La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2018 | FRANCE | N°17NC00140

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2018, 17NC00140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 novembre 2013 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville a prononcé à son encontre l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis.

Par un jugement no 1305388 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2017,

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1305388 du 24 novembre 2016 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 novembre 2013 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville a prononcé à son encontre l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis.

Par un jugement no 1305388 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2017, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1305388 du 24 novembre 2016 ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- les rapports établis par le cadre supérieur de santé ne sont pas signés, pas plus que le rapport de saisine du conseil de discipline dont l'auteur n'est pas identifié ; ces rapports joints au rapport de saisine ne respectent pas l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

- l'intégration au dossier de la procédure disciplinaire de documents sans rapport avec les griefs justifiant l'engagement de la procédure est de nature à nuire aux droits de la défense ;

- les faits relatifs à un manque d'adaptabilité et de disponibilité et au non-respect de la tenue professionnelle ne constituent pas une faute et sont sans rapport avec les griefs à l'origine de la procédure disciplinaire ;

- le dépassement de compétences du 5 janvier 2013 n'est pas établi ; les témoignages sont contradictoires sur les faits et leur date ; en admettant même les faits, une simple question relative à la réalisation d'un acte ne relevant pas d'un aide-soignant ne constitue pas une faute ;

- les faits relatifs au positionnement d'une électrode ne sont pas davantage établis ;

- les faits relatifs à son comportement ne sont pas établis ;

- les faits de maltraitance d'un patient ne sont pas établis ;

- aucun reproche ne lui a jamais été fait sur son attitude vis-à-vis des patients ;

- l'administration cherche à faire taire un syndicaliste ;

- les rapports du 7 février 2013, du 18 février 2013 et le 7 août 2013 ne comportent que des affirmations non étayées ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83- du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., délégué syndical, exerce, depuis le 2 janvier 2013, les fonctions d'aide-soignant au sein du service d'hospitalisation conventionnelle de cardiologie et de cardio-neurologie de l'hôpital de Mercy (Moselle), qui relève du centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville. Par un courrier du 7 mai 2013, la directrice des ressources humaines l'a informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. A l'issue du conseil de discipline qui s'est réuni le 11 octobre 2013 et qui n'a pas proposé, faute de majorité suffisante, une sanction, la directrice du CHR de Metz-Thionville a infligé à M. B..., par une décision du 22 novembre 2013, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis. Le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement du 24 novembre 2016 dont l'intéressé relève appel, a rejeté la demande d'annulation de cette sanction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 : " (...)/ Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ".

3. M. B...soutient que le conseil de discipline a été irrégulièrement saisi par un rapport non signé par le directeur du centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Toutefois, ni les dispositions du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent la signature de ce rapport, qui constitue un simple document préparatoire à la décision de l'autorité disciplinaire. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a été saisi par un rapport établi, en septembre 2013, à l'entête de la direction des ressources humaines et des relations sociales, dont il n'est pas soutenu que le directeur n'aurait pas disposé d'une délégation de compétence en matière disciplinaire. En outre, ce rapport a été lu par le président du conseil de discipline, auquel participait le directeur des ressources humaines et des relations sociales, de sorte que son origine ne peut être mise en doute. Par suite, l'absence de signature du rapport de saisine du conseil de discipline par le directeur de l'établissement, qui n'a privé M. B...d'aucune garantie et n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision attaquée, n'a pas entaché d'illégalité la sanction prononcée à son encontre.

4. En deuxième lieu, le requérant soutient que les rapports des 9 janvier 2013, 7 et 18 février 2013 et 7 août 2013 ne sont pas signés, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000. Toutefois, M. B...ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, alors en vigueur, dès lors que l'obligation de signature qu'elles prévoient ne s'applique qu'aux décisions émises par l'administration et non aux documents internes émis par ses agents. Au demeurant, si ces rapports ne sont pas signés, ils mentionnent le nom du cadre supérieur de santé qui les a établis, permettant ainsi d'identifier leur auteur. Il s'ensuit que ce moyen tiré du vice de procédure doit également être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ".

