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27/09/2018 | FRANCE | N°17NC00614

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 17NC00614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période

du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, et des majorations correspondantes, ainsi que de l'amende mise à s

a charge en application des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période

du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, et des majorations correspondantes, ainsi que de l'amende mise à sa charge en application des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1401922 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2017, et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 avril et 18 décembre 2017, l'EURLC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg

du 10 janvier 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au

31 décembre 2011, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, et des majorations correspondantes, au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a lieu de déduire du résultat imposable, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés, certaines des dépenses supportées après la cessation d'activité ;

- la fraction d'amortissement des biens détenus du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 doit être admise en déduction du résultat, l'annuité ayant été régulièrement comptabilisée ;

- c'est à tort que l'administration a ajouté au montant de la plus-value de cession du fonds de commerce une somme de 21 109 euros correspondant à des acquisitions de matériel ; la valeur retenue dans l'acte de cession est très substantielle et n'est pas altérée par cette omission qui n'a qu'une incidence très minime ;

- il n'y a pas lieu de réintégrer les sommes inscrites au passif à hauteur

de 66 625 euros, une partie de cette somme ayant fait l'objet de régularisations, et l'autre correspondant à des dettes justifiées ;

- si l'EURL C...a, à tort, continué à encaisser des recettes après la cession du fonds de commerce en lieu et place de la société à responsabilité limitée (SARL) C...H, l'erreur a été réparée à travers la refacturation des sommes entre les deux sociétés ; les montants en cause ne constituent donc pas des distributions ;

- le caractère délibéré du manquement ne peut être retenu, s'agissant d'une jeune entreprise et du manque de " culture fiscale " de ses dirigeants ;

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL C...ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que l'EURLC..., dont la gérante est Mme D...C..., exerçait une activité de restauration traditionnelle à Strasbourg ; qu'à la suite de la cession de son fonds de commerce par acte du 30 septembre 2010 avec effet rétroactif au 1er juillet 2010 à la SARL C...H, qui poursuit la même activité et dont le gérant est son fils M. A...C..., l'EURL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ; que par une proposition de rectification du 15 octobre 2012, établie selon la procédure contradictoire pour les rappels d'impôt sur les sociétés et pour partie selon la procédure de taxation d'office s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration lui a notifié divers rehaussements au titre de ces impositions portant sur les années 2010 et 2011, et les majorations correspondantes, ainsi qu'une amende en application de l'article 1736 du code général des impôts ; que l'EURL C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 janvier 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des majorations supplémentaires ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même

code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) " ; que l'article 39 du code général des impôts dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

3. Considérant que l'EURL C...sollicite la déduction de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2010 d'un don de 600 euros à une association, d'honoraires d'avocat pour un montant de 1 048 euros hors taxes, dont l'objet n'est pas précisé, d'une facture de 144 euros hors taxes et enfin d'une facture de 28 390 euros adressée par la SARL C...H, il est constant que les pièces justificatives produites mentionnent que les versements en cause, dont certains sont postérieurs à la prise d'effet de la cession du fonds de commerce, ont été effectués par la SARL C...et non l'EURLC... ; qu'au regard de la variété de dénominations distinctes utilisées tant pour la désignation de l'EURL que de la SARL

C... H, il ne peut être tenu pour établi que la dénomination " SARLC... " désignerait en réalité l'EURL ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans le résultat imposable de l'EURL au titre de l'exercice clos en 2010 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 2° les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, seuls peuvent être regardés comme " réellement effectués " au titre d'un exercice les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice ;

5. Considérant que si l'EURL C...soutient que la fraction d'amortissement des biens qu'elle a détenus du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 doit être admise en déduction du résultat, la société requérante n'établit pas, en se bornant à produire un tableau des amortissements au 31 décembre 2010 qui n'a pas date certaine, que leur inscription comptable a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels, laquelle a été déposée hors délai le 8 juin 2011 ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'EURL C...fait valoir que c'est à tort que l'administration a intégré au montant de la plus-value résultant de la cession du fonds de commerce à la SARL C...H les dépenses correspondant à l'acquisition par l'EURL C...de divers matériels récents cédés à la SARL C...H, les sommes en cause étant minimes ;

7. Considérant toutefois qu'au regard des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts, la plus-value de cession doit nécessairement intégrer l'ensemble des éléments de l'actif cédés ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante n'avait initialement constaté aucune plus-value de cession dans ses écritures comptables, le montant en ayant été déterminé par l'administration à la somme de 86 610 euros ; que ce montant a par la suite été majoré de 21 109 euros compte tenu de l'insuffisante valorisation d'enseignes, de parasols et de détecteurs de présence acquis au cours de l'exercice 2010 ; que l'EURL ne produit aucun élément probant de nature à remettre en cause la réintégration dans la plus-value réalisée du coût de ces matériels à leur valeur d'achat ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ; que l'article L. 123-19 du code de commerce dispose que : " Les éléments d'actif et de passif doivent être évalués séparément. Aucune compensation ne peut être opérée entre les postes d'actif et de passif du bilan ou entre les postes de charges et de produits du compte de résultat. Le bilan d'ouverture d'un exercice doit correspondre au bilan de clôture de l'exercice précédent. " ;

9. Considérant que le service a également réintégré au résultat imposable de l'exercice clos en 2010 un montant de 66 625 euros correspondant à des soldes créditeurs de comptes fournisseurs inexpliqués à la clôture de l'exercice, et sensiblement identiques à la clôture de l'exercice 2011 ; qu'en vertu du principe comptable de non compensation entre les dettes et les créances, sauf exception prévue par un texte, l'EURL C...ne saurait utilement se prévaloir d'une telle compensation qui aurait été effectuée entre des dettes et des créances concernant l'un de ces fournisseurs, faute de justifier que ladite compensation en remplissait les conditions légales ; que la société requérante ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier la réalité et la permanence des dettes en cause ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a considéré la somme en cause comme un passif injustifié et l'a réintégrée au résultat imposable de la société ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante ne saurait utilement contester à l'appui de sa demande de décharge des impositions litigieuses la qualification de revenus distribués opérée par le service relativement à des recettes du restaurant qui sont imposables au nom de contribuables distincts ;

En ce qui concerne les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; que l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la société a été rejetée compte tenu des graves irrégularités qui l'affectaient, tenant notamment à l'insuffisance de pièces justificatives relatives aux recettes et à la circonstance que de nombreuses écritures ont continué à être passées au nom de l'EURL après la vente de son fonds de commerce ; que ces insuffisances et le caractère grave et répété des erreurs commises sur toute la période vérifiée établissent suffisamment le caractère intentionnel des anomalies imputables à la société, sans que cette dernière puisse se prévaloir d'erreurs de son comptable, dont elle ne pouvait, le cas échéant, ignorer les défaillances ; que c'est à bon droit que l'administration a fait application aux rappels en cause des pénalités de 40 % pour manquement délibéré ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 17NC00614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00614
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : FERNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-09-27;17nc00614 ?
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