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17/01/2019 | FRANCE | N°18NC00092

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2019, 18NC00092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme B...G...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2016 par lequel le préfet des Vosges a institué une servitude d'utilité publique en vue de l'établissement d'une canalisation d'assainissement sur la parcelle cadastrée ZD n° 160 leur appartenant située dans la commune de Remoncourt.

Par un jugement n° 1601644 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du préfet des Vosges du 19 janvier 2016.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, complétée par un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme B...G...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2016 par lequel le préfet des Vosges a institué une servitude d'utilité publique en vue de l'établissement d'une canalisation d'assainissement sur la parcelle cadastrée ZD n° 160 leur appartenant située dans la commune de Remoncourt.

Par un jugement n° 1601644 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du préfet des Vosges du 19 janvier 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, complétée par un mémoire enregistré le 21 août 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme G...devant le tribunal administratif de Nancy.

Le ministre soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant que la partie de la parcelle sous laquelle a été implantée la canalisation constituait un jardin attenant à la maison des époux G...;

- M. C...était compétent pour signer l'arrêté contesté ;

- les mentions portées sur l'arrêté contesté permettant d'identifier les propriétaires de la parcelle en cause, l'article R. 152-10 du code rural et de la pêche maritime n'a pas été méconnu ;

- le tracé ne méconnaît pas les articles L. 152-1 et R. 152-4 du code rural et de la pêche maritime.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juin et 12 octobre 2018, M. et Mme G..., représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce que l'Etat et la commune de Remoncourt soient solidairement condamnés à leur payer à chacun une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme G...soutiennent que :

- l'arrêté du 19 janvier 2016 méconnaît l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, la partie de leur parcelle sur laquelle la canalisation a été posée, qui se trouve dans la continuité directe de leur habitation et n'est séparée de celle-ci par aucune barrière, étant bien un jardin ;

- M. C...était incompétent pour signer l'arrêté du 19 janvier 2016 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2016 ne mentionne, ni leur adresse, ni leurs dates et lieux de naissances, ni leurs professions en méconnaissance des dispositions de l'article R. 152-10 du code rural et de la pêche maritime ;

- le tracé retenu pour l'implantation de la canalisation d'assainissement n'a pas été établi de la façon la plus rationnelle possible et en veillant à minimiser l'atteinte portée à l'utilisation présente et future de leur terrain, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 152-1 et R. 152-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'atteinte à leur propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre économique induits par le projet sont excessifs au regard des avantages que présente l'établissement de cette canalisation.

Par une intervention, enregistrée le 12 octobre 2018 et présentée à l'appui de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire, la commune de Remoncourt, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux G...devant le tribunal administratif de Nancy.

La commune de Remoncourt se réfère aux moyens exposés dans la requête du ministre.

Par ordonnance du 10 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., pour M. et MmeG..., ainsi que celles de Me A..., pour la commune de Remoncourt.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 juin 2013, le préfet des Vosges a mis en demeure la commune de Remoncourt de réaliser des études en vue de mettre en conformité son système d'assainissement collectif avec les normes alors en vigueur. Des études ont été réalisées et l'ensemble du projet a fait l'objet d'un dossier de déclaration "Loi sur l'eau" qui a été validé en octobre 2014 par la direction départementale des territoires. La réalisation du projet imposant d'empiéter sur des propriétés privées, des projets de convention de passage ont été proposés aux vingt propriétaires des parcelles concernées. Dix-neuf d'entre eux ont accepté de signer la convention qui leur était proposée, à l'exception de M. et MmeG..., propriétaires de la parcelle cadastrée section ZD n° 160. Le 27 août 2015, le maire de Remoncourt a demandé à la sous-préfète de Neufchâteau d'instaurer une servitude de passage sur cette parcelle. Après enquête publique, le préfet des Vosges a, par un arrêté du 19 janvier 2016, instauré une servitude d'utilité publique en vue de l'établissement d'une canalisation d'assainissement sur la parcelle cadastrée ZD 160 sur le territoire de la commune de Remoncourt. Par un jugement du 14 novembre 2017, le tribunal administratif, saisi par les épouxG..., a annulé cet arrêté. Le préfet des Vosges fait appel de ce jugement.

Sur l'intervention de la commune de Remoncourt :

2. La commune de Remoncourt a intérêt au maintien de l'arrêté contesté par les épouxG.... Ainsi son intervention est recevable.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. L'établissement de cette servitude ouvre droit à indemnité. Il fait l'objet d'une enquête publique réalisée selon les modalités prévues au livre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article afin notamment que les conditions d'exercice de la servitude soient rationnelles et les moins dommageables à l'utilisation présente et future des terrains. ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 19 janvier 2016, le tribunal administratif a considéré que le terrain dans lequel est implantée la canalisation d'assainissement devait être regardé comme un jardin attenant à l'habitation des épouxG....

