l'état de santé mentale de leur agresseur, dont la provenance n'était pas établie, n'étaient pas de nature à étayer les craintes alléguées par les intéressés en cas de retour dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet de la Marne a pu considérer que les demandes de réexamen de M. et MmeA..., qui avaient fait l'objet de décisions d'irrecevabilité par l'Office en application du 3° de l'article L. 723-11 précité devaient être regardées comme n'ayant eu pour seul objet que de faire échec à une éventuelle mesure d'éloignement. Par suite, les intéressés se trouvaient dans le champ d'application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant l'édiction à leur encontre d'obligations de quitter le territoire français sans préjudice de recours alors pendants devant la Cour nationale du droit d'asile à l'encontre des décisions de l'Office relatives au rejet de leurs demandes de réexamen.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le séjour en France des intéressés ne présente pas de caractère d'ancienneté. Ils n'y démontrent pas l'intensité de leurs liens, alors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine où ils ont résidé la majeure partie de leur vie. La seule circonstance que leur fils aîné soit scolarisé en classe de moyenne section à la date d'édiction des décisions attaquées ne suffit pas à leur ouvrir un droit au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions contestées doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié". Mme A...soutient qu'elle souffre de troubles psychologiques liés aux évènements traumatiques subis en Albanie et pour lesquels elle bénéficie en France d'un suivi psychologique et d'un traitement médicamenteux. Elle ne produit cependant aucun élément permettant d'établir qu'elle ne pourrait avoir effectivement accès dans son pays d'origine à un traitement approprié à son état de santé. Elle ne justifie pas davantage de la réalité des évènements traumatiques invoqués de nature à faire obstacle à un retour en Albanie sur les lieux de leur survenue. Elle n'est par suite pas fondée à se prévaloir de ces dispositions. M. A...ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de ces dispositions qui ne s'opposent pas à l'édiction d'une mesure d'éloignement à l'encontre du conjoint d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale en France.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

9. En second lieu, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées où qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

10. Si les époux A...se prévalent de persécutions émanant de l'ancien proxénète de MmeA..., qui aurait saccagé l'atelier du requérant et menacé de mort son épouse, ils ne produisent aucun élément de nature à justifier de la réalité des faits allégués et des menaces personnelles et actuelles pesant sur eux en cas de retour en Albanie, les témoignages de proches étant insuffisamment probants à cet égard. Au demeurant, il est constant que leurs demandes de protection ont été rejetées par les instances compétentes en matière d'asile. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

14. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat des époux une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées présentées par M. et Mme A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et Mme C...A...née E...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

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N° 18NC01183, 18NC01184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01183-18NC01184
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ZAWADA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-28;18nc01183.18nc01184 ?
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