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16/01/2019 | FRANCE | N°18NC03279

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 janvier 2019, 18NC03279


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2018, M. C...E..., Mme H... E..., M. B...J...et Mme A...E..., épouseD..., représentés par Me I... et MeF..., demandent à la cour de renvoyer devant une autre juridiction, pour cause de suspicion légitime, leur demande pendante devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sous le n° 18000820 par laquelle ils ont demandé au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision du 9 avril 2018 du médecin responsable du centr

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2018, M. C...E..., Mme H... E..., M. B...J...et Mme A...E..., épouseD..., représentés par Me I... et MeF..., demandent à la cour de renvoyer devant une autre juridiction, pour cause de suspicion légitime, leur demande pendante devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sous le n° 18000820 par laquelle ils ont demandé au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre la décision du 9 avril 2018 du médecin responsable du centre hospitalier universitaire de Reims d'arrêter l'alimentation et l'hydratation de son patient, M. G...E....

Ils soutiennent que :

Sur la partialité du tribunal :

En ce qui concerne le jugement du 6 juin 2018 :

- le tribunal a fait preuve de partialité dans son jugement du 6 juin 2018 rejetant la demande de récusation des premiers experts judiciaires en présentant les moyens de récusation de manière déformée et tronquée, changeant ainsi leur sens et leur portée, et en refusant de communiquer aux parties un mémoire et deux pièces en répliques qui soulignaient le parti pris médical des premiers experts ;

En ce qui concerne l'ordonnance du 2 juillet 2018 :

- le tribunal a fait preuve de partialité dans son ordonnance du 2 juillet 2018 portant désignation de trois nouveaux experts en déformant leurs arguments ;

- il a également ordonné cette expertise uniquement pour la forme dès lors que :

- il a ignoré les modalités spécifiques d'évaluation des patients en état de conscience altérée ;

- il a imposé un délai d'un mois incompatible avec l'évaluation de M. G...E...dans les règles de l'art ;

- le président du tribunal a insisté auprès des experts pour qu'ils rendent leur rapport le 2 juin 2018 après un seul examen sans tenir compte des nécessités de l'évaluation comportementale ;

- lors de l'audience du 20 juin 2018, le vice-président Nizet a mis en cause les requérants dans l'échec de l'expertise alors que les experts ont reconnu le bien-fondé de leur réclamation ;

- un des magistrats a fixé au 20 juin 2018 la date de l'audience alors qu'il avait été informé de l'indisponibilité des deux avocats ;

- l'agence France Presse a été avisée de la date de l'audience avant les parties ;

- lors de l'audience publique du 20 juin 2018, le vice-président Nizet a évoqué la possibilité de statuer au fond sans expertise ;

- alors que le tribunal a refusé à deux reprises d'ordonner une évaluation confiée à des spécialistes de la filière EVC/EPR (état végétatif chronique / état pauci-relationnel) et que son président a interdit toute discussion sur les modalités d'évaluation de M. G...E..., la juridiction veut désormais statuer sur la base d'un rapport d'expertise contesté sans respecter le délai légal et prorogeable d'un mois après notification dudit rapport ;

- le tribunal est intervenu auprès des experts après le dépôt de leurs recours en récusation du président du tribunal alors que ces experts n'étaient pas parties à l'instance et ces derniers sont intervenus au soutien du président sans que le caractère contradictoire de la procédure ait été respecté ;

Sur le parti pris du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans le cadre de l'expertise et de son suivi :

- le président n'a pas fait respecter le principe du contradictoire : malgré de nombreuses demandes, les requérants ont dû attendre le rapport définitif pour apprendre quelles étaient les pièces en possession des experts judiciaires ; leurs médecins conseils n'ont jamais eu un accès normal et complet au dossier médical ; le président du tribunal n'a pas fait respecter l'obligation imposée par la formation collégiale aux experts d'entendre toutes les parties qui en faisaient la demande, or M. J...et Mme D...ont expressément formulé cette demande ;