6. M. B...fait valoir que la prise en compte par l'administration de nouveaux faits dénoncés postérieurement à la date de déclenchement de la procédure disciplinaire a porté atteinte au droit de la défense. Cependant, ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition n'interdisent à l'autorité disciplinaire de mentionner dans le rapport de saisine du conseil de discipline des faits postérieurs au déclenchement de la procédure. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que, M. B...a pu prendre connaissance du rapport avant que le conseil de discipline ne se réunisse et a ainsi été mis en mesure de présenter utilement sa défense sur l'ensemble des griefs qui lui étaient reprochés. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " (...)/ L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

8. Si la décision attaquée mentionne, de façon très générale, que M. B...a, à plusieurs reprises, adopté un comportement inapproprié constituant un manquement à ses devoirs, elle a ensuite illustré ces manquements en précisant qu'il avait en particulier tenté d'outre-passer le champ de ses compétences. Elle poursuit en indiquant que le 5 janvier 2013, l'intéressé a commis une faute d'une particulière gravité qui s'est manifestée par une violence verbale à l'égard d'un patient en situation de vulnérabilité, méconnaissant le respect que ses fonctions l'obligent à avoir à l'égard des personnes prises en charge. Cette décision expose ainsi de manière suffisamment circonstanciée les griefs reprochés à l'intéressé, même si elle ne mentionne pas la date de chacun d'eux. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...)/ Troisième groupe : /La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; (...) ".

10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes

11. D'une part, la décision attaquée est motivée par le comportement inapproprié de M.B..., auquel il est reproché notamment d'avoir demandé à pratiquer une pose sous-cutanée, qui ne relève pas des attributions d'un aide-soignant, et d'avoir agressé verbalement un patient le 5 janvier 2013. Ces faits, qui ont été portés à la connaissance de la direction par le cadre supérieur de santé dans un rapport du 9 janvier 2013, ont été corroborés, lors d'entretiens, notamment avec la directrice du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, par les deux agents qui les avaient constatés lors de leur service avec M. B.... L'absence de signature du rapport établi par le cadre supérieur de santé n'est pas de nature à remettre en cause sa valeur probante dès lors que son auteur, qui est identifié par sa qualité, avait, de par ses fonctions, pour mission de recueillir les observations des agents sous sa responsabilité et d'en rendre compte à la direction. Si les faits d'agression verbale ont été relatés par une infirmière stagiaire, cette circonstance n'est pas de nature à priver son témoignage de toute crédibilité. La différence de formulation des faits d'agression verbale dans le rapport du 9 janvier 2013 et dans le compte-rendu du 22 avril 2013 ne suffit pas à mettre en doute leur matérialité dès lors que la teneur même des propos reprochés à M. B... demeure identique. En outre, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport de 2010, que M. B...avait déjà été invité à modifier son comportement, trop brusque à l'égard des patients. Ni les notations, relevant les qualités professionnelles de l'intéressé, ni les témoignages d'anciens collègues de l'EHPAD, dans lequel il était antérieurement affecté, ne sont de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Les propos grossiers tenus par M. B...en présence d'un patient sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction.

12. En revanche, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la demande de M. B... de pratiquer un acte ne relevant pas de la compétence d'un aide-soignant, ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme constituant une faute dès lors notamment que l'intéressé n'était présent dans le service que depuis trois jours à la date de cette demande. Quant aux autres griefs relatifs au comportement de M.B..., relatés uniquement dans des rapports du cadre supérieur de santé, et sérieusement contestés par le requérant, ils ne sont pas établis. Il ressort cependant des pièces du dossier que la directrice du centre hospitalier régional de Metz-Thionville aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur la faute établie, eu égard à sa gravité.

13. Compte tenu de la qualité d'aide-soignant de M. B...et de la particulière vulnérabilité des usagers avec lesquels il est en contact, et alors même que sa manière de servir était, jusqu'à son affectation dans le service de cardiologie, satisfaisante et qu'il n'avait jamais été sanctionné, la directrice du centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis.

14. En dernier lieu, M. B...reprend, sans plus de précisions devant la cour, le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire viserait en réalité à " faire taire un syndicaliste ". En admettant qu'il ait entendu soutenir que la procédure serait entachée d'un détournement de pouvoir, eu égard à ce qui a été indiqué aux points 11 à 13, ce moyen doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 2013 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville a prononcé à son encontre l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis.

Sur les dépens :

16. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, applicable à la date d'enregistrement de la demande de M.B... : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. /L'Etat peut être condamné aux dépens ".

17. Les dispositions précitées s'opposent à ce que les frais de timbre que M. B... a acquitté lors de l'introduction de sa demande soient mis à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville qui n'est pas la partie perdante.

Sur les frais d'instance :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros que demande le centre hospitalier régional de Metz-Thionville sur ce fondement. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que demande M. B...sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera au centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

2

N° 17NC00140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00140
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CHOFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-23;17nc00140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award