Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Fernando Puatto a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013.
Par un jugement n° 1505250 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 24 décembre 2017, 23 juillet, 5 et 7 septembre 2018, l'EURL Fernando Puatto, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; elle n'a pas été mise en mesure de demander la communication dans le cadre de l'article L. 76 B du même livre des factures émises par la société Deveaux ;
- elle n'a pas reçu la proposition de rectification du 17 décembre 2013 avant la notification de l'avis de mise en recouvrement ; elle a été privée de la faculté d'exercer les recours administratifs prévus par la charte du contribuable vérifié ;
- l'administration n'établit pas le caractère fictif des factures d'achat qu'elle a présentées ;
- les opérations ayant fait l'objet de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée sont réelles ; l'absence de versement de la part de l'EURL Fernando Puatto est la conséquence de la compensation effectuées entre des créances réciproques ;
- son droit à déduction est né lors de la réalisation de la vente peu importe la date de la remise matérielle ou le paiement du prix ;
- en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative du 12 septembre 2012 relative à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle n'a commis aucune manoeuvre frauduleuse qui justifierait l'application de pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Fernando Puatto ne sont pas fondés.
Par lettre du 10 septembre 2018, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il appartient au juge, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
L'EURL Fernando Puatto a présenté le 13 septembre 2018 des observations en réponse à ce courrier.
Un mémoire présenté par le ministre de l'action et des comptes publics a été enregistré le 4 octobre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'EURL Fernando Puatto.
Des notes en délibéré, présentées par l'EURL Fernando Puatto, ont été enregistrées respectivement le 20 octobre 2018 et le 31 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 23 avril au 16 juin 2013 portant sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2010 au 28 février 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que des factures d'achats de machines à tisser ne correspondaient à aucune opération réelle et a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible correspondant à ces achats. Par une proposition de rectification du 17 décembre 2013, notifiée dans le cadre d'une procédure contradictoire, l'administration a informé la société requérante qu'elle envisageait de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013. Ces rappels ont été mis en recouvrement le 7 février 2014. L'EURL Fernando Puatto relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ".
3. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.
4. Il est constant que le gérant de l'EURL Fernando Puatto, qui a demandé au vérificateur de conduire ses investigations dans le cabinet du comptable de la société, a personnellement rencontré ce vérificateur à cinq reprises, les 23 avril, 4 juin, 21 juin, 15 et 16 juillet 2013. Il n'est pas justifié par l'EURL que le vérificateur se soit refusé à tout échange de vues au cours de ces rencontres. Le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit, dès lors, être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".
6. Il incombe à l'administration d'établir que la proposition de rectification est parvenue en temps utile au contribuable pour interrompre le délai de reprise prévu par les dispositions précitées. En cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant le document, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est notamment établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve. lorsque des dispositions prévues par l'instruction de la direction générale de la Poste en date du 6 septembre 1990 relatives à la distribution des plis recommandés n'ont pas été respectées, il incombe au juge de rechercher si ces omissions revêtaient ou non un caractère substantiel, compte tenu des garanties pratiques que ces dispositions confèrent au destinataire du pli.
7. Il résulte de l'instruction que l'enveloppe contenant la proposition de rectification du 17 décembre 2013 a été expédiée le même jour par l'administration fiscale à l'adresse de l'EURL Fernando Puatto. Le pli a été présenté à la société le 18 décembre 2013 et a été mis en instance faute d'avoir été distribué. Le pli a été retourné avec la mention " pli avisé non réclamé ". Par ailleurs la rubrique " présenté le " de l'avis de réception retourné à l'administration est complétée par la mention manuscrite de la date du 18 décembre 2013. Ces éléments sont suffisamment clairs, précis et concordants pour établir que l'EURL Fernando Puatto a été régulièrement avisée dès le 18 décembre 2013 de ce que ce pli était à sa disposition au bureau de poste dont elle relevait pendant la durée réglementaire. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été destinataire de la proposition de rectification du 17 décembre 2013 lui notifiant les rappels en litige. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée des voies de recours prévues par la charte du contribuable vérifié.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.
9. Il résulte de l'instruction que dans la proposition de rectification du 17 décembre 2013, l'administration indique qu'elle a exercé son droit de communication auprès de la société Deveaux, fournisseur de l'EURL Fernando Puatto afin d'obtenir les factures des opérations d'achat en cause. Les résultats de ce droit de communication sont mentionnés dans ladite proposition de rectification. Ainsi, l'administration a informé la société requérante avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, permettant à la société requérante de demander la communication de ces documents. L'EURL Fernando Puatto, qui n'a pas retiré le pli contenant la proposition de rectification du 17 décembre 2013, s'est privée de la possibilité d'obtenir ces informations. Par suite, elle ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pas été mise en mesure de demander la communication des factures émises par la société Deveaux.
10. En dernier lieu, l'EURL Fernando Puatto n'est pas fondée à se prévaloir de l'instruction BOI-CF-PGR-30-10-20171004 publiée le 4 octobre 2017, qui traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut pas être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales .
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la loi fiscale :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du même code : " I 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 272 dudit code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Aux termes de l'article 283 du même code, dans sa version applicable aux rappels litigieux : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée (...) ".
12. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Pour l'application de ces dispositions qui résultent de la transposition en droit interne de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts SGI et SNC Valeriane du 27 juin 2018 (C-459/17 et C-460/17), pour refuser à l'assujetti destinataire d'une facture le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture, il suffit que l'administration établisse que les opérations auxquelles cette facture correspond n'ont pas été réalisées effectivement.
