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14/06/2018 | FRANCE | N°17NC02249

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 17NC02249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700401 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2017, MmeA..., représenté

e par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700401 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2017, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de la mettre en possession, dans l'attente de sa décision, d'une autorisation provisoire de séjour, sous un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la fixation du pays de renvoi :

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 28 août 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante angolaise née le 31 janvier 1960, a déclaré être entrée en France le 21 mai 2014 ; qu'elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2016 ; que la requérante a demandé au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ; que, par un arrêté du 2 janvier 2017, le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que la requérante relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que, par un avis rendu le 25 octobre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a estimé que l'état de santé Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'était pas en mesure de bénéficier d'un traitement approprié en Angola ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un certificat médical du 14 février 2017, que Mme A...souffrait d'un goitre, de gonalgies, de dorsalgies chroniques et rebelles aux traitements médicaux, d'une hystérocèle de stade 3, d'une cystocèle de stade 2, de gonarthrose fémoro-tibiale interne bilatérale et symétrique, d'une discopathie et arthrose inter-articulaire postérieur étagée et de sténose canalaire dégénérative ; que ce certificat médical précise que la requérante a été opérée d'une thyroïdectomie totale pour goitre multinodulaire le 29 janvier 2015, d'une hystérectomie subtotale et annexectomie bilatérale pour prolapsus utéro-vaginal partiel le 6 octobre 2014, qu'elle a fait l'objet à plusieurs reprises d'infiltrations et de ponctions dans le genou droit, qu'elle a bénéficié d'une chirurgie du genou droit et gauche avec prothèse totale du genou droit le 16 février 2015 et d'une prothèse totale du genou gauche en novembre 2016 ; que le praticien qui a rédigé le certificat médical en cause a indiqué que Mme A...marchait difficilement, qu'elle boîtait et utilisait des cannes, qu'elle souffrait de douleurs invalidantes et qu'elle se déplaçait difficilement à l'aide d'une paire de cannes ;

7. Considérant, toutefois, que le préfet du Doubs produit un courrier électronique du conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministre de l'intérieur du 24 mars 2017 qui indique que les affections dont Mme A...souffrait ont, pour l'essentiel, fait l'objet d'un traitement, dès lors que son goitre a été traité par ablation de la thyroïde, que l'hystérocèle et la cystocèle ont fait l'objet d'une hystérectomie avec annexectomie, que la gonarthrose bilatérale a conduit à la pose de deux prothèses du genou ; qu'il précise également que le traitement de substitution de l'hormone thyroïdienne et les dosages sanguins nécessaires pour sa surveillance, sont disponibles en Angola et qu'il en est de même pour les médicaments en général prescrits pour le traitement de l'arthrose lombaire ; que le préfet du Doubs produit également des extraits de la base de données européenne " Medical Country of Origin Information ", recensant les informations relatives à la disponibilité et l'accessibilité des soins, qui confirment la disponibilité de ces traitements et médicaments en Angola ; que, dans ces conditions, le préfet du Doubs établit que MmeA..., qui n'est entrée en France qu'en 2014 et qui ne produit aucun document laissant à penser que son état de santé se serait aggravé depuis, peut disposer d'un suivi et d'un traitement appropriés à son état de santé en Angola et voyager à destination de ce pays ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs était fondé à refuser de délivrer un titre de séjour pour raisons de santé à la requérante ;

Sur la décision obligeant Mme A...à quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " ; que pour les motifs exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que pour les motifs exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. Dhers, président,

Mme Didiot, premier conseiller,

Mme Lambing, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

Le président-rapporteur,

Signé : S. DHERSL'assesseur le plus ancien,

Signé : S. DIDIOT

La greffière,

Signé : M-A. VAULOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M-A. VAULOT

2

N° 17NC02249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02249
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DHERS
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-14;17nc02249 ?
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