- le président a eu des contacts préalables avec les experts en dehors de tout débat contradictoire pour limiter leur mission décidée par la formation collégiale ; à l'instar de son vice-président, il a notamment interdit oralement de permettre la participation de l'UNAFTC et de son médecin conseil ;

- les experts ont reconnu avoir échangé de manière non contradictoire avec le président du tribunal pour " préciser " leur mission démontrant ainsi le caractère formel de cette expertise pour le tribunal ;

- le président n'a pas été garant du caractère contradictoire de l'expertise dès lors que les experts ont procédé à l'examen de M. G...E...en dehors de la présence des médecins conseils la veille de la réunion organisée le 8 septembre 2018 sous sa présidence ;

- le président du tribunal administratif a assuré la présidence active de la réunion d'expertise du 8 septembre 2018 et a interdit tout débat contradictoire ; il n'a autorisé la prise de parole qu'aux experts et a limité la mission de ces derniers en indiquant qu'ils n'avaient pas à entendre les parties en contradiction avec les termes du jugement du 20 avril 2018 ;

- le président a préjugé un point fondamental, le présentant comme étant tranché ; il a, en effet, interdit toute discussion sur les soins de M. G...E...au CHU de Reims prétendant ce point jugé alors que la prise en charge constitue un des éléments essentiels de la stimulation et donc de l'évaluation moderne des patients qui se doit d'être itérative, ce qui est l'objet de l'expertise :

- le président a refusé de tenir compte de l'avis des trois premiers experts en refusant de désigner des spécialistes des patients EVC/EPR et de faire procéder à une expertise de M. G... E...dans un service spécialisé et, en tous les cas, dans un lieu neutre, selon une évaluation itérative ;

- lors de la réunion du 8 septembre 2018, le président du tribunal a indiqué, en réponse à une remarque d'un des experts, que la notion d'obstination déraisonnable était une notion juridique dont l'appréciation n'appartenait qu'au tribunal, démontrant ainsi qu'il était intervenu auprès des experts pour les empêcher de se prononcer sur ce point alors qu'ils devaient faire " toutes observations utiles " ;

Sur la partialité objective résultant de la collusion manifeste créée par le président du tribunal avec les membres du tribunal :

- le président s'est dispensé de répondre aux demandes relatives à sa récusation qu'il a adressées à un de ses vice-présidents pour les faire déclarer irrecevables ;

- la collusion entre le président et son vice-président est d'autant plus spectaculaire que même si le président n'a pas statué au fond, il a eu un rôle juridictionnel tout au long de l'expertise et à sept reprises ;

- le président a violé l'article R. 621-9 du code de justice administrative en accord avec les trois membres désignés de la juridiction, en ne respectant pas le délai légal d'un mois après le dépôt du rapport d'expertise pour fixer la date de l'audience du 19 décembre 2018 ;

Sur l'emprise du président du tribunal administratif sur les magistrats du tribunal :

- le président, qui dispose du pouvoir hiérarchique sur ses magistrats, s'est ostensiblement tenu au fond de la salle d'audience du 20 juin 2018 ; il a limité la mission d'expertise fixée par une formation collégiale ; il a fait déclarer irrecevables les requêtes tendant à sa récusation ; il a désigné les magistrats devant juger l'affaire lors de l'audience du 19 décembre 2018 en leur imposant de violer l'article R. 621-9 du code de justice administrative ;

Sur l'impossibilité pour le tribunal administratif de statuer sur la nullité de l'expertise et d'ordonner le complément qui sera demandé :

- l'ensemble des magistrats du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ont manifesté leur refus d'une expertise portant sur l'évaluation effective de M. G...E....

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne représenté par son président, conclut au rejet de la requête et à la suppression d'un passage diffamatoire en page 26 de la requête commençant par les mots " Si le président Wyss " et finissant par les mots " toute une famille ".

