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23/10/2018 | FRANCE | N°18NC00390

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 18NC00390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement no 1800128 du 18 janvier 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté

sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement no 1800128 du 18 janvier 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2018, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1800128 du 18 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2018 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a fait interdiction de retour d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet aurait dû saisir l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; le préfet n'établit pas qu'il pourra se soigner dans son pays d'origine ;

- le traitement qu'il suit n'est pas disponible en Côte d'Ivoire ; le tribunal a estimé à tort que l'interruption du traitement n'emporterait pas de risques graves pour sa santé ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait ;

- sa soustraction à une précédente mesure d'éloignement ne suffit pas à caractériser un risque de fuite.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'annulation de l'interdiction de retour doit également emporter effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- des circonstances humanitaires s'opposaient au prononcé d'une interdiction de retour ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant ivoirien, né en 1989, est entré régulièrement en France le 6 octobre 2008, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour pour y poursuivre des études. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant régulièrement renouvelé jusqu'au 14 juillet 2014. Par un arrêté en date du 21 octobre 2015, le préfet du Haut-Rhin a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative. L'interpellation de l'intéressé, le 12 janvier 2018, par la police aux frontières de Forbach a mis en évidence son maintien irrégulier sur le territoire. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a fait interdiction de retour pour une durée d'un an. Le recours en annulation contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 18 janvier 2018, dont M. A...relève appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

3. Dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de M. A... en date du 12 juillet 2018, que l'intéressé a mentionné qu'il était suivi tous les trois mois par un médecin du centre hospitalier psychiatrique de Rouffach depuis avril ou mai 2017 pour une décompensation psychotique et qu'il bénéficiait d'un traitement médical toutes les deux semaines qui ne pourrait pas être suivi dans son pays d'origine. De plus, un certificat médical du 24 janvier 2018 établi par un médecin psychiatre et produit en appel, atteste d'une part, de la nécessité d'un traitement au long cours, probablement à vie, qui ne peut être interrompu sans risques graves pour la santé de l'intéressé, et, d'autre part, de l'absence de disponibilité en Côte d'Ivoire du traitement qui lui est administré périodiquement. Ces éléments, bien que postérieurs à la décision en litige, établissent la nécessité des soins et la gravité de l'absence d'un traitement. Les pièces produites par le requérant démontrent également que le traitement sous forme d'injection de Risperdal Consta n'existe pas en Côte d'Ivoire. Aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'un substitut y serait commercialisé. Ainsi, même si l'intéressé n'avait présenté aucune demande de titre de séjour pour soins, le préfet au vu de ces éléments relatifs à l'état de santé de M. A...aurait dû saisir pour avis le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ce vice de procédure a été susceptible d'exercer, dans les circonstances de l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Moselle.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 12 janvier 2018 par laquelle le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence, des décisions portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. A...et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il est enjoint au préfet de la Moselle d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai.

Sur les frais d'instance supportés par M. A...:

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1800128 du 18 janvier 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Moselle du 12 janvier 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. A...dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.

4

N° 18NC00390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00390
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-23;18nc00390 ?
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