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20/11/2018 | FRANCE | N°18NC00209

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 18NC00209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté

daté du même jour prononçant son assignation à résidence pour une durée de quara...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté daté du même jour prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1702812 du 27 octobre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté en tant qu'il interdit le retour de M. A...sur le territoire français et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 octobre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 octobre 2017 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine, ainsi que l'arrêté daté du même jour prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle a omis de procéder à un examen de sa situation ;

- il a été obligé de quitter le territoire français alors que le délai de recours contre la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour présentée le 22 mai 2017 n'était pas expiré ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision prononçant son assignation à résidence est devenue sans objet.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les observations de MeB..., pour M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant arménien né le 5 mai 1987, déclare être entré sur le territoire français le 16 janvier 2013 afin de demander la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 juillet 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 avril 2016. Par un arrêté du 14 juin 2016, M. A...a fait l'objet d'une décision de refus séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Faisant état de sa vie privée et familiale en France, il a présenté le 22 mai 2017 une demande de titre de séjour, laquelle a été implicitement rejetée par le préfet de Meurthe-et-Moselle. Par un arrêté du 16 octobre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, en fixant le pays de destination et en lui interdisant tout retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté préfectoral du même jour, M. A...a en outre été assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 27 octobre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... dirigées contres les autres décisions prises à son encontre. Le requérant relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ce surplus.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes du II du même article L. 511-1 : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

3. L'arrêté obligeant M. A...à quitter le territoire français sans délai mentionne les dispositions du 1° et du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le b) du 3° du II du même article et est donc suffisamment motivé en droit. Contrairement à ce que soutient M.A..., cet arrêté mentionne également, de façon suffisamment précise et circonstanciée, l'ensemble des éléments se rapportant à sa situation personnelle qui ont conduit le préfet de Meurthe-et-Moselle à prendre une mesure d'éloignement à son encontre sans lui accorder de délai de départ volontaire. L'arrêté du 16 octobre 2017 est donc suffisamment motivé en fait, en tant qu'il oblige le requérant à quitter le territoire français sans délai.

4. Ce même arrêté indique en outre que si M. A...s'est initialement présenté comme un ressortissant azerbaïdjanais, il a ensuite indiqué avoir la nationalité arménienne. Cet arrêté précise d'ailleurs que les autorités arméniennes ont reconnu l'intéressé comme l'un de leurs ressortissants, ce qu'il ne conteste pas dans ses écritures. Après avoir rappelé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté litigieux précise que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour vers le pays dont il a la nationalité. Dans ces conditions, la décision fixant l'Arménie comme pays de destination est également motivée de façon suffisante.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A...fait état de son entrée en France le 16 janvier 2013, de ses efforts d'intégration dans la société française, de sa relation depuis 2014 avec une ressortissante russe bénéficiant de la protection subsidiaire et des liens affectifs qu'il entretient avec la fille de sa compagne. Toutefois, à l'exception d'attestations établies par des proches, les pièces produites au dossier indiquent que la communauté de vie du couple n'a commencé de façon certaine qu'à la fin de l'année 2016 et présentait donc un caractère récent à la date de la mesure d'éloignement contestée, intervenue le 16 octobre 2017. M. A...ne justifie pas d'une insertion sociale ou de liens privés particulièrement stables, anciens et intenses en France, où il est arrivé en janvier 2013 après avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans dans son pays d'origine. L'intéressé, qui a déclaré lors de son audition par les services de police le 16 octobre 2017 que ses parents et sa soeur résidaient en Arménie, ne justifie pas non plus être sans attache dans ce pays. S'il soutient parler couramment le français, il ressort du procès-verbal de son audition qu'il n'a pu s'exprimer sans l'assistance d'un interprète. Si M. A... indique avoir épousé sa compagne le 21 décembre 2017, cette union est postérieure à la décision contestée. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour et au caractère récent des liens affectifs qu'il a noués sur le territoire français, la décision obligeant le requérant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. M. A...soutient qu'il élève la fille de sa compagne depuis qu'elle a l'âge de deux ans et que l'enfant le considère comme un père. Si le requérant fait ainsi état des liens affectifs qui l'unissent à l'enfant et de sa participation effective à son éducation, la relation qu'il entretient avec cette enfant présentait un caractère récent à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet aurait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant et par là même violé les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai.

9. En quatrième lieu et eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 8, M. A...ne démontre pas que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences, sur sa situation, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté contesté, que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait omis de procéder à un examen de la situation du requérant avant de statuer sur sa situation. Si M. A...soutient avoir été obligé de quitter le territoire français alors que le délai de recours contre la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour présentée le 22 mai 2017 n'était pas expiré, il n'apporte pas à l'appui de ses allégations les précisions qui permettent d'en apprécier la portée.

11. En dernier lieu, si M. A...réitère en appel sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant son assignation à résidence, il se borne à relever que cette décision est devenue sans objet et n'articule aucun moyen de droit susceptible d'en contester utilement la légalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC00209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00209
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-20;18nc00209 ?
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