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, M. C...E..., Mme H... E..., M. B...J...et Mme A...E...concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens. Ils soutiennent en outre qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de suppression d'un passage diffamatoire présentée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Ils font valoir que :

- la suppression de ce passage reviendra à supprimer un moyen de la requête ;

- la présence de policiers lors d'une audience récente, alors qu'il n'y a jamais eu le moindre incident d'audience, atteste de la défiance du tribunal à leur encontre et démontre que cette juridiction ne peut pas prétendre juger sereinement ;

- la détermination de la composition de la formation de jugement du 19 décembre 2018 par le chef de juridiction sans respecter l'organigramme du tribunal démontre le parti pris du président ;

- les manifestations d'inimitié, voire d'hostilité à leur égard dont ont fait preuve le tribunal et son président dans leur mémoire en défense démontrent également la partialité de la juridiction ;

- le chef de juridiction a dirigé et contrôlé l'ensemble des opérations d'expertise alors que le greffe des expertises est rattaché à la 2ème chambre du tribunal et placé sous l'autorité du président de cette chambre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2019 :

- le rapport de M. Marino,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;

- et les observations de Me I...et de Me F...pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeE..., M. J...et Mme D...ont saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'un recours en référé, présenté sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, aux fins d'obtenir la suspension de la décision du 9 avril 2018 par laquelle le chef de l'unité des patients cérébro-lésés du centre hospitalier universitaire de Reims a décidé d'arrêter l'alimentation et l'hydratation de son patient, M. G...E.... Par une ordonnance avant-dire droit du 20 avril 2018, la formation collégiale de référé de cette juridiction a décidé, eu égard à l'ancienneté de l'expertise précédente datant du mois de mai 2014 et aux arguments des requérants, qui se prévalent de l'existence d'une évolution positive du tableau clinique que présente leur fils et frère, notamment de l'existence d'interactions avec son entourage et d'une déglutition qui n'est pas, selon eux, seulement réflexe, de faire procéder à une nouvelle expertise confiée à trois médecins. Ces experts ayant demandé à être déchargés de leur mission, la formation collégiale de référé a, par une nouvelle ordonnance du 2 juillet 2018, modifié l'ordonnance du 20 avril précédent et trois nouveaux experts ont été désignés. Ces derniers ont remis leur rapport définitif le 19 novembre 2018 et le tribunal a enrôlé la demande en référé liberté le 19 décembre suivant. M. et MmeE..., M. J...et Mme D... ont saisi la cour d'une requête tendant au renvoi de cette affaire devant une autre juridiction pour suspicion légitime.

Sur le bien-fondé de la demande de renvoi pour suspicion légitime :

2. Tout justiciable est recevable à demander à la juridiction immédiatement supérieure qu'une affaire dont est saisie la juridiction compétente, même en premier et dernier ressort, soit renvoyée devant une autre juridiction du même ordre, parce que, pour des causes dont il appartient à l'intéressé de justifier, le tribunal compétent est suspect de partialité.

3. En premier lieu, les requérants font valoir que le tribunal a fait preuve de partialité dans le jugement du 6 juin 2018 par lequel il a rejeté leur demande de récusation des trois premiers experts. Ils soutiennent que leurs moyens ont été présentés de manière déformée et tronquée, changeant leur sens et leur portée et que les premiers juges ont refusé de communiquer le mémoire en réplique et les pièces qui y étaient annexées et qui soulignaient le parti pris médical des experts.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que pour demander la récusation des premiers experts, les requérants soutenaient que ces derniers étaient incompétents et refusaient de faire appel à des sapiteurs, qu'ils ne voulaient pas associer aux opérations d'expertise l'ensemble des médecins conseils des requérants ainsi que l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébrolesés (UNAFTC), qu'ils n'avaient pas modifié la date d'un des examens alors que M. J... et Mme D...qui voulaient y assister étaient indisponibles, qu'ils avaient procédé à l'examen de M. G...E...au cours de la seule journée du 26 mai 2018 et qu'ils n'avaient pas la volonté d'évaluer l'état réel du patient.

