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11/12/2018 | FRANCE | N°17NC03057

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 17NC03057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 31 août 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1701909 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregis

trés le 19 décembre 2017 et le 19 avril 2018, Mme B...A..., représentée par Me Rochiccioli, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 31 août 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 1701909 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2017 et le 19 avril 2018, Mme B...A..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2016 était sans incidence sur celle de l'arrêté attaqué.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée a été prise en violation de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas produit l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) permettant de vérifier sa régularité ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'un rapport médical a été transmis au collège de médecins de l'OFII et que l'auteur de ce rapport n'a pas siégé au sein du collège de médecins en application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son dossier médical ne lui a pas été transmis en dépit d'une demande en ce sens à l'OFII, la privant de la possibilité de connaître les éléments sur lesquels est fondé l'avis ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision attaquée ne comporte aucune motivation spécifique ;

- le préfet a commis une erreur de droit en fixant de manière automatique le délai de départ à un mois ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation justifiait un délai de départ supérieur à un mois en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, en dehors des moyens d'ordre public, des moyens de légalité externe présentés pour la première fois en appel et se rattachant à une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens invoqués dans la demande introductive d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité camerounaise, née en 1959, est entrée en France, le 3 août 2014, munie d'un visa de court séjour pour raisons médicales, délivré par les autorités consulaires françaises à Yaoundé pour une durée de 38 jours. Le préfet de la Marne lui a accordé, le 17 décembre 2015, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois dont elle a demandé le renouvellement le 2 mai 2016. Par un arrêté du 20 juin 2016, le préfet de la Marne a refusé cette demande et a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 janvier 2017. En exécution de ce jugement, le préfet a délivré à Mme A..., le 27 janvier 2017, une autorisation provisoire de séjour. Parallèlement, cette dernière a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 31 août 2017, pris après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Marne a refusé de renouveler ce titre de séjour, a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Par un jugement du 7 décembre 2017, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)/11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne s'est fondé sur l'avis émis le 22 août 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que MmeA..., qui a subi une première intervention en décembre 2014 consistant dans la pose d'une prothèse totale du genou droit puis, en raison de complications, une seconde opération le 9 octobre 2015, continue de souffrir de ce genou en raison d'une algodystrophie. En outre, elle doit subir une intervention identique du genou gauche qui ne peut être envisagée tant que persistent les douleurs du genou droit. Il ressort des certificats médicaux, notamment des 18 juillet 2017, 27 novembre 2017 et 20 décembre 2018, que pour remédier à ses douleurs chroniques, Mme A... a été orientée vers le centre de la douleur de Reims qui la suit depuis le mois de juillet 2016. L'intéressée bénéficie, dans ce cadre, de stimulations électriques et d'emplâtre de lidocaine. Il lui a été proposé de poursuivre cette thérapie. De plus, selon ces pièces médicales, il est prévu de lui poser un bloc analgésique en janvier 2018. Ces certificats, bien que postérieurs à la décision contestée, établissent qu'à la date de son édiction, l'état de santé de Mme A...nécessitait non seulement des séances de kinésithérapie et un traitement médicamenteux à base d'antalgique mais également des soins particuliers assurés par le centre de la douleur. Il ressort du certificat médical du 20 décembre 2017, produit en appel par Mme A..., qu'il n'existe au Cameroun ni structure équivalente à un centre anti-douleurs, ni plateau technique susceptible de traiter l'ensemble des pathologies dont elle souffre. Ainsi, ces éléments sont de nature à établir que Mme A...ne pourra pas disposer, dans son pays d'origine, d'un accès à des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Mme A...est, par suite, fondée à en demander l'annulation. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination sont dépourvues de base légale et doivent également être annulées.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués dans la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de la Marne délivre à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

6. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rochiccioli, avocate de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à l'avocate de la requérante.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne no 1701909 du 7 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Marne du 31 août 2017 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Marne de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Rochiccioli la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.

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No 17NC03057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03057
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DIOP

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-11;17nc03057 ?
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