Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Metzervisse Contact a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 18 mai 2015 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de la Moselle a adopté un statut local relatif à l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés en Moselle.
Par un jugement n° 1503983 du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 13 octobre 2016, le 15 mars 2018 et le 22 mars 2018, la société Metzervisse Contact, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du 18 mai 2015 par laquelle la commission permanente du conseil départemental de la Moselle a adopté un statut local relatif à l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés en Moselle ;
3°) de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération méconnaît les dispositions de l'article L. 3133-4 du code du travail dès lors que l'ensemble des organisations professionnelles représentatives des commerces alimentaires n'ont pas été consultées ; la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP) et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) n'ont pas été consultées ; le département n'établit pas avoir interrogé l'ensemble des organisations syndicales qu'il indique avoir consultées ;
- la délibération attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le but de la délibération est de laisser au préfet le pouvoir de prendre des mesures dérogatoires ;
- la délibération porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et plus particulièrement à la liberté d'entreprendre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 août 2016, 15 novembre 2016 et 13 décembre 2016, le département de la Moselle, représenté par la SCP A...et Richard-Maupillier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Metzervisse Contact, de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et de la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conclusions présentées par les fédérations intervenantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Metzervisse Contact et par les fédérations intervenantes ne sont pas fondés.
Par une intervention, enregistrée le 17 novembre 2016, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP), représentées par la Selarl Fayan-Roux, Bontoux et associés demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2016 ainsi que la délibération de la commission permanente du conseil départemental en date du 18 mai 2015, d'enjoindre au département de la Moselle d'abroger ladite délibération dans un délai de deux mois sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que la délibération méconnaît les dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail dès lors que l'ensemble des organisations professionnelles représentatives des commerces alimentaires n'ont pas été consultées.
Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2018, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) déclare se désister purement et simplement de son intervention.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code du travail et notamment le chapitre IV intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " du titre II, du livre I, de la 3ème partie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour la société Metzervisse Contact, de Me A... pour le département de la Moselle et de Me B...pour la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité.
1. Considérant que, par une délibération du 18 mai 2015, la commission permanente du conseil départemental de la Moselle a adopté un statut départemental concernant l'ouverture des exploitations commerciales en Moselle les dimanches et jours fériés, qui prévoit, d'une part, l'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés et, d'autre part, des dérogations, dans la limite d'une durée de travail de 5 heures, " le premier dimanche des soldes d'hiver et le premier dimanche des soldes d'été pour toutes les exploitations commerciales de Moselle hors concessions automobiles " et " quatre dimanches dans l'année pour les concessions automobiles, déterminés librement sous réserve d'une information écrite préalable du préfet " ; que la société Metzervisse Contact relève appel du jugement du 23 mars 2016, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les interventions de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité :
2. Considérant que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP) sont intervenues au soutien de la requête par un mémoire enregistré le 17 novembre 2016 ;
3. Considérant, d'une part, que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution s'est désistée purement et simplement de son intervention par un mémoire, enregistré le 22 mars 2018 ; que, rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement ;
4. Considérant, d'autre part, que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a intérêt à l'annulation du jugement attaqué et de la délibération du 18 mai 2015 ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-2 du chapitre IV susvisé du code du travail intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " : " L'emploi de salariés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales est interdit les dimanches et jours fériés, sauf dans les cas prévus par le présent chapitre. " ; qu'aux termes de l'article L. 3134-4 du même chapitre de ce code : " Dans les exploitations commerciales, les salariés ne peuvent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de Pentecôte./ Les autres dimanches et jours fériés, leur travail ne peut dépasser cinq heures. / Par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés après consultation des employeurs et des salariés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d'activité. (...). " ;
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ne précisent pas la nature et les formes des consultations qu'elles prévoient ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général a convié à plusieurs réunions de travail des organisations syndicales et patronales ; que, notamment, les représentants du Medef Moselle, de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) de la Moselle et de l'Union professionnelle artisanale (UPA) 57, qui sont les principales organisations patronales interprofessionnelles, ont été invitées à participer à une réunion de travail qui s'est déroulée le 16 avril 2015 ; que l'UPA regroupait alors la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), et la Confédération nationale de l'artisanat des métiers de service et de fabrication (CNAMS ) ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ne subordonnent pas, contrairement à l'article L. 221-17 du code du travail, dont les dispositions ont, en substance, été reprises à l'article L. 3132-29 du même code et qui ne sont pas applicables dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, l'adoption des mesures en cause à la conclusion d'un accord entre les organisations syndicales de salariés et les syndicats d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminée ; qu'ainsi, et en tout état de cause, la fédération intervenante dans l'instance ne peut utilement soutenir que, dès lors qu'il s'agit d'associations et non de syndicats et qu'elles n'établissent pas avoir été titulaires de mandats pour négocier et signer un accord, les organisations patronales en cause ne pouvaient pas être consultées ;
8. Considérant, par ailleurs, que les représentants de la chambre de métiers et de 1'artisanat de la Moselle et de la chambre de commerce, d'industrie et de services territoriales de la Moselle ont également été conviés à une réunion qui s'est tenue le 29 avril 2015 ; qu'en outre, si la FCD est l'unique signataire de la convention collective nationale du commerce à prédominance alimentaire, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'échange de courriers du mois de mars 2015 entre son délégué général et le président du Medef que la FCD, qui indique elle-même être membre du Medef, a été informée des consultations initiées par le département de la Moselle par le délégué général du Medef Moselle ;
9. Considérant qu'ainsi et dans la mesure où l'interdiction de travail dominical concerne toutes les exploitations commerciales de Moselle hors concessions automobiles, le département doit être regardé comme ayant procédé à la consultation des employeurs prévue par l'article L. 3134-4 du code du travail, alors même que les organisations professionnelles représentatives des " commerces alimentaires " n'ont pas été directement consultées ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de consultation prévue par l'article L. 3134-4 du code du travail doit, par suite, être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 3134-7 du code du travail : " Des dérogations aux dispositions des articles L. 3134-3 et L. 3134-4 peuvent être accordées par l'autorité administrative pour les catégories d'activités dont l'exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches ou les jours fériés pour la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là. " ; qu'aux termes de l'article R. 3134-3 dudit code : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 3134-5, L. 3134-7, L. 3134-8 et L. 3134-12 est le préfet. " ;
11. Considérant que si, par un arrêté du 28 mai 2015, le préfet de la Moselle a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail, autorisé certaines catégories de commerces à déroger au régime du repos dominical et des jours fériés, et si le préfet ou des membres de la préfecture ont participé aux réunions de travail organisées aux mois d'avril et mai 2015, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prévoyant, sauf dérogations, une interdiction du travail le dimanche et les jours fériés, le département de la Moselle, aurait porté à l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre une atteinte qui n'aurait pas été justifiée par l'intérêt général ainsi que par les exigences du dixième et du onzième alinéa du Préambule de 1946 et qui n'aurait pas été proportionnée à l'objectif poursuivi ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Metzervisse Contact n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'en outre, la société Metzervisse Contact n'a pas présenté de conclusions sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ; que ces dispositions font, par ailleurs, obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Metzervisse Contact au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Metzervisse Contact une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Moselle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité est admise.
Article 2 : Il est donné acte du désistement de l'intervention de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.
Article 3 : La requête de la société Metzervisse Contact est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La société Metzervisse Contact versera au département de la Moselle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Metzervisse Contact, au département de la Moselle, à la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et à la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à la ministre du travail.
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N° 16NC00904