5. Le tribunal a analysé ces moyens comme signifiant que les experts n'étaient pas qualifiés pour accomplir la mission confiée par le tribunal et qu'ils avaient refusé de faire appel à des sapiteurs, que l'expertise risquait de ne pas respecter le principe du contradictoire, que les experts avaient refusé de modifier la date des opérations pour tenir compte des contraintes de deux des parties et que les opérations d'expertise risquaient d'être insuffisantes et de ne pas permettre aux experts de répondre à la mission confiée par le tribunal. Ce faisant, les premiers juges ont analysé de façon objective et complète les moyens de la demande.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de l'examen du dossier soumis aux premiers juges que ni le mémoire présenté par les consorts E...enregistré le 31 mai 2018 au greffe du tribunal, ni les pièces qui l'accompagnaient ne comportaient d'élément nouveau justifiant leur communication. Ainsi, la circonstance que ce mémoire et ces pièces n'ont pas été communiqués aux parties défenderesses ne démontre pas davantage que le tribunal aurait manqué à son devoir d'impartialité.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-2 du code de justice administrative : " Sont juges des référés, les présidents des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ainsi que les magistrats qu'ils désignent à cet effet et, sauf absence ou empêchement, ont une ancienneté minimale de deux ans et ont atteint au moins le grade de premier conseiller. (...) Lorsque la nature de l'affaire le justifie, le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux peut décider qu'elle sera jugée, dans les conditions prévues au présent livre, par une formation composée de trois juges des référés, sans préjudice du renvoi de l'affaire à une autre formation de jugement dans les conditions de droit commun ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " Dans le cas prévu au dernier alinéa de l'article L. 511-2, la composition de la formation statuant en référé est fixée pour chaque affaire, au Conseil d'Etat, par le président de la section du contentieux et, dans les autres juridictions, par leur président ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la formation collégiale de référé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne devant statuer sur le recours en référé-liberté introduit par les requérants comporte trois magistrats répondant aux conditions d'ancienneté et de grade mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-2 précité pour être désignés juges des référés. Au demeurant, la composition de cette formation avait été arrêtée avant la nomination de l'actuel chef de juridiction. Par suite, le moyen tiré de ce que le chef de juridiction aurait fait preuve de parti pris en nommant les membres de cette formation sans respecter l'organigramme du tribunal manque en fait.

9. En troisième lieu, si la formation collégiale de référé a indiqué dans la mission dévolue aux trois nouveaux experts par l'ordonnance du 2 juillet 2018 que " les requérants soutenant que la capacité à déglutir et d'une manière générale ses réactions [étant] modifiées en leur présence, ils désigneront l'un d'entre eux, afin que les experts judiciaires puissent apprécier si sa présence modifie les réactions de M.E... ", cette mention ne permet pas de déduire, comme le font les consortsE..., que les premiers juges souhaitaient écarter leur argumentation relative à la capacité de déglutition de M. G...E.... Les requérants n'établissent donc pas que le tribunal puisse être légitimement suspecté de partialité de ce fait.

10. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que le tribunal a ordonné une expertise de pure forme dès lors qu'il a ignoré les modalités spécifiques d'évaluation des patients en état de conscience altérée, qu'il a imposé aux experts un délai d'un mois incompatible avec l'évaluation de M. G...E...dans les règles de l'art pour remettre leur rapport et que le chef de juridiction a refusé de désigner des spécialistes des patients en état végétatif chronique et en état pauci-relationnel (EVC/EPR), alors que cette désignation avait été préconisée par les premiers experts. Ils font valoir, enfin, que le président du tribunal a refusé de faire procéder à l'évaluation de M. G...E...dans un service spécialisé. De telles critiques, qui concernent le choix des experts et les modalités de la procédure d'expertise et qui pourront utilement être invoquées devant la formation collégiale de référé, ne constituent pas en soi des causes de suspicion légitime.

