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15/05/2018 | FRANCE | N°16NC02813

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 16NC02813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 avril 2013 qui a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1400248 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre du travai

l, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 4 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 avril 2013 qui a refusé d'autoriser son licenciement et, d'autre part, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1400248 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 4 novembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2016 et 7 novembre 2017, la société UPM France SAS, représentée par le cabinet d'avocats Freschfields Bruckhaus Deringer LLP, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 octobre 2016 ;

2°) de rejeter la demande formée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M.A..., d'une part, la somme de 500 euros qu'elle a payée en exécution du jugement attaqué au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, la somme de 2 500 euros en application des mêmes dispositions.

Elle soutient que :

- la requête de M. A...était irrecevable dès lors qu'il avait signé avec elle un protocole transactionnel au terme duquel il s'engageait à ne pas contester la décision ministérielle du 4 novembre 2013 ;

- le moyen d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé ; elle a satisfait à son obligation de chercher à reclasser M. A...dans l'entreprise sur le site de Docelles, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A...ne sont pas fondés ;

- le ministre n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; le contrat de travail de M. A...n'a pas été transféré à la société Blue Paper qui n'a pas repris le site de Stracel Strasbourg.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2017, M.A..., représenté par la SCP d'avocats Dulmet - Dörr, conclut à ce que la cour :

1°) rejette la requête de la société UPM France SAS ;

2°) mette à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) mette à la charge de la société UPM France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société UPM France SAS ne sont pas fondés ; il rappelle que le protocole transactionnel qu'il a signé avec la société UPM France ne l'a pas privé de l'intérêt à contester l'autorisation ministérielle de licenciement ; il ajoute que son licenciement était illégal car il méconnaissait les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; son contrat de travail avait été transféré à la société Blue Paper qui a, en réalité, repris le site de Stracel Strasbourg.

Par une ordonnance du 13 octobre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2017 à 16 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...A..., délégué du personnel, était employé par la société UPM France SAS sur le site de Strasbourg " Stracel " ; que ce site a fait l'objet d'une cessation d'activité afin de sauvegarder la compétitivité du groupe ; que, par une décision du 22 avril 2013, l'inspectrice du travail de la 7ème section de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Alsace a refusé d'autoriser son licenciement ; que la société UPM France SAS a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que par une décision du 4 novembre 2013, celui-ci a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement ; que M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette décision ; que, par le jugement du 19 octobre 2016 dont la société UPM France SAS relève appel, le tribunal a annulé la décision ministérielle ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance de M.A..., dirigée contre la décision du 4 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé la société UPM France SAS à le licencier :

2. Considérant que M. A...a conclu, le 30 janvier 2014, avec la société UPM France SAS un protocole transactionnel aux termes duquel, en contrepartie du versement d'une indemnité d'un montant potentiellement de 20 000 euros, il déclarait " renoncer, dans la mesure où toutes les contestations entre les Parties sont irrévocablement éteintes par les présentes, à toutes demandes, instances et actions civiles, pénales et administratives, devant quelque juridiction que ce soit à l'encontre de la société, ou toute autre société du groupe auquel la société appartient, au titre du PSE ou de la rupture de son contrat de travail " ; que la société UPM France SAS soutient que ce protocole transactionnel faisait obstacle à ce que M. A...pût former un recours pour excès de pouvoir contre la décision du 4 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social l'a autorisée à licencier l'intéressé ;

3. Considérant que les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices d'ordre public instituées en leur faveur ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société UPM France SAS doit être écartée ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en raison de la cessation totale d'activité sur le site de Strasbourg Stracel, la société UPM France SAS a effectué au titre du reclassement interne des recherches d'emplois disponibles pour reclasser ses salariés au sein des sites de production du groupe auquel elle appartient en France et à l'étranger : que, par courrier daté du 10 janvier 2013, elle a proposé à M.A..., cariste, au titre du reclassement interne, 3 postes sur son site de production de Docelles dans les Vosges ; que dès lors qu'il ressort d'un communiqué de presse daté du 17 janvier 2013 et émanant du groupe UPM-Kymmene Corporation, auquel appartient la société UPM France SAS, que le groupe prévoyait de réduire à nouveau sa capacité de production de papier de 580 000 tonnes en Europe de manière définitive et que, dans ce cadre, " le processus de vente d'usine d'UPM Docelles démarrera immédiatement. Six mois au maximum sont alloués à ce processus ", les offres correspondant au site de production vosgien ne présentaient pas un caractère sérieux ; que d'ailleurs, ledit site n'a pas été vendu et a connu quelques mois plus tard une cessation d'activité totale et définitive ; que si était jointe au courrier du 10 janvier 2013 la fiche de poste de " remplaçant de ligne " sur le site de la Chapelle Darblay à Grand-Couronne en Seine-Maritime, il ressort expressément de ce courrier que ce poste n'était pas proposé à l'intéressé au motif qu'il ne correspondait pas à son profil ; que, dans ces conditions, la société UPM France SAS ne démontre pas qu'elle a effectué toutes les démarches en vue de favoriser le reclassement de M. A... en France ; que si la société UPM France a également proposé à M.A..., sous réserve de recueillir son accord, la possibilité d'un reclassement sur un poste situé dans un site de production à l'étranger, aucune offre précise n'a été faite à l'intéressé ; que, par suite, la société UPM France SAS n'a pas satisfait à l'obligation, qui lui incombait en application des dispositions précitées de l'article L. 1233-4 du code du travail, de chercher à reclasser M. A... avant d'envisager son licenciement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société UPM SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé décision du 4 novembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 avril 2013 qui a refusé d'autoriser le licenciement de M. A...et a autorisé son licenciement de ce dernier ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la société UPM France SAS demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel ;

10. Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société UPM France et de l'Etat respectivement la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société UPM France SAS est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société UPM France SAS versera à M. A...la somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société UPM France SAS, à la ministre du travail et à M. B...A....

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N° 16NC02813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02813
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Existence d'un intérêt.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique - Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP DULMET DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-15;16nc02813 ?
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