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25/09/2018 | FRANCE | N°17NC01267

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 17NC01267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 18 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1700647 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 29 mai 2017, MmeB..., représentée par Me Airoldi-Martin, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 18 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1700647 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2017, MmeB..., représentée par Me Airoldi-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du 18 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airoldi-Martin de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le signataire de la décision portant refus de titre de séjour était incompétent ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B...a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante de République démocratique du Congo née le 7 juillet 1978, est entrée en France, selon ses déclarations, en janvier 2014 et y a déposé une demande d'asile. Après le rejet de cette demande, Mme B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Par des décisions du 18 janvier 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. Mme B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la demande présentée par MmeB... : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...souffre d'une névrose post-traumatique associée à un état dépressif secondaire sévère. Ces troubles psychiatriques nécessitent la mise en place d'entretiens de psychothérapie tous les quinze jours associés à un traitement impliquant la prise de Citalopram, de Bromazepam et de Mogadon. Dans son avis du 14 septembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en République Démocratique du Congo résultant de cet avis, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur les éléments de réponse émanant non pas directement d'un médecin, mais du consul de France à Kinshasa, retranscrivant, sans autre précision, les propos d'un " médecin français de la place " selon lesquels la " pathologie psychiatrique " dans son ensemble est correctement prise en charge à Kinshasa, dans les grandes villes du pays et qui ne relève aucune difficulté de prise en charge dans le cas particulier du syndrome de stress post-traumatique. Eu égard aux termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, et alors que le consul répondait à une interrogation des services de la préfecture du Bas-Rhin évoquant de nombreuses demandes d'admission au séjour de ressortissants congolais invoquant des pathologies psychiatriques, et non spécifiquement le cas de la requérante, ces éléments ne permettent pas d'établir que cette pathologie pourrait être prise en charge en République Démocratique du Congo. En outre, le préfet n'a produit aucun élément relatif à la disponibilité des médicaments prescrits à Mme B... ou à leurs principes actifs. Mme B...est par suite fondée à soutenir qu'il a fait une inexacte appréciation de son état de santé et de la disponibilité des soins appropriés à cet état en République Démocratique du Congo, en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire et en l'obligeant à quitter le territoire français.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que MmeB... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

8. Eu égard au motif d'annulation des décisions en litige, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Bas-Rhin délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. MmeB... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airoldi-Martin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airoldi-Martin de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700647 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg et les décisions du 18 janvier 2017 du préfet du Bas-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Airoldi-Martin, avocate de MmeB..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airoldi-Martin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 17NC01267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01267
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : AIROLDI-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-09-25;17nc01267 ?
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