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07/05/2018 | FRANCE | N°18NC01163

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 07 mai 2018, 18NC01163


Vu la requête enregistrée le 9 avril 2018 présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Gilles Petitjean, représentée par MeA... ;

La SARL Gilles Petitjean demande au juge des référés de la cour administrative de Nancy d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement des impositions visées par le jugement n° 1500739 du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur

la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été récl...

Vu la requête enregistrée le 9 avril 2018 présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Gilles Petitjean, représentée par MeA... ;

La SARL Gilles Petitjean demande au juge des référés de la cour administrative de Nancy d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement des impositions visées par le jugement n° 1500739 du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2012.

Elle soutient que :

- la condition relative à l'urgence est remplie dès lors que le plan de sauvegarde de dix ans dont elle bénéficie arrive à son terme le 17 juin 2018, tandis que les sommes réclamées par l'administration fiscale excèdent largement son chiffre d'affaires et son résultat net, qui se sont respectivement élevés à 26 443 euros et 905 euros de bénéfice au titre de l'exercice clos le 30 avril 2016, et à 20 917 euros et 8 732 euros de pertes au titre de l'exercice clos le 30 avril 2017 ; elle ne dispose au demeurant d'aucun actif mobilisable ni des fonds suffisants pour s'acquitter des rappels de taxe sur la valeur ajourée demandés ; ainsi la mise en oeuvre des recouvrements conduirait à la cessation de paiement et à l'obligation pour elle de déposer le bilan ;

- la condition tenant au doute sérieux est remplie car d'une part, la procédure d'imposition est irrégulière, l'administration n'ayant pas indiqué au contribuable la nature, l'origine et la teneur des renseignements obtenus ; au demeurant, le tribunal administratif de Besançon a omis de statuer sur ce moyen soulevé en première instance ; de plus, la requérante a demandé à l'administration la communication de toutes les pièces utilisées pour fonder les rectifications, ce qu'elle n'a pas fait puisqu'elle s'est bornée à communiquer certains éléments seulement ; d'autre part, la requérante était fondée à appliquer le régime de la TVA sur marge en application de l'article 297 A du code général des impôts et, par conséquent, elle n'a pas éludé l'impôt ; elle a agi en qualité d'assujetti revendeur et, s'agissant d'acquisitions portant sur des biens d'occasion pour lesquels ses fournisseurs sont des négociants qui ont placé leurs livraisons sous le régime de la marge, elle n'a pu déduire aucune taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses acquisitions et peut dès lors bénéficier du régime sur la marge conformément aux objectifs de la 7ème directive ; enfin, le contrôle des documents d'immatriculation des véhicules incombe à l'administration, qui remet le " quitus ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la condition tenant au doute sérieux n'est pas remplie en ce que, d'une part, l'administration n'a pas méconnu son obligation d'information ni les dispositions de l'article L.76 B et d'autre part, l'inapplicabilité du régime de la marge résulte du fait que les véhicules en provenance d'Allemagne ont ouvert un droit à déduction en amont ; que la société requérante ne pouvait pas ignorer que les précédents propriétaires étaient des assujettis redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 janvier 2018 sous le numéro 18NC00045, présentée pour la SARL Gilles Petitjean par MeA..., qui demande l'annulation du jugement n° 1500739 du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2012.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu la décision en date du 2 mai 2017 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy désignant M. Martinez, président de chambre, comme juge des référés, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Vu l'audience publique du 2 mai 2018 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de M. Martinez, juge des référés,

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Gilles Petitjean.

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public " ;

2. Considérant que le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge de tout ou partie d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible ; que le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence, qui doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, justifie la mesure de suspension sollicitée ; que pour vérifier si la condition d'urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourrait entraîner, à brève échéance, l'obligation de payer sans délai l'imposition ou les mesures mises en oeuvre ou susceptibles de l'être pour son recouvrement, eu égard aux capacités des contribuables à acquitter les sommes demandées et compte tenu des autres intérêts en présence ;

3. Considérant en premier lieu que pour justifier, comme il lui incombe, de la condition d'urgence, la société requérante fait valoir qu'elle bénéficie d'un plan de sauvegarde d'une durée de dix ans en vertu d'un jugement du 17 juin 2008 du tribunal de grande instance de Montbéliard, qu'elle a respecté ses engagements à l'égard de ses créanciers et qu'ainsi le plan d'apurement du passif s'achèvera le 17 juin 2018 ; que la société requérante soutient que le recouvrement forcé de la somme litigieuse de 997 876 euros, résultant de la mise en demeure valant commandement de payer en date du 7 mars 2018, conduirait inéluctablement à un état de cessation de paiement et à la remise en cause des effets du plan de sauvegarde et l'obligerait à déposer le bilan ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des bilans et comptes de résultat produits par la société requérante, que son chiffre d'affaires s'est limité respectivement à 26 443 euros et 20 917 euros au titre des exercices clos les 30 avril 2016 et 2017 tandis qu'elle n'a réalisé respectivement au titre de ces deux exercices qu'un résultat net de 905 euros et une perte de 8 732 euros ; qu'il ressort également de ces bilans que la société ne dispose d'aucun actif mobilisable en vue d'acquitter immédiatement le montant de sa dette fiscale ; qu'il ne ressort pas davantage des relevés des comptes bancaires versés au dossier qu'elle disposerait, en matière de trésorerie, des fonds suffisants pour s'acquitter des rappels d'impôts en cause ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la disproportion entre le montant des impôts réclamés et les capacités du contribuable à acquitter ces sommes, et alors d'ailleurs que le ministre ne contredit aucun des éléments avancés par la requérante et déclare s'en remettre sur ce point à la sagesse de la cour, la condition d'urgence posée par les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;

4. Considérant, en second lieu, que la société requérante soutient notamment que le service a méconnu les dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que, d'une part, il n'a pas indiqué au contribuable la nature et la teneur des renseignements ou documents obtenus de la part de ses fournisseurs français ayant fait l'objet parallèlement d'une vérification de comptabilité et que, d'autre part, alors que la société en avait fait la demande, il s'est également abstenu de communiquer une copie des documents obtenus auprès de ces fournisseurs et ne lui a ainsi communiqué qu'une partie des éléments utilisés pour fonder les rectifications ; que compte tenu des éléments produits par les parties et en l'absence notamment de précision de la part de l'administration sur le contenu exact du

CD ROM transmis au contribuable, ce moyen paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition et partant sur la légalité des impositions litigieuses ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Gilles Petitjean est fondée à demander la suspension de la mise en recouvrement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2012 et dont le jugement susmentionné n'a pas prononcé la décharge ;

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'avis de mise en recouvrement du 8 août 2014, visé par la mise en demeure valant commandement de payer du 7 mars 2018, se rapportant aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes réclamés à la SARL Gilles Petitjean au titre de la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2012 dus, et dont le jugement n° 1500739 du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Besançon n'a pas prononcé la décharge, est suspendue.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Gilles Petitjean et au ministre de l'action et des comptes publics.

Fait à Nancy, le 7 mai 2018.

Le juge des référés,

Signé : J. MARTINEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

4

17NC01163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01163
Date de la décision : 07/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Avocat(s) : GUELOT - BARANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-05-07;18nc01163 ?
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