11. En cinquième lieu, les requérants font valoir que le président de la formation collégiale de référé les auraient mis en cause, au cours de l'audience du 20 juin 2018, dans l'échec de la mission des premiers experts et aurait évoqué la possibilité de statuer au fond sans expertise. De telles allégations, à les supposer établies, ne permettent cependant pas de regarder ce magistrat comme ayant eu une attitude partiale.

12. En sixième lieu, la circonstance que la date de l'audience du 20 juin 2018 a été maintenue alors que les deux conseils des requérants avaient indiqué être indisponibles à cette date ne démontre pas un manque d'impartialité du tribunal. Au demeurant, il ressort du jugement lu le 2 juillet suivant qu'au moins un des conseils avait assisté à l'audience.

13. En septième lieu, la circonstance que l'Agence France Presse a été avisée de la date de l'audience du 20 juin 2018 avant les parties, pour regrettable qu'elle soit, ne constitue pas une cause de partialité du tribunal.

14. En huitième lieu, si les requérants font état de la présence de policiers au cours d'une " audience précédente ", cette circonstance qui vise à prévenir tout risque de troubles quels qu'en soient les auteurs, alors même qu'aucun incident d'audience n'avait eu lieu auparavant, ne permet pas d'établir, comme le soutiennent les requérants, une défiance du tribunal à leur égard.

15. En neuvième lieu, aux termes de l'article R. 621-1-1 du code de justice administrative : " Le président de la juridiction peut désigner au sein de sa juridiction un magistrat chargé des questions d'expertise et du suivi des opérations d'expertise. / L'acte qui désigne le magistrat chargé des expertises peut lui déléguer tout ou partie des attributions mentionnées aux articles R. 621-2, R. 621-4, R. 621-5, R. 621-6, R. 621-7-1, R. 621-8-1, R. 621-11, R. 621-12, R. 621-12-1 et R. 621-13. / Ce magistrat peut assister aux opérations d'expertise. ". Ces dispositions ne créent aucune obligation pour le président de la juridiction qui peut conserver l'intégralité des compétences mentionnées au deuxième alinéa de cet article. Dans ces conditions, la circonstance que le greffe des expertises du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rattaché à la 2ème chambre de ce tribunal est sans incidence sur les attributions du chef de juridiction liées au déroulement des opérations d'expertise. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'exercice de ces attributions par le président du tribunal démontrerait une volonté de ce dernier de contrôler de façon partiale les opérations d'expertise.

16. En dixième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article R. 621-9 du code précité : " Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à présenter leurs observations [sur le rapport d'expertise] dans le délai d'un mois ; une prolongation du délai peut être accordée ". Si les requérants soutiennent qu'en fixant la date de l'audience au cours de laquelle devait être examinée leur demande de référé le 19 décembre 2018 alors que le rapport d'expertise leur avait été communiqué le 19 novembre précédant, le tribunal a méconnu ces dispositions, ils se bornent à invoquer des irrégularités de procédure. Ils n'établissent pas, dans ces conditions, que le tribunal puisse être légitimement suspecté de partialité à leur égard.

17. En onzième lieu, il ressort des deux ordonnances des 25 et 27 septembre 2018 par lesquelles le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes en récusation du président du tribunal présentées par les requérants, qu'elles ont été rendues sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans faire l'objet de communication. Par suite, d'une part, et alors même qu'une partie n'est jamais tenue de présenter des observations en défense, le président du tribunal ne pouvait pas faire de telles observations. D'autre part, si les experts ont mentionné dans la partie de leur rapport relative à l'organisation de l'expertise que les demandes de récusation ne se justifiaient pas, cette seule circonstance ne permet pas d'établir que ces demandes auraient été communiquées à des personnes n'étant pas parties à l'instance et que le principe du contradictoire aurait été méconnu. En tout état de cause, de tels moyens qui se rapportent à une irrégularité de procédure ne permettent pas, pour les mêmes raisons que celles invoquées au point précédent, d'établir la partialité de la juridiction.

