Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.
Par un jugement no 1800642 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2018, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que son arrêté a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'avait pas à comporter de mention sur sa capacité à voyager ; aucun élément du dossier ne suscitait d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine ;
- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;
- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour étant légal, l'obligation de quitter le territoire français ne doit pas être annulée par voie de conséquence.
M. B...A...n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, est entré irrégulièrement en France le 2 février 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 septembre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juin 2013. Ses demandes de réexamen de l'asile ont été rejetées par ces deux instances. Le préfet du Doubs, par un arrêté du 4 septembre 2013, a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 5 décembre 2013, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé, qui lui a été accordé pour la période du 17 avril 2014 au 16 avril 2015, et qui a été renouvelé à deux reprises. Le 24 février 2017, M. A... a demandé le renouvellement de ce titre de séjour. A la suite de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet du Doubs a ,par un arrêté du 31 janvier 2018, refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 26 juin 2018, dont le préfet fait appel, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...)/ 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...)". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : "Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, de vérifier, au vu notamment de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, si l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et d'apprécier si celui-ci peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour annuler la décision du préfet du Doubs du 31 janvier 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à M.A..., le tribunal administratif de Besançon a relevé que par les éléments qu'il avait produits, le préfet n'avait pas renversé la présomption d'absence de traitement effectif résultant de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
5. Dans son avis du 11 octobre 2017, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé ne peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. A...souffre de diabète de type II, d'hypertension artérielle sévère, un syndrome d'apnée du sommeil, d'un état dépressif, de crises de gouttes et d'insuffisance rénale. Il prend, pour ces pathologies, un traitement comportant notamment du Lercapress, de Lysanxia, de metformine. Son état nécessite également l'utilisation d'un appareil d'apnée du sommeil qui n'est pas commercialisé dans son pays d'origine.
6. Pour renverser la présomption de l'absence d'accès effectif à un traitement, le préfet du Doubs a produit divers documents, dont des fiches " Medical Country of Origin Information " communiquées par le médecin, conseiller auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur, pour établir que la République démocratique du Congo dispose des structures de soins et des médicaments nécessaires au traitement des pathologies de M.A.... Certes, il ressort de ces documents que les médicaments permettant de traiter les crises de goutte (colchicine) et le diabète non insulino-dépendant (metformine) sont disponibles dans ce pays. De même, ils établissent que des molécules, dont les principes actifs sont équivalents au Lercapress et au Lysanxia, y sont commercialisées pour le traitement de l'hypertension et des dépressions. Il ressort également de ces documents que la République démocratique du Congo dispose de structures, au moins à Kinshasa, permettant de traiter les troubles dépressifs, l'hypertension artérielle et l'apnée du sommeil. Toutefois, ces seuls éléments n'établissent pas l'accessibilité effective aux traitements indispensables à l'état de santé de M.A..., compte tenu notamment des caractéristiques et de l'organisation du système de santé de ce pays qui n'assure que marginalement la prise en charge des soins. Ainsi, le préfet ne renverse pas la présomption de l'absence d'accès effectif à un traitement résultant de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 31 janvier 2018.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
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No 18NC02056