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05/02/2019 | FRANCE | N°17NC00697

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 février 2019, 17NC00697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé l'association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape à prononcer son licenciement pour inaptitude.

Par un jugement no 1503437 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2017, la Fédération médico-sociale des Vosges, venant aux droits de l'

association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape, représentée par MeE..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé l'association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape à prononcer son licenciement pour inaptitude.

Par un jugement no 1503437 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2017, la Fédération médico-sociale des Vosges, venant aux droits de l'association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'inspecteur du travail aurait dû tenir compte du mandat de déléguée syndicale de MmeA... au motif que l'arrêt de la Cour de cassation était revêtu de l'autorité de chose jugée ;

- l'inspecteur du travail a examiné la demande d'autorisation de licenciement au regard de l'ensemble des mandats de MmeA... ;

- les mandats d'administrateur Vosgelis et de la médecine du travail ne confèrent aucune protection contre le licenciement ;

- Mme A...ne l'a pas informée des mandats extérieurs qu'elle détenait, notamment de conseillère titulaire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges ;

- Mme A...ne bénéficiait plus, en tout état de cause, d'une protection en vertu de son mandat de conseillère titulaire de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;

- Mme A...ne pouvait pas être élue déléguée syndicale dès lors qu'elle était déléguée du personnel suppléante ;

- le licenciement de Mme A...est sans lien avec l'exercice de ses mandats ;

- Mme A...ne peut utilement se prévaloir d'un lien entre son inaptitude et des faits de harcèlement dès lors que l'administration n'a pas à vérifier la cause de l'inaptitude ; en outre le certificat médical produit par Mme A...est subjectif et ne saurait constituer une preuve ;

- la tentative de reclassement a été sérieuse ;

- la décision attaquée est suffisamment motivée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 juin 2017 et le 4 octobre 2017, Mme A..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la Fédération médico-sociale des Vosges en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la compétence du signataire de la décision attaquée n'est pas établie ;

- la demande d'autorisation de licenciement n'a pas été examinée au regard de l'ensemble des mandats ;

- le 1er octobre 2015, elle était titulaire d'un mandat de déléguée syndicale, compte tenu de l'arrêt de la Cour de cassation revêtu de la force de chose jugée, dont l'administration n'a pas tenu compte ;

- l'arrêt de la Cour de cassation a été notifié par le greffe à chaque partie le 24 septembre 2015, soit antérieurement à la décision d'autorisation du 1er octobre 2015 ;

- l'employeur a été informé de tous ses mandats dont celui de conseillère de la CPAM des Vosges ; elle bénéficiait en cette qualité de la même protection que celle d'un délégué syndical en application de l'article L. 2411-18 du code du travail ;

- son licenciement est en lien avec l'exercice de ses mandats ;

- la tentative de reclassement n'a été ni loyale ni sérieuse.

Le ministre du travail n'a pas produit de mémoire en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour la Fédération médico-sociale des Vosges.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., employée par l'association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape, en qualité d'animatrice socio-culturelle et de loisirs, depuis 1990, a été placée en arrêt de maladie à compter du 24 septembre 2013 jusqu'au 31 mai 2015. Par un avis du 22 juin 2015 le médecin du travail a conclu à son inaptitude à son poste et à tout autre poste. Mme A...bénéficiant d'une protection au titre notamment de son mandat de déléguée du personnel suppléante, son employeur a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour inaptitude physique. Par une décision du 1er octobre 2015, l'inspection du travail a accordé cette autorisation. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler cette autorisation. Par un jugement du 24 janvier 2017, le tribunal a fait droit à cette demande au motif que l'administration n'avait pas été mise à même de tenir compte de son mandat de déléguée syndicale. La Fédération médico-sociale des Vosges, venant aux droits de l'association Le Foyer d'enfants de Raon-l'Etape, demande à la cour d'annuler ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) / 1° Délégué syndical ; (...) ".

3. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte l'ensemble des mandats détenus par le salarié. Si les dispositions du code du travail ne sauraient permettre à une protection acquise postérieurement à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement de produire des effets sur la procédure de licenciement engagée par cet envoi, l'autorité administrative doit toutefois avoir connaissance de l'ensemble des mandats détenus à la date de sa décision, y compris ceux obtenus le cas échéant postérieurement à cette convocation, afin d'être mise à même d'exercer son pouvoir d'appréciation de l'opportunité du licenciement au regard de motifs d'intérêt général.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur s'est borné à porter à la connaissance de l'inspecteur du travail les mandats de déléguée du personnel suppléante et de conseillère prud'homale de MmeA.... L'inspecteur du travail a visé, dans sa décision, la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur en reprenant les seuls mandats qu'il avait mentionnés. Il ressort, cependant, des pièces du dossier que la CFDT Santé-sociaux 88 avait informé l'employeur, par un courrier daté du 31 mai 2014, de la désignation de Mme A...en qualité de déléguée syndicale, avec copie à l'inspection du travail. S'il est vrai, ainsi que l'avait fait valoir le ministre du travail en première instance et que le soutient encore en appel l'employeur pour justifier de l'absence de prise en compte de ce mandat, que le tribunal d'instance d'Epinal, par un jugement du 29 août 2014, avait invalidé la désignation de Mme A...en qualité de déléguée syndicale, ce jugement a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2015 qui a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement, en application de l'article 625 du code de procédure civile. Ainsi, Mme A...devait être regardée comme ayant, dès cette date, la qualité de déléguée syndicale. A cet égard, si la fédération requérante soutient qu'à défaut de saisine du tribunal d'instance par les parties, dans le délai de quatre mois suivant la notification de l'arrêt par la Cour de cassation, le jugement annulé devient définitif en application des articles 1032 et 1034 du code de procédure civile et, qu'en l'espèce, le tribunal d'instance a été saisi postérieurement à la décision contestée, cette circonstance n'a pas pour effet de priver Mme A...de la qualité de déléguée syndicale dont elle bénéficiait à la date de cette décision. Par ailleurs, l'absence de signification de l'arrêt de la Cour de cassation à la Fédération médico-sociale des Vosges à la date à laquelle la décision contestée a été prise n'a pas eu davantage d'incidence sur la détention de ce mandat tant que la juridiction judiciaire ne l'avait pas, à nouveau, invalidé. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration a examiné la demande d'autorisation de licenciement en tenant compte de ce mandat de déléguée syndicale que Mme A... détenait avant qu'elle n'autorise son licenciement le 1er octobre 2015. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail n'a pas été mis à même de procéder aux contrôles auxquels il est tenu au regard des exigences propres à ce mandat. Il s'ensuit que sa décision est illégale.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération médico-sociale des Vosges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 1er octobre 2015 autorisant le licenciement de MmeA....

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Fédération médico-sociale des Vosges demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Fédération médico-sociale des Vosges une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Fédération médico-sociale des Vosges est rejetée.

Article 2 : La Fédération médico-sociale des Vosges versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à la Fédération médico-sociale des Vosges et à la ministre du travail.

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N° 17NC00697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00697
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE VILLERS-LES-NANCY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-05;17nc00697 ?
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