18. En douzième lieu, aux termes de l'article R. 621-8-1 du code de justice administrative : " Pendant le déroulement des opérations d'expertise, le président de la juridiction peut organiser une ou plusieurs séances en vue de veiller au bon déroulement de ces opérations ". La possibilité pour le chef de juridiction de régler les incidents qui pourraient compromettre le bon déroulement de l'expertise, instituée par ces dispositions, ne prive pas l'expert de la maîtrise des opérations d'expertise qui doivent être conformes à sa mission. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aurait manqué à ses obligations et fait ainsi preuve de parti pris en ne vérifiant pas que les experts avaient eu toutes les pièces du dossier médical de M. G... E... et en ne veillant pas à ce que ces derniers leur communiquent l'ensemble des pièces médicales et entendent toutes les parties qui en faisaient la demande. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que le président du tribunal aurait compromis le caractère contradictoire de l'expertise faute pour lui d'interdire aux experts de procéder à l'évaluation de l'état de M. G... E...le 7 septembre 2018 en dehors de la présence de leurs médecins conseils.

19. En treizième lieu, si les requérants soutiennent que le président du tribunal administratif aurait eu des contacts préalables avec les experts en dehors de tout débat contradictoire pour limiter la mission décidée par la formation collégiale et notamment pour interdire la participation de l'UNAFTC et de son médecin conseil, ils n'établissent pas la réalité de leurs allégations. Ils n'établissent pas davantage que le président du tribunal serait intervenu auprès des experts pour limiter ou modifier le contenu de la mission définie par l'ordonnance du 2 juillet 2018.

20. En quatorzième lieu, il ressort du mémoire en défense du tribunal que, au cours de la réunion d'expertise du 8 septembre 2018 à laquelle il assistait en application des dispositions de l'article R. 621-1-1 du code de justice administrative, le chef de juridiction s'est borné à rappeler le droit applicable devant les juridictions administratives et à veiller à ce que les débats ne s'égarent pas dans des domaines étrangers aux opérations d'expertise telles que prévues par les experts, ainsi que sur des questions de droit qui échappent aux experts. Dans ces conditions, la circonstance invoquée par les requérants qu'il aurait interdit toute intervention de leurs conseils durant cette réunion n'est pas établie et le fait qu'il a indiqué que l'appréciation de la notion d'obstination déraisonnable était une notion juridique relevant de la seule appréciation des juges ne révèle pas un comportement partial de sa part.

21. En quinzième lieu, les moyens par lesquels les requérants tentent de remettre en cause les appréciations juridiques qui ont conduit le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à rejeter leurs demandes de récusation par les ordonnances des 25 et 27 septembre 2018 ne se rattachent à aucune cause justifiant le renvoi pour suspicion légitime.

22. En seizième lieu, les consorts E...soutiennent que le chef de juridiction a exercé une emprise sur les magistrats du tribunal, notamment en assistant dans le public à l'audience du 20 juin 2018, en limitant la mission d'expertise définie par une formation collégiale, en faisant déclarer irrecevables les recours tendant à sa récusation et en imposant aux juges de la formation collégiale de référé de violer l'article R. 621-9 du code de justice administrative. De telles allégations, relatives à des pratiques qui seraient en contradiction avec le principe d'indépendance des magistrats, sont dénuées de tout fondement.

23. En dernier lieu, il ne ressort pas des termes du mémoire en défense que le tribunal aurait fait preuve d'inimitié voire d'hostilité à l'égard des requérants justifiant le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la requête des consorts E...ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions tendant la suppression d'écrits diffamatoires :

25. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

26. Le passage de la requête des consorts E...commençant par les mots " Si le président Wyss " et finissant par les mots " toute une famille " qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne constitue pas un moyen, présente un caractère diffamatoire. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E..., de Mme E..., de M. J... et de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le passage de la requête de M. E..., de Mme E..., de M. J... et de Mme D... commençant par les mots " Si le président Wyss " et finissant par les mots " toute une famille " est supprimé.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...en application des dispositions du 3ème alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

9

N° 18NC03279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03279
Date de la décision : 16/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Yves MARINO
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : TRIOMPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-16;18nc03279 ?
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