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27/12/2018 | FRANCE | N°18NC00853

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 18NC00853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1703075 du

21 novembre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1703075 du 21 novembre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce une interdiction de retour de M. B...sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 11 juin 2018, M. C... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 21 novembre 2017 en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- elle méconnait le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 18 mai 2018 et le 13 juin 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les observations de Me A...pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant camerounais né le 23 janvier 1975, a fait l'objet d'une remise aux autorités françaises par les autorités suisses le 17 novembre 2017. Par un arrêté daté du même jour, le préfet du Haut-Rhin a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait le renvoyer en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 21 novembre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté en tant qu'il interdit le retour de M. B... sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande. Le requérant relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ce surplus.

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

3. L'arrêté contesté mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Haut-Rhin s'est fondé pour obliger M. B...à quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutient le requérant, cet arrêté fait état de sa situation personnelle et familiale en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour.

5. Il ressort du procès-verbal d'audition établi le 17 novembre 2017 à 11 heures 45 que M. B... a été invité, par l'officier de police judiciaire du service de la police aux frontières de Saint-Louis, à présenter ses observations sur une éventuelle mesure d'éloignement que le préfet du Haut-Rhin pourrait prendre à son encontre. Selon les termes de ce procès-verbal, l'intéressé a fait part de son souhait de ne pas retourner au Cameroun et des démarches qu'il entendait entreprendre afin de déposer une demande de titre de séjour. Il a ainsi été mis à même de présenter ses observations avant que le préfet du Haut-Rhin ne lui notifie la décision l'obligeant à quitter le territoire français, le 17 novembre 2017 à 15 heures 40. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu le droit de l'intéressé d'être entendu doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

7. Si M. B...fait valoir qu'il est le père d'une enfant née en France en 2009, il n'exerce pas sur celle-ci l'autorité parentale, qui lui a été retirée par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 12 septembre 2012. Sa demande tendant à obtenir le rétablissement de cette autorité parentale, ainsi qu'un droit de visite, a été rejetée le 5 décembre 2014 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg, dont le jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 23 mai 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par suite, et faute pour lui d'établir qu'il aurait exercé l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou subvenu à ses besoins, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B...fait valoir qu'il est arrivé sur le territoire français en 1997 pour y suivre des études, qu'il a obtenu une maîtrise en droit, économie et gestion en 2009, qu'il est le père d'une enfant de nationalité française née en 2009 et que sa mère et ses frères et soeurs résident régulièrement en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, séparé de la mère de sa fille, a été privé de l'autorité parentale et ne bénéficie d'aucun droit de visite. Il n'établit pas être dépourvu de toute attache au Cameroun, pays dans lequel il est retourné vivre de novembre 2011 à novembre 2013. Dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour du requérant depuis son arrivée sur le territoire français, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait omis de prendre en compte l'intérêt supérieur de la fille de M.B..., alors que celui-ci était, à la date de la décision contestée, privé de l'autorité parentale et de tout droit de visite. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

12. En dernier lieu, il n'est pas établi, eu égard aux termes de l'arrêté contesté, que le préfet du Haut-Rhin aurait omis de procéder à un examen complet de la situation du requérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC00853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00853
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : KOLB-CROUZIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;18nc00853 ?
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