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14/01/2019 | FRANCE | N°18NC03344

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 14 janvier 2019, 18NC03344


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, M. C...B..., représenté par Me A..., demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " famille de communautaire ", jusqu'à ce que la cour statue au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un récÃ

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, M. C...B..., représenté par Me A..., demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " famille de communautaire ", jusqu'à ce que la cour statue au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B...soutient que :

- l'urgence est présumée dès lors que le préfet a décidé le 5 janvier 2018, de l'admettre au séjour en qualité de membre de famille d'une ressortissante belge ; ce titre de séjour n'était subordonné à aucune condition ; cette décision était créatrice de droits ; il s'est ensuite vu remettre un récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail ; il justifie de circonstances particulières dès lors qu'il apporte la preuve d'une communauté de vie avec une ressortissante communautaire depuis mai 2016 et qu'il a conclu un pacte de solidarité avec elle en octobre 2016 ; il est titulaire d'un emploi et la décision contestée lui interdit de travailler ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour qui est insuffisamment motivée, le préfet s'étant fondé sur un unique motif tiré de ce que le passeport produit constituait un faux document au sens de l'article 441-2 du code pénal sans énoncer aucun motif de droit justifiant un refus de titre de séjour et sans viser aucun texte relatif au séjour ; cette seule mention ne suffit pas à caractériser une menace à l'ordre public; l'avis de la police aux frontières ne suffit pas à établir le caractère falsifié du passeport ;

- le préfet n'a pas respecté la procédure contradictoire requise en cas de retrait d'une décision créatrice de droit alors que la décision du 5 janvier 2018 lui délivrant un titre de séjour était créatrice de droit et n'était subordonnée à aucune condition ;

- l'autorité administrative a commis une erreur de droit, le droit au séjour n'étant pas subordonné à la condition de présentation d'un passeport en cours de validité ; il a quitté précipitamment la Guinée ce qui explique que son passeport ait pu être établi hâtivement sans qu'il ait eu l'intention d'utiliser un faux de sorte que l'infraction pénale n'est pas établie ;

- le préfet s'est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors qu'il justifie de sa nationalité et de son état-civil par un acte de naissance et un jugement supplétif ayant permis son établissement, une carte d'identité consulaire et un permis de conduire ; l'authenticité et la valeur probante de ces documents n'étant pas sérieusement contestée, la fraude invoquée par le préfet n'est pas établie ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a la qualité de membre de la famille d'un ressortissant communautaire avec qui il est lié par un PACS ; il justifie d'une vie commune avec sa compagne dont il a eu un enfant né le 9 mai 2018 ; le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Vu la décision dont la suspension est demandée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Vu la requête numéro 18NC01043, enregistrée le 12 décembre 2018, par laquelle M. B... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 février 2018 et celle de l'arrêté du 16 juillet 2018.

Vu la décision de la présidente de la cour désignant M. Meslay, président de chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le juge des référés a, au cours de l'audience publique du 3 janvier 2019 à 14 h, présenté son rapport et entendu les observations de MeA..., pour M.B..., qui persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ainsi que les observations de M.B....

En application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative, le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 7 janvier à 17 h, afin de laisser à M. B...et au préfet du Doubs la possibilité de produire la décision du 5 janvier 2018, la demande de titre de séjour et le rapport de la police aux frontières relatif à l'authenticité du passeport de M.B....

Vu les pièces produites par M. B...et le préfet du Doubs qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin de suspension de la décision du 16 juillet 2018 :

1. M.B..., ressortissant guinéen, est entré en France le 6 mai 2016 pour rejoindre sa compagne de nationalité belge et a sollicité un titre de séjour en mai 2017. Le préfet du Doubs lui a délivré un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler du 20 octobre 2017 au 19 février 2018, renouvelé jusqu'au 29 juin 2018. Par lettre du 5 janvier 2018, le préfet du Doubs a décidé de l'admettre au séjour et lui a indiqué qu'il lui délivrerait prochainement une carte de séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 16 juillet 2018, le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...au motif qu'il avait produit un passeport guinéen que les services de la police aux frontières du Doubs ont estimé être un faux document au sens de l'article 441-2 du code pénal. Par un jugement du 15 novembre 2018, dont M. B...demande l'annulation, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cette décision. M. B...demande au juge des référés la suspension de la décision du 16 juillet 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

En ce qui concerne l'urgence :

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Cette condition d'urgence est en principe satisfaite dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour ou d'un retrait de ce titre. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.

4. Il ressort des pièces du dossier que par décision du 5 janvier 2018, le préfet du Doubs a décidé d'admettre M. B...au séjour et lui a indiqué, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'il lui délivrerait prochainement une carte de séjour en qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire. Cette décision n'était subordonnée à aucune condition, contrairement à ce qu'a relevé le préfet dans la décision contestée du 16 juillet 2018. En outre, le préfet a délivré à M. B... des récépissés de carte de séjour du 20 octobre 2017 au 29 juin 2018 l'autorisant à travailler et M. B...justifie disposer d'un contrat à durée déterminée qui a été suspendu postérieurement à la décision attaquée. Enfin, la compagne de M.B..., avec qui il a conclu un pacte civil de solidarité le 28 octobre 2016, réside régulièrement en France en qualité de ressortissant communautaire. Le requérant justifie ainsi de circonstances particulières caractérisant une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision :

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Doubs, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...en qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire, s'est fondé sur un unique motif tiré de ce qu'il avait produit un passeport guinéen que l'analyste en fraudes documentaires de la police aux frontières du Doubs a considéré comme un faux document au sens de l'article 441-2 du code pénal. Le préfet, s'il a ainsi relevé une considération de fait n'a énoncé aucune considération de droit ni cité aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à justifier légalement la décision de refus de séjour contestée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Par suite, l'exécution de la décision contestée doit être suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution de la présente ordonnance implique seulement que le préfet du Doubs délivre à M. B...une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance jusqu'à ce que la cour ait définitivement statué sur la légalité de la décision du 16 juillet 2018, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. M. B...n'a pas demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle et a présenté des conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision du préfet du Doubs du 16 juillet 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. B...une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.

Fait à Nancy, le 14 janvier 2019.

Le juge des référés,

Signé : P. MESLAY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. FIRMERY

N° 18NC033442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03344
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre MESLAY
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-14;18nc03344 ?
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