13. Par un contrat du 25 mai 2011, l'EURL Fernando Puatto s'est engagée à acheter 90 métiers à tisser d'occasion auprès de la société Deveaux pour un montant de 3 191 940 euros hors taxes et à lui revendre 84 machines neuves acquises auprès de la société Picanol, située en Belgique, pour un montant de 4 452 000 euros hors taxes. La vente a été confirmée par courrier du 14 juin 2011. L'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant une partie des factures d'achat des métiers à tisser auprès de la société Deveaux au motif que les machines n'ont pas fait l'objet de livraison effective.
14. Il résulte de l'instruction que l'administration a exercé son droit de communication auprès de la société Deveaux et a obtenu une facture du 29 décembre 2011 relative à la vente de 18 métiers à tisser à l'EURL Fernando Puatto pour un montant de 818 064 euros toutes taxes comprises, qui ne figure pas dans la comptabilité de la société requérante. Le surplus des factures ayant fait l'objet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée par la société requérante n'a pas été enregistré dans la comptabilité de la société Deveaux. L'administration a constaté que lesdites factures ont été enregistrées au compte fournisseur dans les écritures comptables de l'EURL Fernando Puatto sans faire l'objet du règlement correspondant. L'administration a obtenu par ailleurs la communication du jugement du tribunal de commerce de Villefranche du 11 avril 2013 rendu à la suite d'une assignation de la société Deveaux par l'EURL Fernando Puatto et qui, après avoir constaté la livraison de 18 métiers à tisser, condamne la société Deveaux à fournir les machines manquantes afin d'honorer le contrat du 25 mai 2011. Cette décision a été confirmée par des arrêts de la Cour d'appel de Lyon du 24 avril 2014 et de la Cour de cassation du 12 juillet 2016. Eu égard aux éléments relevés dans la proposition de rectification du 17 décembre 2013, et sans que la validité du contrat conclu entre la société requérante et la société Deveaux soit remise en cause, l'administration établit le caractère fictif des factures dont la taxe sur la valeur ajoutée a été déduite à tort par l'EURL Fernando Puatto au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013, faute de livraison effective des métiers à tisser venant en surplus des 18 machines d'ores et déjà livrées. Les bulletins de livraison, produits pour la première fois en appel, relatifs au transport en novembre et décembre 2015 de métiers à tisser depuis les locaux de la société Deveaux à destination de l'EURL Fernando Puatto, ne permettent pas de justifier que les opérations ayant donné lieu à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013 ont été effectivement réalisées au cours de cette période. La circonstance que le prix des métiers à tisser neufs devait être payé par la société Deveaux après compensation avec la valeur des machines d'occasion par un versement global de 1 260 000 euros ne justifie pas de la réalité des opérations d'achat en litige dès lors qu'il ne s'agit que d'une modalité de paiement prévue pour l'exécution du contrat. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé à la société la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante.
15. En second lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) 2. La taxe est exigible : a) pour les livraisons et les achats visés au a) du 1 (...) lors de la réalisation du fait générateur ".
16. La société requérante soutient que son droit à déduction est né lors de la réalisation de la vente et que les conditions matérielles de livraison ne peuvent remettre en cause ce droit. Toutefois, lorsque la réalisation effective de la livraison de biens ou de la prestation de services fait défaut, aucun droit à déduction ne peut prendre naissance au sens des articles 256, 269 et 271 du code général des impôts. Il s'ensuit que l'EURL Fernando Puatto n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions des articles 256 et 269 du code général des impôts et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
17. L'EURL Fernando Puatto n'est pas fondée à revendiquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'instruction BOI-TVA-BASE-20-10 n°40, 01-07-2013, qui est postérieure à l'année d'imposition en litige.
Sur les pénalités :
18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux pénalités en litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.
19. Il résulte de l'instruction que l'EURL Fernando Puatto a eu recours à des factures fictives et a procédé à des écritures comptables irrégulières pour permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er août 2010 au 28 février 2013. Toutefois, ces circonstances ne révèlent pas que la société a eu recours à des procédés destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle. Il s'ensuit que l'administration n'établit pas l'existence de manoeuvres frauduleuses. Par suite, la majoration de 80 % dont a été assorti le redressement en litige n'est pas justifiée.
20. Toutefois, il appartient au juge, dans une telle hypothèse, alors même que l'administration ne le saisirait pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
21. Compte tenu des circonstances qui ont justifié le redressement litigieux, notamment du fait que la société requérante ne pouvait pas ignorer le défaut de livraison effective des métiers à tisser acquis pour lesquels elle a déduit de manière anticipée la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, l'administration justifie de l'intention de l'EURL Fernando Puatto d'éluder l'impôt caractérisant un manquement délibéré. Il y a lieu, par suite, de substituer d'office à la majoration de 80% appliquée par le service la majoration de 40% prévue, en cas d'absence de manquement délibéré, par l'article 1729 du code général des impôts.
22. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Fernando Puatto est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'intégralité de ses conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80 % qui lui a été assignée et n'a pas substitué d'office à cette majoration la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré .
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La majoration de 40% en cas de manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts est substituée à la majoration de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à l'EURL Fernando Puatto au titre de la période du 1er août 2010 au 28 février 2013.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Fernando Puatto est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 1505250 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Fernando Puatto et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC03109