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11/12/2018 | FRANCE | N°16NC02076

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 16NC02076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 janvier 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires Est-Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 et l'a placé à demi-traitement à compter du 1er janvier 2012, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des primes illégalement retenues, ainsi qu'une somme de 3 500

euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1402685 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Del Popolo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 janvier 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires Est-Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 et l'a placé à demi-traitement à compter du 1er janvier 2012, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des primes illégalement retenues, ainsi qu'une somme de 3 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1402685 du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 janvier 2012 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la situation du requérant et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2016, un mémoire ampliatif enregistré le 20 juillet 2018 et cinq mémoires complémentaires enregistrés les 20 et 28 septembre 2018 et les 11 et 12 novembre 2018, M. B... Del Popolo, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2012, en réparation de son préjudice moral ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2012, au titre des primes dont il a été irrégulièrement privé ;

4°) de reconnaître l'imputabilité au service des accidents de travail survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011.

Il soutient que :

- le signataire du mémoire en défense n'a pas qualité pour agir ;

- la directrice interrégionale des services pénitentiaires ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- les accidents des 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 sont présumés imputables au service dès lors qu'ils sont intervenus sur le lieu du service et pendant les horaires de travail ;

- la commission de réforme qui s'est prononcée sur sa situation ne comportait pas de médecin psychiatre ;

- son employeur était tenu d'assurer sa protection en application des articles 2, 3, 11 et 26 de la partie n° 1 de la charte sociale européenne et des articles 2 et 3 de la partie n° 2 de cette même charte.

- il a droit à son plein traitement en application des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- il subit un préjudice moral à raison des difficultés personnelles résultant de l'absence de traitement ;

- il subit également un préjudice financier dès lors que ses primes ne lui ont pas été versées ;

- la directrice interrégionale des services pénitentiaires, appelée à d'autres fonctions, ne peut procéder au réexamen de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2018, la ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions visant à ce que la cour reconnaisse l'imputabilité au service de son accident survenu le 9 février 2013 dès lors que de telles conclusions sont nouvelles en appel.

Par une ordonnance du 20 septembre 2018, l'instruction a été close à la date du 9 octobre 2018.

M. Del Popolo a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016 modifiée le 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. Del Popolo, secrétaire administratif de l'administration pénitentiaire, a saisi la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg de demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de chocs émotionnels qu'il indique avoir éprouvés les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011. Par une décision du 23 janvier 2012, la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg a rejeté ces demandes et a placé l'intéressé à demi-traitement à compter du 1er janvier 2012. M. Del Popolo a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir l'annulation de cette décision et la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice moral et de ses pertes de revenus. Par un jugement du 28 juillet 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 23 janvier 2012 en tant qu'elle refuse l'imputabilité au service des trois accidents subis par le requérant, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa situation et a rejeté le surplus de sa demande. M. Del Popolo relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires et comporte une mesure d'injonction.

Sur la recevabilité du mémoire en défense présenté par la ministre de la justice :

2. Par une décision du 6 juillet 2018 publiée au Journal officiel de la République française du 12 juillet 2018, M. C...A..., adjoint au chef du bureau du contentieux administratif, a reçu délégation pour signer au nom de la ministre de la justice l'ensemble des actes relevant du bureau du contentieux administratif et du conseil de la sous-direction des affaires juridiques générales et du contentieux, à l'exclusion des décrets. La fin de non recevoir opposée par M. Del Popolo au mémoire en défense présenté par l'administration ne peut donc qu'être écartée.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 :

3. Les conclusions tendant à ce que la cour reconnaisse l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes du 1° du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés : " Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ". Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. Del Popolo a fait l'objet d'un arrêt de travail du 6 au 17 mars 2008 à la suite d'une altercation avec l'un de ses collègues survenue le 6 mars 2008. L'intéressé a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail du 19 novembre 2010 au 9 janvier 2011 après un désaccord avec son supérieur hiérarchique sur les conditions de classement de notes administratives. M. Del Popolo ayant repris son service le 10 janvier 2011, il a de nouveau été arrêté à compter du 11 janvier 2011 après que son supérieur lui a adressé des remarques sur les conditions dans lesquelles il exerçait ses fonctions au service des archives. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, pour vice de procédure, la décision refusant l'imputabilité au service des accidents survenus les 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011. Toutefois, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise.

