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19/07/2018 | FRANCE | N°17NC02972

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 19 juillet 2018, 17NC02972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le président du conseil régional d'Alsace a, en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 1er octobre 2015, suspendu la décision du 10 juillet 2015 révoquant l'intéressée à titre disciplinaire, l'a réintégrée dans les cadres de l'administration et l'a affectée à l'établissement régional du premier degré (ERPD) de Strasbourg pour y exercer les fonctions d'agent polyvalent d'

entretien.

Mme A...a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le président du conseil régional d'Alsace a, en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 1er octobre 2015, suspendu la décision du 10 juillet 2015 révoquant l'intéressée à titre disciplinaire, l'a réintégrée dans les cadres de l'administration et l'a affectée à l'établissement régional du premier degré (ERPD) de Strasbourg pour y exercer les fonctions d'agent polyvalent d'entretien.

Mme A...a également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 19 septembre 2016 par laquelle la rectrice de l'académie de Strasbourg l'a radiée des cadres et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 989,71 euros mise à sa charge par un ordre de versement établi le 17 octobre 2016 par le président du conseil régional d'Alsace.

Par un jugement n° 1506765, 1606132, 1606842 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 21 mai 2018, Mme F... A..., représentée par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 octobre 2017 ;

2°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 6 octobre 2015 et du 19 septembre 2016 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 989,71 euros résultant de l'ordre de versement établi le 17 octobre 2016 ;

3°) à titre subsidiaire, de procéder à une compensation entre la somme réclamée par l'ordre de reversement précité et les sommes qui lui restent dues au titre de ses congés annuels de l'année scolaire 2014-2015 et du traitement du mois de septembre 2015, et de condamner la région Grand Est à lui verser le solde restant éventuel ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la région Grand Est, qui a succédé à la région Alsace, la somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le président du conseil régional ne pouvait, par la décision du 6 octobre 2015, prononcer sa réintégration dans un emploi d'agent d'entretien dès lors que sa situation médicale nécessitait son placement en congé de maladie ou son reclassement dans un autre emploi ;

- la décision du 19 septembre 2016 est entachée d'un vice d'incompétence et d'un défaut de motivation ;

- elle doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 989,71 euros au titre d'un trop perçu sur le traitement du mois de juillet 2016 dès lors que l'administration n'établit pas qu'elle n'aurait pas exercé ses fonctions jusqu'au 12 juillet 2016 ;

- l'indemnisation qui lui est due à raison des congés non pris au titre de l'année scolaire 2014-2015 doit venir en compensation de la somme réclamée au titre du trop perçu ;

- les dispositions de l'article 5 du décret du 26 novembre 1985 en application desquelles un congé annuel non pris ne donne lieu à aucune indemnisation sont incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2018, la région Grand Est, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

La région Grand Est a présenté un mémoire complémentaire le 20 juin 2018, qui n'a pas été communiqué.

Mme A...a présenté un mémoire complémentaire le 23 juin 2018, après la clôture de l'instruction.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

- le décret n° 2005-1785 du 30 décembre 2005

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour MmeA..., de Mme A...elle-même et de Me E... pour la région Grand Est.

1. Considérant que MmeA..., née le 1er septembre 1959, a été recrutée le 20 novembre 1978 par l'administration de l'éducation nationale afin d'exercer les fonctions d'auxiliaire de service puis d'agent spécialiste dans un établissement d'enseignement secondaire ; que l'intéressée, affectée en qualité d'agent d'accueil au lycée Louis Couffignal de Strasbourg le 1er septembre 2003, a été intégrée dans le corps des adjoints techniques des établissements d'enseignement le 5 mai 2007 ; que Mme A...a été détachée sans limitation de durée auprès de la région Alsace à compter du 1er janvier 2008, dans le cadre du transfert de services de l'Etat vers les régions décidé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ; que la requérante a été mutée sur le poste d'agent d'entretien du gymnase du lycée Louis Couffignal à compter du 13 octobre 2009 ; que, par une décision du 10 juillet 2015, le président du conseil régional d'Alsace a révoqué Mme A... à titre disciplinaire, avec effet au 1er août 2015 ; qu'en exécution de l'ordonnance du 1er octobre 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu cette décision dans l'attente que le tribunal statue au fond sur la demande de Mme A...tendant à son annulation, le président du conseil régional d'Alsace a, le 6 octobre 2015, réintégré l'intéressée dans les effectifs de la collectivité à compter du 1er octobre 2015 et l'a affectée au sein de l'établissement régional du premier degré de Strasbourg en qualité d'agent polyvalent d'entretien à compter du 8 octobre suivant ; que, par un jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de la sanction de révocation du 10 juillet 2015 ; qu'à la suite de ce jugement, la rectrice de l'académie de Strasbourg a, par une décision du 19 septembre 2016, radié Mme A...des cadres de son administration d'origine à compter du 11 juillet 2016 ; que, par un ordre de reversement du 17 octobre 2016, le président du conseil régional d'Alsace a procédé à un rappel sur le traitement de Mme A...au titre du mois de juillet 2016, pour un montant de 989,71 euros ; que cette dernière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de la décision du président du conseil régional d'Alsace du 6 octobre 2015, de la décision de la rectrice de l'académie de Strasbourg du 19 septembre 2016 et de l'ordre de reversement du 17 octobre 2016 ; qu'elle fait appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; que, contrairement à ce que soutient MmeA..., la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 6 octobre 2015 :

3. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 12 juillet 2013, le président du conseil régional d'Alsace a donné délégation à M.G..., adjoint au directeur général des services, à l'effet de signer tous actes ou décisions à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les mesures tendant à réintégrer les agents dans les cadres de l'administration ; que, par suite, le moyen, soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que M. G... aurait été incompétent pour signer l'acte contesté doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des éléments médicaux produits à l'instance, notamment le certificat établi le 16 juin 2011 par un médecin dermatologue, que l'intéressée souffre d'un eczéma chronique des mains imputable à une allergie au nickel nécessitant d'éviter tout contact avec des produits et substances contenant ce métal, notamment les aciers inoxydables et les détergents ; que, s'agissant des détergents, ce certificat précise que la concentration en nickel, trop faible pour déclencher une allergie, pourrait seulement contribuer à entretenir un eczéma préexistant ; que tant le comité médical dans sa séance du 27 juin 2014 que le médecin de prévention dans les fiches de visite établies de 2011 à 2015 ont tenu compte de l'allergie de Mme A... en recommandant l'absence de contact avec des produits d'entretien ou des matériaux contenant du nickel ; que le médecin de prévention a ajouté, parmi ces recommandations, l'absence d'utilisation de gants en latex qui sont susceptibles d'entretenir un eczéma préexistant ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que, sous réserve de respecter les prescriptions médicales précitées, l'état de santé de Mme A...ferait obstacle à ce qu'elle exerce des fonctions d'agent d'entretien ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que, dans ses fonctions antérieures au lycée Louis Couffignal, l'administration avait pris en compte l'ensemble des recommandations médicales précitées en mettant à sa disposition des gants sans latex, des gants en coton et des produits d'entretien hypoallergéniques afin de lui éviter toute allergie ; qu'il n'est pas sérieusement allégué que l'administration aurait omis de prendre en compte ces mêmes recommandations dans le cadre des fonctions confiées à la requérante au sein de l'établissement régional du premier degré de Strasbourg en exécution de l'ordonnance du juge des référés suspendant la mesure de révocation ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 19 septembre 2016 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : (...) 4° De la révocation (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 relatif au détachement sans limitation de durée de fonctionnaires de l'Etat en application de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : " I. - L'autorité territoriale exerce le pouvoir disciplinaire selon les règles fixées par le chapitre VIII de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et le décret du 18 septembre 1989 susvisé. Elle informe l'administration gestionnaire du corps d'origine des sanctions prononcées et lui transmet une copie des pièces du dossier disciplinaire. / II. - Les sanctions du quatrième groupe prennent effet à la fois au titre du cadre d'emplois d'accueil et au titre du corps d'origine " ; qu'une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable ; que la décision du président du conseil régional d'Alsace du 10 juillet 2015 révoquant Mme A...à titre disciplinaire a fait l'objet d'un recours qui a été rejeté par un jugement du 23 juin 2016, dont l'intéressée a fait appel ; que s'il appartenait à la rectrice de l'académie de Strasbourg, en application des dispositions précitées, de tirer les conséquences de la décision révoquant Mme A...en procédant à sa radiation des cadres de son administration d'origine, cette décision de révocation n'était pas définitive le 19 septembre 2016, date à laquelle la rectrice a prononcé la radiation ; qu'ainsi, elle n'était pas, à cette date, en situation de compétence liée pour adopter cette mesure ;

6. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 7 mars 2016, la rectrice de l'académie de Strasbourg a donné délégation à M.C..., directeur des ressources humaines, à l'effet de signer l'ensemble des actes relatifs à la situation des personnels affectés dans les établissements d'enseignement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. C...aurait été incompétent pour signer l'acte contesté doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les imprécisions et omissions relevées par Mme A... dans la motivation de la décision contestée sont sans influence sur sa légalité ;

8. Considérant, en dernier lieu, que par un arrêt du même jour, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2015 par laquelle le président du conseil régional d'Alsace a prononcé sa révocation ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'annulation de cette décision aurait pour conséquence l'annulation de la décision du 19 septembre 2016 la radiant des cadres de son administration d'origine ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de l'ordre de reversement du 17 octobre 2016 :

9. Considérant, d'une part, que l'ordre de reversement litigieux a pour objet un rappel sur le traitement versé à Mme A...au titre du mois de juillet 2016, alors que l'intéressée a été radiée des cadres le 11 juillet 2016 ; que si la requérante se prévaut d'une attestation du responsable de l'établissement régional du premier degré de Strasbourg certifiant de son appartenance au personnel de cet établissement jusqu'au 12 juillet 2016, il est constant qu'elle a été radiée des cadres à la date du 11 juillet 2016 ; que dans ces conditions, l'attestation précitée n'est pas de nature à établir que la requérante aurait droit à sa rémunération au titre de la journée du 12 juillet 2016 ;

10. Considérant, d'autre part, que Mme A...demande à titre subsidiaire qu'une compensation soit opérée entre le trop perçu dont l'administration lui réclame le remboursement et l'indemnisation à laquelle elle estime avoir droit en raison des congés annuels non pris avant sa radiation des cadres le 1er août 2015 ; que toutefois, elle n'apporte à l'instance aucun élément de nature à justifier des jours de congés dont elle aurait été privée du fait de sa radiation ; que dans ces conditions, sa demande de compensation ne peut qu'être rejetée ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui a succédé à la région Alsace et qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme que la région Grand Est demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Grand Est présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A..., à la région Grand Est et au ministre de l'éducation nationale.

7

N° 17NC02972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02972
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;17nc02972 ?
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