5. S'il est constant que la parcelle ZD 160 est une parcelle d'un seul tenant, il ressort en revanche des pièces du dossier que la canalisation en litige est implantée à l'extrémité de cette parcelle, le long d'un ruisseau. Il ressort également des pièces du dossier que la partie de la parcelle ZD 160 sous laquelle a été implantée la canalisation était laissée en friche, à la différence du restant de la parcelle qui est engazonnée et plantée d'arbres fruitiers. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a regardé la partie de la parcelle ZD 160 sous laquelle est implantée la canalisation comme un jardin.

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. et Mme G...devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 19 janvier 2016 :

7. En premier lieu, le préfet des Vosges a, par un arrêté du 9 mars 2015, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, donné délégation à M. Eric Requet, secrétaire général de la préfecture, pour signer " tous arrêtés, décisions, circulaire, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Vosges, à l'exception de la réquisition des forces armées ". Le moyen tiré de ce que M. C...était incompétent pour signer l'arrêté contesté manque ainsi en fait et ne peut par suite qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 152-10 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet statue par arrêté sur l'établissement des servitudes. Dans l'arrêté, les propriétés sont désignées et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. (...) ". L'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 ". Selon l'article 5 du décret n° 55-22 : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit contenir les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, domicile, date et lieu de naissance et profession des parties, ainsi que le nom de leur conjoint. (...) ".

9. L'arrêté contesté mentionne les noms et prénoms des époux G...ainsi que les références cadastrales de la parcelle sur laquelle est instituée la servitude objet de l'arrêté, ce qui suffit à permettre l'identification des propriétaires de ladite parcelle. Si l'arrêté n'indique pas l'adresse des épouxG..., ni leurs dates et lieux de naissances, ni leurs professions, ces omissions, qui n'ont pu conduire les époux G...à se méprendre sur la portée de l'arrêté litigieux, sont en l'espèce sans incidence sur sa légalité.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article afin notamment que les conditions d'exercice de la servitude soient rationnelles et les moins dommageables à l'utilisation présente et future des terrains ". L'article R. 152-4 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose : " La personne morale de droit public maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, qui sollicite le bénéfice de l'article L. 152-1, adresse à cet effet une demande au préfet. / A cette demande sont annexés : (...) 3° Le plan parcellaire des terrains sur lesquels l'établissement de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé des canalisations à établir, de la profondeur minimum à laquelle les canalisations seront posées, de la largeur des bandes prévues aux 1° et 2° de l'article R. 152-2 et de tous les autres éléments de la servitude. Ces éléments devront être arrêtés de manière que la canalisation soit établie de la façon la plus rationnelle et que la moindre atteinte possible soit portée aux conditions présentes et futures de l'exploitation des terrains ; (...) ".

11. M. et Mme G...soutiennent que le tracé retenu pour l'implantation de la canalisation d'assainissement n'a pas été établi de la façon la plus rationnelle possible et en veillant à minimiser l'atteinte portée à l'utilisation présente et future de leur terrain.

12. Ils font d'abord valoir que l'implantation de la canalisation est de nature à endommager le réseau de capteurs de leur installation de géothermie horizontale. Toutefois, l'arrêté contesté obligeait la commune " à faire réaliser un repérage précis du réseau en PE de glycol présent sur la parcelle concernée par la servitude et à mettre en oeuvre tous les moyens adaptés pour ne pas détériorer ledit réseau de capteurs ". Il résulte par ailleurs du constat établi le 17 octobre 2016 par un huissier que la tranchée réalisée pour poser la canalisation, creusée comme il a été dit à l'extrémité de la parcelle des époux G...en rive du ruisseau, n'a pas endommagé le réseau de capteurs. Par suite, le tracé retenu a minimisé l'atteinte portée à l'utilisation présente et future par les époux G...de leur terrain.

13. Les époux G...indiquent ensuite que la partie de leur parcelle sur laquelle la canalisation a été implantée se trouvant en zone inondable, il aurait été plus rationnel d'implanter la canalisation sur la rive opposée du ruisseau. Toutefois, la canalisation en cause étant enterrée, la circonstance qu'elle soit implantée sur une parcelle située en zone inondable est sans incidence. Par ailleurs, et contrairement aux affirmations des épouxG..., la déviation de la canalisation sur la rive opposée du ruisseau aurait engendré un surcoût non négligeable pour la commune.

14. En quatrième et dernier lieu, la canalisation implantée sur la parcelle des époux G...est destinée à permettre à la commune de Remoncourt de mettre son réseau d'assainissement collectif en conformité avec les normes en vigueur. Par suite, M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que l'opération ne serait pas d'utilité publique.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 19 janvier 2016 instaurant une servitude d'utilité publique sur la parcelle cadastrée ZD 160 commune de Remoncourt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Remoncourt, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme G...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Remoncourt est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 novembre 2017 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. et Mme G...devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que leurs conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à M. et Mme G... et à la commune de Remoncourt.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 18NC00092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00092
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-04-01-01-02 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Servitudes. Institution des servitudes. Servitudes pour l'établissement de canalisations.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : WELZER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-17;18nc00092 ?
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