6. D'une part, M. Del Popolo demande la réparation de son préjudice moral et de ses pertes de revenus résultant de la privation d'une partie de son traitement et de ses primes à compter du 1er janvier 2012, date à laquelle sa rémunération a été réduite de moitié. S'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'accident survenu le 6 mars 2008, M. Del Popolo a bénéficié d'un congé de maladie jusqu'au 17 mars suivant, il a ensuite repris ses fonctions jusqu'au 18 novembre 2010. Il n'est pas établi et il n'est pas soutenu par le requérant que son arrêt de travail du 19 novembre 2010 au 9 janvier 2011 puis à compter du 11 janvier 2011 aurait quelque lien que ce soit avec l'accident du 6 mars 2008. M. Del Popolo a donc été placé à demi-traitement à compter du 1er janvier 2012 au motif qu'étant en congé de maladie depuis le 11 janvier 2011, il ne pouvait plus bénéficier de l'intégralité de son traitement dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Dans ces conditions, si le requérant soutient que l'accident du 6 mars 2008 est imputable au service, cette circonstance, à la supposer avérée, est insusceptible de lui ouvrir droit à réparation en l'espèce, dès lors que cet accident n'est pas à l'origine des préjudices allégués.

7. D'autre part, M. Del Popolo soutient avoir subi un choc émotionnel les 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 après que son supérieur hiérarchique lui a adressé des observations sur son travail. Si le requérant évoque de violentes altercations, ce qui ne ressort pas des rapports établis par son supérieur les 26 novembre 2010 et 19 janvier 2011, le médecin psychiatre, qui a examiné l'intéressé en vue de la séance de la commission de réforme, a relevé, dans son rapport du 24 mars 2011, l'absence de stress post-traumatique, une paranoïa centrée sur le directeur de l'établissement et une " activité procédurière avec des manifestations de méfiance et [une] fausseté du jugement ". Ce médecin a conclu à l'absence d'imputabilité au service des accidents survenus les 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011, lesquels résultent selon lui de la pathologie mentale dont est atteint le requérant. Celui-ci, qui a contesté le rapport médical du 24 mars 2011, a été examiné par un second médecin psychiatre qui a confirmé en tous points les conclusions de son confrère. Dans ces conditions, si M. Del Popolo fait valoir que les accidents litigieux ont eu lieu au sein du service, pendant les horaires de travail et à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, ces accidents sont la conséquence de sa pathologie et, eu égard à cette circonstance particulière, ne présentent pas le caractère d'un accident de service.

8. En deuxième lieu, si M. Del Popolo soutient que la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg n'était pas compétente pour se prononcer sur sa situation et que la composition de la commission de réforme était irrégulière, ces circonstances sont sans incidence sur son droit à réparation.

9. En troisième lieu, le requérant soutient encore qu'il devait être protégé par son employeur en application des articles 2, 3, 11 et 26 de la partie n° 1 de la charte sociale européenne et des articles 2 et 3 de la partie n° 2 de cette même charte. Il n'apporte cependant pas à l'appui d'un tel moyen les précisions qui permettraient d'en apprécier le bien fondé.

10. En dernier lieu, l'annulation de la décision du 23 janvier 2012 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des accidents des 6 mars 2008, 18 novembre 2010 et 11 janvier 2011 implique seulement le réexamen de la situation de M. Del Popolo afin que l'administration se prononce de nouveau, et suivant une procédure régulière, sur sa demande d'imputabilité. La circonstance que la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, signataire de cette décision, a été appelée à d'autres fonctions ne fait pas obstacle à un tel réexamen par son remplaçant. M. Del Popolo n'est donc pas fondé à contester sur ce point la mesure d'injonction prise par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. Del Popolo n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires et prononcé une mesure d'injonction limitée au réexamen de sa situation.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Del Popolo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Del Popolo et à la ministre de la justice, garde des sceaux.

Copie en sera adressée à la direction interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.

2

N° 16NC02076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02076
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : ORDRE DES AVOCATS À LA COUR D'APPEL DE NANCY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-11;16nc02076 ?
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